par Brett Rowley, stratégiste chez Amundi Asset Management
On a peine à croire que l’an dernier, le gouvernement de Dubai était sur le point de faire chanceler les marchés financiers après l’annonce d’un moratoire sur la dette du plus gros conglomérat public de l’émirat (Dubai World) et de sa filiale immobilière (Nakheel). Si l’on se rappelle que l’Emirat avait frôlé le défaut de paiement l’an dernier, il est encore plus difficile de croire que son gouvernement a récemment réalisé avec succès deux émissions en USD de $1,25 Md. Si certains estiment que le retour si rapide de Dubai sur les marchés n’a d’égal que la mémoire bien courte des investisseurs, force est de reconnaître que les autorités de l’Emirat, et bien sûr d’Abu Dhabi, sont parvenus à restaurer la confiance dans le gouvernement et ses entités affiliées.
Les évolutions positives
L’annonce sur le retard de paiement de Dubai World/Nakheel a été mal gérée. Depuis, les autorités ont fait du chemin. Malgré un démarrage chaotique, la restructuration de la dette de Dubai World et de Nakheel a été perçue comme favorable aux investisseurs car plus de 99% des créanciers ont accepté les nouvelles conditions. Alors que la brume commence à se dissiper, l’un des plus grands émetteurs quasi-souverains (indépendant) s’est de nouveau adressé au marché obligataire. En avril, Dubai Electricity et Water Authority (DEWA) ont lancé une émission à 5 ans de $1 Md assortie d’un coupon de 8,5% (soit un spread de près de 600 pb sur les US Treasuries).
En plébiscitant l’opération, les investisseurs ont clairement montré qu’ils étaient prêts à donner une autre chance à Dubai. La route étaient donc toute tracée pour le retour du gouverne- ment sur le marché en octobre avec 2 obligations : une à 5 ans de $500 M assortie d’un coupon de 6,7%, et une à 10 ans de $750 M assortie d’un coupon de 7,75%. Preuve de la crédibilité de DEWA lorsque le groupe a recouru de nouveau au marché peu après l’émission souveraine, les rendements de ses titres étaient plus favorables que ceux de l’Etat : une émission à 6 ans de $500 M au rendement de 6,375%, et une émission à 10 ans de $1,5 Md au rendement de 7,375%.
Pas encore tiré d’affaire
Malgré la restructuration réussie de la dette de Dubai World et le succès de son retour sur les marchés, l’Emirat a encore un long chemin à parcourir pour restaurer la viabilité de sa dette. Selon le FMI, les remboursements de la dette extérieure de Dubai Inc. devraient approcher les $20 Mds/an au cours des deux prochaines années. Il n’est donc pas étonnant que l’attention se soit focalisée sur les autres entités para-étatiques très endettées. Si Dubai Holding (DUBAIH) et Dubai Internatio- nal Financial Center (DIFC) sont souvent cités par les médias, le consensus estime qu’en cas de besoin, ces entités trouve- raient une solution rapide et favorable aux investisseurs, comme Dubai World. Ainsi, même si la presse locale a men- tionné que Dubai Holding avait déjà réuni des comités de créanciers pour examiner divers plans de restructuration, le cours de l’obligation DUBAIH 2012 a continué de croître (un pic à plus de 88 ayant été atteint la semaine dernière, contre 80 et quelques tout au long de l’été, et plus de 70 en mai).
Nous étions convaincus que le conglomérat recevrait le soutien officiel pour éviter de ternir la réputation de l’émir Sheikh Mohammed Ben Rashid al Maktoum. Les développements en cours ne font que renforcer cette opinion. Selon les récents commentaires de presse, Dubai Financial Group (filiale de Dubai Holding) a fait défaut sur le paiement des intérêts d’un prêt de $330 M le mois dernier, et pourrait avoir été également défaillant sur le remboursement d’une obligation islamique distincte de $1,5 Md. Ceci n’a donné lieu à aucune déclaration officielle de Dubai Financial Group ni de Dubai Holding mais des sources anonymes ont déclaré qu’un accord était en vue et que les paiements seraient exécutés avant l’expiration de la prorogation, après les vacances de l’Aid El Idha de cette semaine. Les autorités n’ont pas mentionné les échéances impayées mais le gouvernement a déclaré qu’il avait récemment injecté $2 Mds dans Dubai Holding et qu’il était prêt à apporter une aide supplémentaire au besoin.
Jusqu’à présent, toutes les entités parapubliques de Dubai ont assumé leurs obligations (ou ont bénéficié de prorogations par leurs créanciers) jusqu’à ce qu’un plan complet/détaillé de restructuration aboutisse. Ces aides devraient donc permettre à Dubai Financial Group/Dubai Holding d’honorer leurs paiements tout en continuant à chercher un accord avec leurs créanciers. Ceci est important pour les créanciers bancaires car tant que les paiements sont honorés, elles ne sont pas tenues de provisionner à 100% leur exposition sur Dubai. Malgré le flux de nouvelles négatives sur Dubai Financial Group/Dubai Holding cette semaine, l’obligation DUBAIH 2012 n’a reculé que de 1,5% par rapport au plus haut de la semaine dernière – comparée à l’indice JPM EMBI-GD élargi, en recul de plus de 3% par rapport à son pic de début de mois.
Négociations difficiles mais Dubai ne peut passer outre aux fortes décotes sur ses actifs
L’Etat tente de faire comprendre au marché que d’autres restructurations pourraient ne pas évoluer aussi favorablement. Cependant, Dubai Inc. et d’autres entités quasi souveraines des EAU et du Moyen-Orient ont besoin d’un accès au marché pour refinancer une grande partie de la dette arrivant à échéance dans les prochaines années. Dubai (et Abu Dhabi) ne peuvent donc pas encore se permettre de se couper de leurs créanciers internationaux. Le silence sur les défauts de paiements et injections de capital rappelle que ce manque de transparence constitue un risque persistant.
Or, Dubai semble évoluer dans la bonne direction. Les fondamentaux devraient continuer à améliorer le désendettement des entités quasi-publiques (GRE) en allongeant les maturités. Bien que les autorités hésitent à céder leurs actifs aux prix actuellement dépréciés, il s’agit d’un autre développement potentiellement positif dont il convient d’observer l’évolution.