Doutes

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Aux Etats-Unis, les enquêtes ISM confirment la poursuite d’une solide reprise économique. Dans le secteur manufacturier, l’indice synthétique PMI a diminué en mai, de 60,4 à 59,7. Cependant, à ce niveau, le PMI demeure pleinement cohérent avec une croissance forte. En particulier, les indices clefs de l’enquête portant sur la production et les nouvelles commandes sont restés proches des très hauts niveaux qu’ils avaient atteints précédemment. Dans les services, la reprise se poursuit, tout en ne parvenant pas à rattraper véritablement le retard qu’elle a pris sur le secteur manufacturier.

Ainsi, en mai, le PMI services est-il resté inchangé pour le troisième mois consécutif à 55,4. La poursuite de la reprise de l’activité à un rythme soutenu, tant dans les services que dans le secteur manufacturier, entraîne une amélioration continue des conditions sur le marché du travail comme en témoignent les enquêtes PMI. La composante emploi de l’ISM manufacturier a augmenté de 58,5 en avril à 59,8 en mai, alors que celle de l’enquête dans les services, repassait au-dessus de 50, pour la première fois en plus de deux ans. Le résultat du rapport emploi signale une importante hausse des effectifs en mai (+431K), la plus forte depuis 2000. Toutefois, elle est principalement l’œuvre du secteur public, qui a massivement recruté en mai pour mener à bien le recensement décennal (+412K). L’évolution du marché du travail devrait continuer de soutenir le moral des consommateurs américains qui pour le moment n’a pas été particulièrement affecté par les évènements récents.

A contrario, dans la zone euro, l’inquiétude relative aux dettes souveraines de plusieurs Etats de l’Union (après S&P en avril, l’agence de notation Fitch a abaissé, fin mai, la note souveraine de l’Espagne de AAA à AA+) commence à se diffuser à l’économie réelle. En mai, l’indice du sentiment économique, tiré de l’enquête de la Commission européenne, s’est replié par rapport au mois précédent, perdant plus de deux points. La confiance a reculé dans l’ensemble des secteurs, si ce n’est l’industrie où il a progressé de un point. Toutefois, l’indice PMI manufacturier final pour mai – un meilleur indicateur coïncident des tendances du secteur que l’ESI – a reculé de deux points par rapport au mois d’avril, où il avait atteint un plus haut depuis juin 2006. Ce repli indique que le pic de la reprise dans le secteur est probablement déjà dernière nous. Par ailleurs, la confiance des ménages de la zone euro a fortement baissé en mai (- 3 points).

Somme toute le niveau atteint par l’indice du sentiment économique, qui est un bon indicateur avancé de la croissance du PIB, n’en demeure pas moins compatible avec une poursuite de la reprise économique au sein de la zone euro. Le PIB devrait avoir progressé au T2 à un rythme supérieur (environ +0,5% t/t) à celui enregistré au premier trimestre (+0,2% t/t). Au second semestre toutefois, la croissance commencerait à s’essouffler. Le durcissement des politiques budgétaires dans la plupart des pays, couplé à des conditions encore difficiles sur le marché du travail, pèsera sur la demande intérieure. A contrario, la reprise de la demande mondiale et de la dépréciation continue de l’euro devrait soutenir les exportations. En effet, la monnaie européenne devrait continuer de reculer contre le dollar. En effet, la devise américaine devrait être soutenue par la perspective d’une croissance plus solide aux Etats-Unis qu’en Europe couplée au durcissement attendu de la politique monétaire américaine dès le premier semestre de l’année prochaine. 

Au Japon, le Premier ministre, entré en fonction depuis moins de neuf mois, a démissionné en milieu de semaine, annonçant en même temps le départ du secrétaire général du Parti Démocrate Japonais, alors que les sondages ne donnaient plus que 20% des intentions de vote au DPJ à un mois des élections à la Chambre haute (pour le renouvellement de la moitié des sièges, sur un total de 242). Cette annonce n’a pas particulièrement ému les marchés japonais, quand bien même M. Hatoyama avait promis au cours de la campagne électorale de 2009 de changer la vie politique du pays. Le Ministre des Finances, Naoto Kan, est largement pressenti pour le remplacer. Le nouveau cabinet devra s’atteler au paradoxe nippon : en dépit du dynamisme de la reprise, l’économie replonge dans la déflation. Dans ces conditions, les pouvoirs publics devront mener des politiques extrêmement accommodantes, malgré le niveau insoutenable de la dette publique (supérieure à 200% du PIB depuis 2009).

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