France : l’investissement, nouveau moteur de la croissance ?

par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas

• Au quatrième trimestre, l’économie française a enregistré une croissance de 0,2% t/t, portant celle-ci à 1,1% en 2015 en moyenne annuelle.

• Le résultat du quatrième trimestre atteste d’une résistance certaine de l’économie : le PIB parvient à progresser malgré un recul marqué de la consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance.

• Cette fois, la croissance est venue de l’investissement, une évolution encourageante pour la soutenabilité de la reprise.

Au quatrième trimestre 2015, le PIB français a augmenté de 0,2% en rythme trimestriel (t/t), soit 1% en rythme annualisé. En ligne avec notre prévision, ce résultat est une bonne nouvelle. Certes, un tel rythme reste relativement faible pour une économie en phase de reprise. Plus précisément, il est deux fois moins élevé que la moyenne trimestrielle observée lors des reprises précédentes. Mais divers éléments adverses faisaient craindre un résultat moins positif. Au final, ce chiffre atteste, de nouveau, de la résistance de l’économie française, dont le PIB parvient à progresser malgré un recul marqué de la consommation des ménages (-0,4% t/t après +0,4%).

Celui-ci tient, pour une large part, à l’effet négatif attendu des températures très supérieures aux normales saisonnières sur les dépenses d’énergie (-3,5% t/t) et d’habillement dans une moindre mesure (-3% t/t). En ce qui concerne l’impact négatif des attentats terroristes du 13 novembre sur l’activité, les données agrégées dont nous disposons ne permettent pas de l’isoler. Mais la baisse de 1,1% des dépenses d’hébergement-restauration (après déjà -0,5% au troisième trimestre) en porte probablement la trace, de même que le nouveau recul des dépenses dans le commerce (-1,1% après -1% le trimestre précédent). En plus de résulter de facteurs ponctuels, ces chiffres négatifs de la consommation sur l’ensemble du trimestre masquent le net rebond des dépenses en biens enregistré en décembre (+0,7% m/m après -1,4% et -0,2% en novembre et octobre, respectivement). Celui-ci est de bon augure pour les perspectives de croissance de début d’année.

L’investissement a, lui, réservé une bonne surprise avec, non seulement, une hausse plus importante que prévu de l’investissement des entreprises (+1,3% t/t), mais aussi une hausse inattendue de l’investissement des ménages (+0,1% t/t, la première depuis début 2013) et des administrations publiques (+0,4%). Ces évolutions sont encourageantes pour la soutenabilité de la reprise. On ne peut, en revanche, pas dire la même chose de la croissance de la consommation publique (+0,4% t/t), toujours soutenue, mais qui devrait décélérer d’après le programme d’économies budgétaires. L’addition des composantes de la demande intérieure finale lui permet d’apporter une contribution symbolique à la croissance, de +0,1 point de pourcentage.

Par ailleurs, les exportations ont rebondi comme prévu (+0,6% après -0,6%), ce qui est une bonne nouvelle. Mais on peut penser que ce rebond aurait été plus important sans les difficultés économiques actuelles de nombreux pays émergents. Le résultat le plus surprenant des chiffres de croissance du quatrième trimestre est la contribution des variations de stocks, encore positive, à peine moins qu’au troisième trimestre (0,5 point après 0,6 point). L’absence de correction laisse perplexe et constitue un risque pour la croissance du prochain trimestre. Cette contribution des stocks s’accompagne d’une nouvelle forte progression des importations (+1,6% t/t après +1,5% au troisième trimestre), et donc d’une contribution encore négative du commerce extérieur (-0,3 point après -0,7)1.

Sur l’ensemble de 2015, la croissance s’élève finalement à 1,1% en moyenne annuelle. C’est peu mais c’est mieux que les trois années précédentes de quasi-stagnation économique. Toute l’attention se porte désormais sur 2016. Le début d’année est marqué par de fortes inquiétudes sur la croissance des pays émergents et les effets négatifs de la chute des prix du pétrole sur la croissance des pays exportateurs. A ce jour, toutefois, ces perturbations ne semblent pas peser sur la confiance. Les enquêtes de l’INSEE, disponibles jusqu’en janvier, restent, en effet, orientées en hausse, soutenues par les effets positifs du recul des prix du pétrole sur le pouvoir d’achat et les coûts de production. Pour conclure, la reprise, bien que malmenée, conserve de nombreux facteurs de soutien et un rebond de la croissance à +0,4% t/t au premier trimestre est attendu.

NOTES

  1. La première estimation de la croissance est publiée désormais moins de 30 jours après la fin du trimestre (au lieu de 45 jours auparavant). L’INSEE continue de fournir en même temps les composantes de la croissance. La France est le premier pays de la zone euro à publier aussi tôt toutes ces informations (se calant ainsi sur les Etats- Unis). L’INSEE prévient toutefois qu’il peut en résulter des révisions légèrement plus amples qu’auparavant, surtout sur le commerce extérieur et les stocks.

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