Etats-Unis : englués dans la réduction indispensable de la dette privée

par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management

La forte baisse de l’indice ISM manufacturier de 3,5 points sur le seul mois de juin, retrouvant son niveau d’il y a 6 mois, n’est pas une surprise : la croissance hors cycle des stocks demeure faible à 0,9% au premier trimestre, rythme vers lequel elle devrait retomber au second semestre une fois la phase ascendante du cycle des stocks terminée.

Alors que le commerce mondial ralentit, l’économie américaine reste handicapée par la réduction de l’effet de levier du système bancaire et de toute forme de crédit : les conditions de financement demeurent difficiles pour tous les emprunteurs, à l’exception des grosses sociétés dont les massives émissions obligataires profitent de la demande structurellement forte des investisseurs institutionnels américains ayant des problématiques ALM.

En revanche, les ménages sont contraints de se désendetter sur un rythme annuel de 3 points de revenu. C’est pourquoi, le marché de l’immobilier résidentiel rechute lourdement après l’arrêt des incitations fiscales et que le taux d’épargne à 4% en mai n’a pas fini de remonter, conséquence des ventes d’actifs financiers par les ménages qui ont financé la consommation du début d’année. L’Etat pourra cependant toujours compter sur la grande confiance des investisseurs dans la dette publique américaine s’il a besoin de relancer de nouveau l’économie.

Zone euro : union dans la rigueur budgétaire, indépendamment des problématiques de dette privée très différentes entre pays

Le PIB devrait accélérer au deuxième trimestre, grâce aux exportations, au cycle des stocks et au rebond du secteur de la construction, après l’hiver rigoureux du début d’année.

Cependant, la croissance culminera bien au deuxième trimestre en raison de l’affaiblissement de la demande intérieure. A la suite de l’annonce des mesures de consolidation budgétaire, le climat économique s’alourdit : le retournement des anticipations des ménages annonce une poursuite du repli de la consommation après une contraction déjà marquée au premier trimestre, qui résulte d’un taux de chômage élevé (10%) et de la correction du marché automobile après l’épuisement des primes à la casse.

Parmi tous les pays de la zone, l’Espagne est aujourd’hui le pays le plus inquiétant de toute la zone euro, non pas en raison de la dynamique de la dette publique, peu inquiétante selon nous, mais plutôt en raison de sa politique économique inadaptée. Car, l’Espagne souffre aujourd’hui d’un excès considérable de dette privée dont la résorption indispensable déprime déjà la demande intérieure. Or, la réduction à marche forcée du déficit budgétaire notamment par le biais des baisses de salaire amplifie les mécanismes de déflation par la dette, alors qu’il sera difficile pour la population d’accepter ces sacrifices, déjà frappée par un taux de chômage considérable à un plus haut historique de 20%, qui va poursuivre sa dégradation. L’Espagne rentre dans une période très turbulente où les risques pesant sur le système sont élevés.

Chine : tournée vers la volonté de stopper la bulle immobilière

Les indicateurs avancés montrent un ralentissement bien plus marqué que ce que nous anticipions. Le retour à un rythme de croissance plus raisonnable de la consommation des ménages, observé tant au niveau des ventes au détail, que des nouvelles immatriculations automobiles, n’inspire aucune inquiétude. Les perspectives de consommation sont en effet bonnes compte tenu notamment d’une croissance toujours forte du marché de l’emploi bien répartie entre les différentes provinces.

En revanche, le coup de frein brutal opéré sur la production de crédits, voulu par les autorités chinoises et très insuffisant à leurs yeux, est problématique. Car, si les encours totaux des crédits ralentissent bien, avec des répercussions sur la croissance et notamment sur l’investissement des entreprises et des provinces, les encours de crédits immobiliers continuent d’accélérer, gonflant la bulle immobilière, qui est de nature à réduire sensiblement la croissance de long terme en Chine selon les autorités. Par conséquent, tant que la spéculation immobilière persistera et que le marché immobilier ne se calmera pas, les autorités monétaires continueront à durcir leur politique monétaire, à réduire la liquidité bancaire, au risque de tendre davantage les taux d’intérêt sur les marchés chinois et de provoquer un sévère ralentissement de leur économie.