Énergies renouvelables : une nouvelle ère

par  Bénédicte Kukla, Senior Investment Officer et Lucien Colle, ESG Analyst chez Indosuez Wealth Management

Alors que les émissions de gaz à effet de serre restent à un niveau record et que l’autonomie énergétique s’impose progressivement comme un enjeu stratégique, les efforts pour accroître les capacités des énergies renouvelables se multiplient à travers le monde, dans tous les secteurs. Dans ce contexte, les émissions d’obligations vertes devraient augmenter en réponse à la demande des investisseurs.

ESSOR DES ÉNERGIES RENOUVELABLES APRÈS LA CRISE ÉNERGÉTIQUE ?

La crise énergétique semble s’éloigner, les prix du gaz naturel étant désormais inférieurs de 30 % au niveau qui prévalait avant la guerre en Ukraine. Grâce à un hiver plutôt doux et aux efforts des consommateurs et des administrations publiques (plus que des grands industriels) pour réduire la consommation, les stocks de gaz naturel sont suffisants en Europe. En 2023, un plus grand nombre de réacteurs nucléaires sera disponible dans la région, ce qui atténuera également la pression sur l’approvisionnement énergétique. Des défis persistent, car les stocks doivent rester élevés et un été chaud en Asie pourrait faire grimper les prix, mais il s’agit plus d’un risque d’inflation que de survie économique.

Indépendamment des combustibles fossiles, la transition vers des sources d’énergie renouvelables est de plus en plus importante pour des raisons sanitaires, économiques et politiques (autonomie stratégique). Sur le marché pétrolier, les prix à la pompe devraient rester supérieurs à leurs moyennes historiques en 2023 (en raison des pénuries structurelles de l’OPEP, de la mise au ban du pétrole russe et de coûts de raffinage élevés), ce qui renforcera la demande de véhicules électriques et nécessitera le maintien des aides publiques.

ÉNERGIES RENOUVELABLES : UN VENT DE CHANGEMENT 

Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la capacité des énergies renouvelables devrait augmenter de près de 2 400 GW au cours de la période 2022-2027 (graphique 1), soit l’équivalent de la totalité de la puissance installée de la Chine. Cela reflète une accélération de 85 % par rapport aux cinq années précédentes. Les énergies renouvelables pourraient ainsi représenter plus de 90 % de la hausse de la capacité mondiale de production d’électricité sur la période. 

Cette révision à la hausse est principalement due à la mise en oeuvre des politiques existantes, ainsi qu’à l’introduction de nouvelles réformes accélérées par la crise énergétique. Au plan géographique, les ambitions combinées de la Chine, de l’Europe et des États-Unis sont les principaux moteurs de la poussée des énergies renouvelables. En matière de sources d’énergie, le solaire photovoltaïque devrait dépasser le charbon d’ici 2027 (atteignant 22 % de la capacité de production d’électricité, contre 13 % aujourd’hui) et prendre la première place au niveau mondial (AIE). Parallèlement, la capacité globale de l’éolien devrait doubler. Quant à l’hydroélectricité, elle représente aujourd’hui 40 % de la capacité de production d’énergie renouvelable installée et la plus grande part de la production d’énergie renouvelable au nouveau mondial, mais sa croissance devrait être limitée. Le coût d’installation des parcs solaires et éoliens devrait rester supérieur aux niveaux pré-pandémie en 2023 en raison des prix élevés des matières premières, mais ces sources d’énergie resteront compétitives compte tenu de l’envolée des cours des combustibles fossiles.

LA COURSE AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

Chine : le pays le mieux placé pour tenir ses promesses

Le 1er juin 2021, la Chine a publié son 14e plan quinquennal, qui définit la feuille de route du pays en matière d’énergies renouvelables pour la période 2021-2025. Son objectif est clair : 25 % de la consommation d’énergie primaire doit être couverte par des combustibles non fossiles d’ici 2030. La Chine, qui a l’habitude de dépasser ses objectifs dans le domaine des énergies renouvelables, doit absolument réduire ses niveaux de pollution atmosphérique via des mesures d’électrification. Grâce à sa domination sur le marché des matières premières (graphique 2) et à des volumes de production sans égal, la part de marché de la Chine dans la fabrication de cellules solaires atteint 80 %. En ce qui concerne les parcs éoliens, 45 % de la capacité éolienne offshore mondiale est désormais installée en Chine.

États-Unis : autonomie stratégique et retour de la politique industrielle

La loi sur la réduction de l’inflation (IRA) est sans conteste l’une des plus importantes législations adoptées sur le climat par le Congrès américain. La partie de l’IRA consacrée au climat (369 milliards USD) prévoit la prolongation des crédits d’impôt pour les énergies renouvelables jusqu’en 2032, offrant une visibilité à long terme inédite aux projets dans l’éolien et le solaire photovoltaïque, ainsi qu’une forte incitation à rapatrier la production manufacturière aux États-Unis. Mais à court terme, les États-Unis et l’Europe restent dépendants des importations chinoises pour leurs ambitions dans le solaire, ce qui se traduit par une pression supplémentaire sur les prix des matériaux et pèse sur les choix politiques.

Europe: des ambitions affirmées, mais dépendantes des fournisseurs

Le plan RePowerEU 2022 vise à diversifier les sources d’énergie, à réaliser des économies d’énergie et à accélérer la production d’énergie propre. Doté d’une enveloppe d’investissement de 210 milliards EUR jusqu’en 2027, il a notamment pour objectif d’amener à 45 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2030. Certains obstacles risquent néanmoins de limiter l’expansion des énergies renouvelables en Europe, notamment la nécessité que le mécanisme de tarification de l’électricité reste attrayant pour les nouveaux producteurs (indépendamment de la source d’énergie) et des barrières administratives qui devront être levées.

PRINCIPALES CONCLUSIONS POUR LES INVESTISSEURS

En 2023, les matières premières resteront sous pression, notamment les métaux. Toutefois, les investissements dans les énergies renouvelables connaissant une croissance exponentielle, les émissions d’obligations vertes devraient augmenter en réponse à la demande. Tandis que la hausse des rendements a renforcé l’attrait des marchés obligataires (Obligations, page 8), les obligations vertes bénéficient d’une transparence accrue, d’un positionnement investmentgrade encore dominant et d’une base d’émetteurs diversifiée. 

Dans ce contexte, les nouveaux achats de la Banque centrale européenne (BCE) ciblant les obligations vertes et les entreprises qui affichent une bonne performance climatique, devraient soutenir les obligations vertes, à la fois en termes de volume et de performance. Enfin, ces éléments augmenteront la visibilité des investisseurs sur ce segment, limiteront l’univers des émetteurs et exerceront indirectement une pression sur les prix des investissements verts réalisés via les marchés obligataires et actions.