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La crise économique qui a débuté en 2007 et qui s’est aggravé en 2008 et 2009 a suscité de nombreuses questions sur l’avenir du capitalisme, que certains ont dit vouloir “réformer”, “refonder” voire “moraliser”. Avec ce recul, on se rend compte que ces propos, tenus par les dirigeants politiques occidentaux, avaient pour seul objectif de calmer l’opinion publique.
Car qu’a-t-on vu ces derniers mois, surtout depuis le sommet du groupe des 20 premières puissances économiques de la planète (G20) de Pittsburg ? Des mesurettes. Un exemple ? La taxation des bonus des traders et autres opérateurs des salles de marché, ce qui laisse supposer que ces professionnels sont responsables de la crise alors que cette crise est partie d’autres départements des banques de financement et d’investissement : des prêts immobiliers destinés à des personnes peu ou pas solvables étaient transformés en produits financiers vendus aux investisseurs.
Depuis, le président américain Barack Obama a annoncé l’instauration d’une taxe sur les banques qui ont bénéficié d’aides publiques afin de permettre au pays de récupérer 117 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. La chancelière allemande Angela Merkel a soutenu pour sa part l’idée d’une taxe sur les transactions financières en ajoutant qu’il fallait un accord international.
Toutes ces mesures peuvent-elles vraiment contribuer à réformer le capitalisme ? Disons le tout net : non. Certaines mesures – comme une taxe sur les transactions, proposée dès les années 1970 par l’économiste américain James Tobin – peuvent freiner la spéculation à court terme. Mais cela ne peut pas remettre en cause le système. Car il n’y a pas d’alternative.
Dans sa première définition, le capitalisme est synonyme de propriété privée, que ce soit à titre individuel ou à titre collectif. Depuis le XIXème siècle, grâce à Karl Marx, on l’a défini comme un système visant à la recherche du profit et à l’accumulation du capital, ce qui suggère une “lutte des classes” entre les détenteurs de capital et les autres, au premier rang desquels les salariés. Depuis les années 1980, suite à la dérégulation menée au Royaume-Uni par le Premier ministre Margaret Thatcher et aux Etats-Unis par le président Ronald Reagan, le capitalisme est affublé du qualificatif “financier”. Il y a eu effectivement un changement radical : jusqu’alors les entrepreneurs étaient clairement les pilotes. Ils avaient un projet, cherchaient des financements auprès d’individus fortunés et de banques (parfois de la bourse) et ils développaient l’affaire au bénéfice des différentes parties prenantes (actionnaires, salariés, Etat via les impôts, etc.)
Avec le capitalisme financier, c’est la bourse qui devient pilote. Pour deux raisons : les pays occidentaux ont atteint un tel niveau de développement qu’un projet industriel ne peut plus être financé seulement par des individus ; l’élévation du niveau de vie a conduit les particuliers à préparer leur retraite en cotisant à des fonds de pension et autres organismes d’épargne. Mais cet argent est trop abondant pour les seuls projets industriels. Les banques d’investissement mettent donc au point des outils pour placer au mieux cet argent. D’où le formidable développement des places boursières depuis les années 1980. Les années 1990 offrent une opportunité exceptionnelle aux entrepreneurs : l’Internet permet de créer de nouvelles activités économiques. Il y a beaucoup de poudre aux yeux mais on ne peut pas faire l’impasse sur les réelles avancées apportées par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Des entreprises géantes ont été créées en quelques années : Amazon, Yahoo, eBay ou encore Google. Ces entreprises ont bénéficié au départ du soutien de fonds de capital investissement, les fameux Venture Capitalists, qui, aux Etats-Unis en tout cas, n’hésitent pas à miser sur des innovations en espérant toucher le gros lot.
Mais le principal apport de l’Internet est ailleurs : la globalisation de l’économie. Grâce aux moyens de communication, il est possible de gérer en temps réel des activités se trouvant à des milliers de kilomètres du siège de l’entreprise. D’où l’envolée du commerce mondial.
De ce point de vue, le capitalisme financier a été utile puisqu’il a permis de soutenir le développement des pays émergents. Bien entendu, cela a eu des effets négatifs dans les pays développés puisque des délocalisations d’activité ont été facilitées, détruisant des emplois.
Le capitalisme financier, alimenté en permanence par des flux d’argent (placements des particuliers en direct ou via des organismes d’épargne, placements des entreprises, etc…) est un système qui ne s’arrête jamais. Après l’Internet et les pays émergents, il fallait trouver une nouvelle classe d’actifs. Ce furent les fameux subprime loans : des prêts immobiliers vendus à des ménages insolvables puis “repackagés” en produits financiers commercialisés auprès des investisseurs. La chute des prix immobiliers a entraîné la crise financière et économique que nous connaissons.
Cette crise justifie-t-elle la nécessité d’une réforme du capitalisme ? Sans doute mais la réforme à venir n’aura probablement rien à voir avec ce que certains dirigeants politiques, en particulier en Europe, espèrent. Il est clair, comme le montre la décision de l’administration Obama de taxer les bilans des banques, que le capitalisme financier va être davantage régulé. D’ores et déjà, l’effet de levier a été réduit. D’autres mesures sont attendues, comme le renforcement des fonds propres. En outre, les activités de banque d’investissement vont être encadrées sous la pression des entreprises industrielles qui accusent les banques de leur avoir conseillé des produits dangereux.
Quel impact auront ces mesures ? La rentabilité des grandes banques cotées sera réduite. On devrait passer d’un taux de retour sur fonds propres situé entre 25% et 30% ces dernières années à 15% en moyenne, selon divers experts. C’est une baisse importante mais de là à parler d’une réforme du capitalisme, même financier, il y a un pas qu’il serait hasardeux de franchir.