L’Europe, « l’homme malade » de l’économie mondiale

Que faire face à une crise économique majeure ? Les Etats-Unis puis le Japon ont apporté une réponse de bon sens : soutenir l’activité afin de relancer la croissance et l’emploi. L’Europe préfère insister sur l’assainissement des finances publiques au risque de mourir guérie.

La Réserve fédérale américaine a clairement indiqué qu’elle maintiendrait ses taux d’intérêt bas jusqu’à ce que le taux de chômage retombe à 6,5% contre 7,6% actuellement. Selon diverses projections, cela conduirait jusqu’à la mi-2015 environ. Malgré ce qui pourrait être considéré comme du laxisme par les très orthodoxes dirigeants de la Banque centrale européenne (BCE), les Etats-Unis parviennent à placer leur dette sans difficulté.
 
L’objectif est de distribuer le crédit aux agents économiques afin qu’ils investissent et consomment. Comme en parallèle le pays bénéficie de la manne des énergies non conventionnelles (gaz et huile de schiste), la ré-industrialisation est en marche même si l’économie américaine fonctionne avec moins de travailleurs qu’avant la crise.
 
Pas étonnant que les indices boursiers (Dow Jones, S&P 500 et Nasdaq) battent record sur record depuis quelques semaines et cela ne semble pas terminé.
 
Longtemps frappé d’atonie, en proie à la déflation, le Japon a décidé, sous la conduite du nouveau Premier ministre Shinzo Abe, de mettre en œuvre un vaste plan de relance : budget supplémentaire de 13.100 milliards de yens (106 milliards d'euros) pour l'exercice 2012, clos le 31 mars, afin de doper l’investissement et l’innovation. Dans le même temps, le nouveau gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, a opté pour l’assouplissement monétaire avec l’objectif de porter le taux d’inflation à 2% d’ici deux ans alors que les prix ont reculé de 0,3% sur une base annuelle en février.
 
Les deux plus grandes économies développées montrent donc une volonté résolue de s’attaquer à la crise économique. Que fait l’Europe ? Rien.
 
Ne dites pas aux responsables de la BCE que les Etats-Unis et le Japon font tout pour relancer l’activité. Ils vous répondront que les premiers sont dans une situation unique et que le second ne fait que suivre l’exemple de la BCE en se fixant un objectif d’inflation ! 
 
Quant aux dirigeants politiques européens, ils n’ont pas été en mesure de résoudre la crise grecque ces dernières années et se sont ridiculisés avec leur gestion calamiteuse de la crise chypriote il y a quelques semaines, allant jusqu’à remettre en cause la garantie bancaire accordée aux dépôts inférieurs à 100.000 euros mise en place il y a seulement deux ans.
 
De fait, les marchés financiers demeurent inquiets. A la lumière de ce que l’on a vu à Chypre, « que se passerait-il si un secteur bancaire plus important, comme celui de l’Espagne, avait des difficultés ? », demandait récemment Frédéric Rollin, Investment Advisor chez Pictet.
 
Philippe d’Arvisenet, Chef économiste de BNP Paribas, souligne que la BCE a pris des mesures positives, notamment l’OMT (Outright monetary transactions permettant d’acheter des obligations souveraines), mais il souligne que « depuis quelques années, l’Europe est dans une situation bien pire qu’au Japon ».
 
Et cela ne risque pas de s’arranger car voilà donc ce Japon que l’on présentait comme incapable de se redresser qui lance des réformes structurelles, investit dans l’avenir et mène une politique monétaire très accommodante.
 
L’Europe est en train de se marginaliser. Sa contribution à la croissance du commerce mondial ne cesse de décroître. Elle n’est plus un relais pour ses partenaires. 
 
Comme le dit Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management, « l’Europe pénalise l’économie mondiale ».
 
Les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil pour ne citer que les principales puissances risquent de tenir de moins en moins compte de l’Europe.
 
Pour Philippe Waechter, « l’Europe continue d’être un acteur et un partenaire majeur pour l’économie globale. Elle doit cependant réinventer son modèle de croissance et son modèle institutionnel ».
 
Les dirigeants européens, qui se croient encore au centre du monde alors que le centre de gravité de l’économie mondiale a basculé vers le Pacifique, doivent donc d’urgence élaborer des plans pour continuer à peser dans l’économie globale. En seront-ils capables ?