Etats-Unis : une nouvelle récession pour l’instant évitée

par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama AM

L’indice ISM manufacturier n’a pas confirmé le message récessif du mois précédent. Il a augmenté de 2,5 points à 56,9, entraîné par le net rebond des nouvelles commandes étrangères, qui commencent à profiter de la baisse du dollar. La forte contribution négative de l’extérieur d’encore -2,0 points devrait ainsi cesser. Mais, le cycle des stocks poursuit sa phase ascendante : son retournement, qui sera d’autant plus sévère qu’il se fera tardivement, fera chuter l’indice ISM manufacturier. Car, le restockage s’est sensiblement accentué, contribuant à la quasi-totalité de la croissance de 2% du troisième trimestre : son rythme annuel a dépassé les 100 Md$ (115 Md$) pour la première fois depuis 1998.

Hors stocks, la croissance s’affaiblit, passant de 1,0% à 0,6%. La pénurie de crédits continue de toucher les ménages, comme l’indique la baisse de près de 8% de l’investissement résidentiel. Elle intensifie les pressions déflationnistes alors que le taux de chômage se stabilise au niveau très élevé de 9,6% : l’inflation sous-jacente a été négative sur le mois de septembre. Face au risque important de déflation et à la crainte d’une nouvelle récession, la Fed a choisi d’actionner un nouveau Quantitative Easing, en décidant d’injecter 600 Md$ de nouvelles liquidités sur les 8 prochains mois. La forte dépréciation du dollar qui en découle, vis-à-vis de l’euro et du yen, dévoile le manque de coopération internationale dans la résolution de cette crise.

Zone euro : ralentissement de la demande intérieure, puis de la demande étrangère

La croissance passe de 1% au deuxième trimestre à 0,4% au troisième. Même si la décomposition de la croissance n’est pas encore disponible, il ne fait guère de doute que la demande intérieure soit à l’origine de ce très sensible ralentissement. D’après les enquêtes, le cycle des stocks se retourne : la contribution des stocks à la croissance devrait être proche de zéro. Les indices de production indiquent une baisse générale de l’activité dans la construction, après une hausse de 5,2% le trimestre précédent. Enfin, au vu des enquêtes et des ventes au détail, la consommation des ménages ralentit sous l’impact des pays périphériques touchés par les programmes d’austérité et la pénurie de crédits pour certains. C’est le cas également en Allemagne, en dépit de l’amélioration du marché du travail. En revanche, les dépenses de consommation ont fortement augmenté en France.

Seule, la demande extérieure de la zone euro est restée dynamique, grâce à l’Allemagne. Mais, les commandes étrangères à l’industrie allemande décélèrent fortement sur les deux derniers mois: les exportations allemandes vont pâtir dès le quatrième trimestre du ralentissement du commerce mondial et de l’affaiblissement des pays européens, ses principaux partenaires commerciaux, qui vont notamment souffrir de l’appréciation de l’euro. Le ralentissement du PIB devrait alors s’accentuer.

Chine : une politique monétaire plus restrictive, un changement durable du régime de croissance

L’activité accélère de nouveau sous l’impact de la demande des ménages. Ce rééquilibrage indispensable de la croissance vers la demande intérieure nécessite une augmentation de la part des revenus salariaux, qui représentent moins de 40% du PIB : c’est l’une des priorités du douzième plan quinquennal. Cependant, le redémarrage actuel de l’activité participe peu à la résolution des déséquilibres mondiaux, profitant beaucoup à la production intérieure et peu aux importations si bien que l’excédent commercial chinois s’accentue.

De plus, la reprise des ventes sur le marché de l’immobilier continue d’inquiéter les autorités monétaires. Les taux des dépôts, surtout ceux concernant l’épargne longue, ont été relevés pour la première fois depuis 2006 : l’objectif est de réorienter l’épargne des chinois, de l’immobilier vers les dépôts, et de pénaliser la rentabilité des crédits longs comme les crédits immobiliers. L’appréciation du yuan n’est qu’une conséquence de cette remontée des taux mais n’est pas l’objectif recherché. Enfin, la remontée de l’inflation à 4,4% n’est pas inquiétante : l’inflation sous-jacente demeure faible et la hausse des prix agroalimentaires, principale cause de l’inflation, est favorable à la redistribution de la richesse entre les ménages urbains et ruraux.