Etats-Unis : une nouvelle récession devient possible

par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama AM

Les marchés obligataires semblent maintenant intégrer notre scénario central d’une croissance et d’une inflation durablement faibles. Dans un contexte où le désendettement forcé des ménages devrait se poursuivre, les perspectives de croissance sur les prochaines années, c’est-à-dire bien au-delà de 2011, ne devraient pas dépasser 1,5%, sans soutien supplémentaire de la part de la politique économique, après un rythme de croissance moyen de 2,4% sur le cycle précédent 2001-2007.

La crise du marché de l’immobilier demeure en toile de fond. Les ventes de maisons rechutent lourdement au niveau de 1992, après l’arrêt des incitations fiscales. Le secteur bancaire qui observe toujours une montée des défauts maintient des conditions de crédit hypothécaire très difficiles. En dépit de la baisse des taux hypothécaires qui apporte une réelle bouffée d’oxygène, la récente stabilisation des prix pourrait être mise à mal par l’allongement des durées de vente et la remonté des stocks

Une rechute en récession n’est pas notre scénario mais elle peut être provoquée par une mauvaise réaction des acteurs à des chiffres macroéconomiques. Deux indicateurs seront à surveiller tout particulièrement. D’une part, l’indice ISM manufacturier, qui s’est bien tenu autour de 55 points en été, devrait fortement se dégrader dans les prochains mois pour avoisiner les 45. D’autre part, l’emploi devrait indiquer l’arrêt des créations dans le secteur privé.

Zone euro : coup de frein brutal sur la croissance

La croissance a été exceptionnellement forte au deuxième trimestre : +1%, après 0,3% le trimestre précédent. Si la grande forme de l’Allemagne (+2,2%) en est à l’origine, les autres pays ne sont pas en reste : +0,5% pour la zone hors Allemagne, +0,6% pour la France, +0,4% pour l’Italie, +0,2% pour l’Espagne qui enregistre son deuxième trimestre de croissance positive.

Le retournement marqué de l’indice ZEW qui est tombé de 14 à -4,3 points en septembre, et une production industrielle anémique sur juin (-0,2%) et juillet (0,0%) indiquent un coup de frein brutal sur l’activité, dû aux pays périphériques où l’indicateur de climat des services s’est sensiblement dégradé depuis l’annonce des plans d’austérité. En Espagne par exemple, l’adoption du plan d’austérité va provoquer une rechute de la consommation et donc du PIB. La consommation a sorti l’économie de récession, grâce à l’énorme plan de relance de 2009, augmentant de 1,3% au deuxième trimestre après 0,9% au premier, alors que l’investissement comme l’emploi continuent de se contracter.

Cependant, sans une récession américaine, l’Allemagne semble suffisamment solide pour éviter une récession à l’ensemble de la zone euro, même si elle va connaître un net ralentissement de son activité : ses exportations vont être davantage pénalisées par les déboires des autres économies européennes, ce qui réduira le dynamisme de l’investissement des entreprises, à l’origine de la forte croissance de sa demande intérieure.

Chine : ralentissement sous contrôle

L’amélioration des indicateurs avancés sur le dernier mois est rassurant, indiquant un ralentissement actuellement sous contrôle. Dans un contexte d’absence de nouvelle récession dans les pays développés, la décélération de la consommation comme de l’investissement public est provisoire et demeure significative d’une normalisation. La consommation va bénéficier à long terme d’une croissance de l’emploi beaucoup mieux répartie entre régions, et d’augmentations soutenues des salaires, notamment de salaire minimum. Si l’économie réelle n’inspire aucune source d’inquiétude, la bulle immobilière en revanche est toujours délicate à traiter. Le retournement baissier des ventes annonce une baisse des prix immobiliers d’ici le début de l’année prochaine. Des prix plus bas de 20 à 30% sont indispensables pour éliminer cette bulle. Or, cette baisse des prix potentielle inquiète à juste titre les autorités monétaires et financières qui ont demandé aux banques la réalisation de stress test pour mesurer son impact sur les banques : ces dernières devront notamment intégrer les véhicules spéciaux hors-bilan de crédits immobiliers, qui se sont fortement développés ces deux dernières années et dont le process ressemble à s’y méprendre à de la titrisation.