par Tim Stevenson, Directeur Actions Europe chez Henderson Global Investors
Depuis le début de la récession mondiale en 2008, la performance des actions américaines a fortement différé de celle des actions européennes. Les actions américaines se sont fortement reprises et les investisseurs ont dans l’ensemble tendance à surpondérer leur exposition aux actions américaines lorsqu’ils orientent l’allocation de leur portefeuille sur les marchés développés.
Des sociétés leaders tels qu’Apple ont fait la une des journaux alors que Nokia tombait dans l’oubli. Nous sommes cependant convaincus, comme bien souvent, que l’engouement pour les Etats-Unis a été suffisamment loin et que les craintes et l’aversion envers l’Europe ont conduit de nombreuses sociétés européennes pourtant intéressantes à être délaissées par les investisseurs.
D’un point de vue économique, la situation des Etats-Unis est bien meilleure à l’heure actuelle, les prévisions de croissance du PIB pour 2012, (consensus Bloomberg), étant de 2.3% alors que l’Europe devrait reculer légèrement. Le marché du travail aux Etats-Unis est plus ouvert (il est plus simple d’embaucher des salariés mais également de les congédier) ; la politique monétaire y est très souple. De plus, les problèmes comme l’énorme dette souveraine ne sont pas traités immédiatement mais mis de côté; laissant le soin aux générations futures de régler ce problème. Les banques ont été recapitalisées et la situation économique semble bien meilleure.
En Europe, le climat économique est dominé par la situation des banques et des états, criblés de dettes, par un taux de chômage élevé chez les jeunes et par l’inaction politique dictée par les agendas politiques nationaux. Plusieurs signes indiquent cependant que les principaux problèmes sont en train d’être réglés. La BCE a prouvé qu’elle était prête à prendre des mesures exceptionnelles pour stabiliser les marchés souverains et bancaires à travers ses deux opérations de refinancement à long-terme (et il ne faudra pas être surpris si elle décide de lancer une troisième opération si les choses se détériorent à nouveau). Ceci a permis de gagner trois ans, un temps que les banques devront utiliser intelligemment.
Les inquiétudes relatives à un calendrier électoral chargé ont également affecté le marché. La politique en Europe peut être vue comme un élément significatif ou une distraction agaçante. D’un côté, la désillusion est immense car les précédents gouvernements n’ont pas réussi à prendre des mesures décisives pour améliorer la situation ce qui a conduit à une forte montée des partis « radicaux », qu’ils soient de droite ou de gauche. D’un autre côté, les économies modernes n’ont pas vraiment de marge de manœuvre pour faire quelque chose de vraiment différent par rapport aux autres pays développés (et pas seulement par rapport aux autres pays européens). Le changement de gouvernement en France pourrait donc être positif, en particulier si le débat en Europe passe de « l’austérité » à la « croissance » tout en reconnaissant qu’il soit nécessaire de réduire la dette à moyen terme. Pour se faire, l’Europe pourrait se servir d’un Euro plus faible, ce qui viendrait aider encore un peu plus les exportateurs européens, déjà très bien positionnés (l’Europe exporte plus vers les marchés émergents que les Etats-Unis).
Des mesures ont également été prises pour améliorer certaines des lois relatives au droit du travail, ce qui a eu un effet contraire à celui escompté. Elles ont en effet détruit les emplois au lieu de les sauver. La flexibilité du marché du travail est un élément essentiel dans un contexte de marchés mondiaux, élément en l’absence duquel tous les emplois risqueraient de disparaître en faveur des Etats-Unis et de l’Asie. Les pays européens tentent peu à peu de mettre en place des mesures pour améliorer les problèmes structurels, qu’il s’agisse d’une dette souveraine trop élevée ou d’un marché du travail trop rigide.
L’Europe est également bien placée pour bénéficier du succès de l’économie américaine. Les indices PMI américains et européens (qui mesurent l’activité économique) ont par le passé eu tendance à évoluer de la même façon. Nous sommes convaincus que les deux régions sont encore fortement liées d’un point de vue économique, alors que l’Europe continue d’aborder les problèmes auxquels elle est confrontée, les indices PMI américains et européens devraient une fois de plus converger.
Bien que l’analyse fondamentale continue de favoriser les Etats-Unis, l’Europe n’est pas le désert économique que l’on voudrait nous faire croire. Lorsque l’on analyse la situation micro-économique (nous passons la plus grande partie de notre temps à étudier des sociétés car nous sommes convaincus qu’il s’agit de la source principale de rendements à long terme) les choses sont encore plus équilibrées et un sélectionneur de titres astucieux saura trouver sur tous les marchés des opportunités qui lui permettront de générer des rendements pour les investisseurs. En fait, les derniers résultats publiés par les entreprises nous ont confortés dans l’idée que de nombreuses entreprises basées en Europe ont un potentiel important tout en disposant d’équipes dirigeantes efficaces.
Parmi ces sociétés on retrouve SAP, BMW, Burberry, Luxottiva et Elekta. SAP est désormais considérée par beaucoup comme une bien meilleure option que son rival américain Oracle en termes de logiciels de gestion d’entreprise. BMW est l’un des fabricants automobiles les plus prospères au monde. Avec BMW, MINI et Rolls-Royce, le groupe BMW dispose de trois des meilleures marques sur le marché automobile. De même, Burberry est l’une des marques de luxe les plus connues au monde et la société affiche une forte rentabilité et a enregistré une croissance impressionnante en Asie. Les leaders du secteur de la santé sont également des entreprises européennes : la réputation d’Elekta n’est plus à faire, la société est en effet à la pointe de la science et de la technologie avec ses avancées cliniques pour le traitement des patients atteints de cancers.
Ceci illustre parfaitement les deux points essentiels que nous ne cessons de réitérer à tous les clients souhaitant investir sur les marchés européens : patience et sélectivité. Patience car investir pour le changement prend du temps. Sélectivité car seules les entreprises qui sauront s’adapter et changer réussiront à progresser.