France : le « AAA » en sursis

La note « AAA » de la dette souveraine des Etats-Unis vient d’être placée sous surveillance négative par l’agence de notation Standard & Poor’s.

La note « AAA » de la dette souveraine des Etats-Unis vient d’être placée sous surveillance négative par l’agence de notation Standard & Poor’s. De quoi être inquiet pour la France dont la situation économique est pire qu’outre-Atlantique.

De fait, plusieurs économistes de marché expliquent en privé que la France devrait perdre son « AAA » en 2013 voire en 2012.

Une telle dégradation aurait des effets limités sur le coût de la dette mais le symbole serait fort et signerait un nouveau déclassement de la France dans l’économie mondiale. Politiquement, cela serait porté au débit du président de la République, Nicolas Sarkozy, qui se présentait comme quelqu’un capable de réformer et de relancer le pays.

S’agissant des Etats-Unis, Standard & Poor’s a expliqué que le pays avait des déficits budgétaires « très importants », un endettement qui s’accroît et que « le chemin » pour traiter ces sujets n’était pas clair. Il s’agit d’une référence au blocage entre les démocrates et les républicains sur les coupes nécessaires.

Le déficit public américain était de 1.294 milliards de dollars en 2010, soit près de 9% du Produit intérieur brut. En mars, la dette totalisait 14.260 milliards de dollars, soit 97,3% du PIB.

Les niveaux sont effectivement vertigineux. Mais il ne faut pas oublier que l’Etat fédéral et ses principales agences ont décidé de voler au secours de la sphère financière pour éviter une crise économique mondiale dont l’ampleur aurait sans doute dépassé celle de 1929.

Il y a donc eu un transfert de la dette du secteur privé vers le secteur public parce que les Etats-Unis considéraient qu’il s’agissait du seul moyen de préserver leur système économique.

Surtout, il ne faut pas oublier que les Etats-Unis ont des atouts que peu d’autres Etats ont : ils disposent de la monnaie mondiale de référence avec le dollar et continuent à attirer les investisseurs du monde entier, qui achètent des bons du Trésor. En outre, contrairement aux Européens, ils n’ont pas peur de prendre des mesures non orthodoxes pour gérer les finances publiques. La Réserve fédérale a adopté deux plans successifs d’assouplissement quantitatif. On ne peut pas exclure que le pays favorise l’inflation pour réduire le fardeau de la dette.

Enfin, les Etats-Unis ont un historique qui plaide en leur faveur en matière de réduction des déficits. Grâce à une « alliance » avec la Fed dans les années 1990, le président démocrate Bill Clinton avait réussi à redresser une situation que l’on croyait désespérée et il avait laissé à son départ, début 2001, un excédent que son successeur républicain George W. Bush a dilapidé avec des baisses d’impôts pour les plus riches.

Qu’en est-il de la France ? Le déficit public représentait 7% du PIB en 2010 contre 7,5% en 2009 mais cette légère amélioration n’était due qu’à une augmentation des recettes (49,2% du PIB contre 48,7%) tandis que les dépenses demeuraient stables (56,2%). Ce qui signifie que le pays se montre toujours incapable de réduire ses dépenses.

Quant à la dette, elle atteignait 1.591 milliards d’euros, soit 81,7% du PIB contre 78,3% en 2009.

Pour 2011, le gouvernement prévoit de ramener le déficit à 6% du PIB (puis à 3% en 2013 conformément aux engagements européens) mais la dette continuera de s’alourdir et devrait tutoyer 90% en 2012.

Lutter contre la dette devient donc un impératif absolu et l’on peut regretter que le gouvernement de Nicolas Sarkozy n’ait pas poursuivi les efforts entrepris par Thierry Breton. Quand celui-ci était ministre de l’Economie et des Finances, il avait en effet réuni une commission pour réfléchir à cette question de l’endettement et avait engagé un travail de pédagogie sur cette question cruciale.

De fait, les efforts à fournir sont autrement plus importants aujourd’hui sachant qu’en cette année pré-présidentielle la priorité sera davantage à l’accroissement des dépenses, notamment sociales, en vue de séduire les électeurs plutôt que de réduire les coûts.

On peut donc craindre que le déficit reparte à la hausse en 2012 tandis que la dette continuera d’augmenter. Dans ces conditions, les agences de notation n’auront pas d’autre choix que de retirer la note « AAA » à la France.