par Pascal Devaux, économiste chez BNP Paribas
- Le rebond de l’économie israélienne semble confirmé, grâce au soutien des exportations et de la demande intérieure. Le secteur des hautes technologies demeure l’un des principaux moteurs de la croissance.
- Soucieuse d’éviter les tensions inflationnistes, la Banque d’Israël poursuit ses ajustements du taux directeur (relevé de 100 pb depuis septembre 2009).
- Venant d’une économie ouverte d’une taille assez réduite, cette bonne performance mérite d’être saluée dans un contexte mondial difficile, surtout lorsqu’on la compare à celle des économies de la zone OCDE. La faible dépendance envers les marchés de capitaux internationaux a été un facteur de soutien pour l’économie.
Croissance économique
– Confirmation de la reprise
L’économie israélienne a fait preuve de résistance face à la crise mondiale, avec une croissance positive, de 0,7 % en termes réels, en 2009. La forte contraction de l’investissement a été partiellement compensée par la résistance de la consommation. Toutefois, cette bonne performance appelle un examen attentif. Le caractère limité de la récession, avec une contraction limitée à 1,2 % au total entre le T4 2008 et le T1 2009, s’explique notamment par la diminution des importations, qui a eu un impact positif sur la contribution des exportations nettes au PIB. En outre, la croissance trimestrielle de 3 % en glissement annuel observée au T3 2009 est due en partie à l’évolution positive des stocks.
De façon plus générale, la résistance de l’économie israélienne s’explique en grande partie par une exposition relativement réduite aux risques macrofinanciers. D’abord, contrairement à de nombreux pays émergents ou développés, le pays n’a connu aucune bulle sur les actifs financiers ou immobiliers. Ensuite, les banques n’ont pas beaucoup pâti de la crise, en raison d’une intégration plutôt limitée aux marchés de capitaux internationaux, leurs principales ressources provenant des dépôts intérieurs. Troisièmement, la situation macroéconomique générale s’est remarquablement renforcée depuis le début des années 2000. L’économie a bénéficié d’une croissance forte et équilibrée, les finances publiques ont été consolidées (même si elles demeurent le talon d’Achille de l’économie israélienne) et les financements extérieurs se sont bien comportés, grâce à un fort afflux d’investissements directs étrangers et à l’augmentation des réserves de changes de la Banque d’Israël.
Tous ces facteurs (risques de marché modérés et solide situation macroéconomique) ont fortement contribué à la rapidité du rebond de l’économie israélienne.
– Le secteur des hautes technologies demeure un vecteur clé de croissance
Israël connaît une croissance économique remarquablement soutenue depuis 2003. Entre 2003 et 2008, la croissance réelle a avoisiné 5 % par an, un niveau qui rappelle le dynamisme des années 1990 et dépasse largement la moyenne de la zone OCDE (2,3 % sur la période). Sur les cinq dernières années, la croissance a été alimentée de façon relativement équilibrée par la consommation, l’investissement et les exportations.
Le secteur des hautes technologies demeure un moteur dynamique de la croissance, alimentant l’investissement, la production manufacturière et les exportations. Le secteur manufacturier totalise 27 % de l’économie, et 41 % du chiffre d’affaires manufacturier provient des exportations. Environ 75 % de la production de hautes technologies est exportée, et les exportations de hautes technologies représentent 44 % de l’ensemble des exportations de produits manufacturés. Sur le plan de l’emploi, le secteur des hautes technologies fournit 27 % des emplois manufacturiers et environ 4 % de l’emploi total. La réussite du secteur des hautes technologies doit toutefois être replacée dans son contexte. Depuis 2000, le secteur des moyennes-hautes technologies et la chimie en particulier sont de loin le segment le plus dynamique des exportations.
– Perspectives favorables mais incertaines
À court terme, le rebond des exportations (hors diamants) devrait se poursuivre. Les exportations ont commencé à se redresser au milieu de 2009 suivant une évolution conforme au rebond de l’indice américain TechPulse, un indicateur coïncident de l’activité dans le secteur des hautes technologies. Les Etats-Unis demeurent un marché crucial pour les exportations israéliennes de produits de haute technologie, 59 % des exportations du secteur étant destinées au marché américain. L’Europe est la première destination pour les exportations israéliennes (33 % contre 28 % pour les Etats-Unis) mais achète principalement des produits de moyenne technologie ou plus cycliques (produits chimiques en particulier). Il est probable que l’avantage concurrentiel israélien est plus réduit sur ce segment que sur celui des hautes technologies. Enfin, la part de marché de l’Asie, aujourd’hui le marché le plus dynamique, est stable. Celle-ci attire 16 % du total des exportations, contre 14 % en 2003. En 2010, l’on anticipe une consolidation des exportations, à un rythme conforme à celui de l’économie américaine (2,8 % attendu), même si le niveau d’incertitude reste élevé.
Les perspectives sont mitigées pour la demande intérieure. La stagnation des salaires et le repli du crédit en termes réels plaident pour une consommation étale. Toutefois, le léger recul du chômage au T4 2009 par rapport au T2 2009 pourrait préfigurer un rebond.
Les dépenses publiques ne devraient pas être un soutien important à la croissance, compte tenu des contraintes sur celles-ci. Avec la crise mondiale, les plafonds de dépenses ont été temporairement levés et l’objectif budgétaire a été largement dépassé : le déficit budgétaire devrait atteindre 5 % du PIB en 2009 (5% du PIB attendu en 2010). Toutefois, l’orthodoxie budgétaire demeure à l’ordre du jour, et la consommation de l’État ne contribuera pas significativement à la croissance à court ou moyen terme.
L’investissement, en revanche, devrait avoir un impact positif remarqué à court terme. Les constructions de logements se poursuivent malgré la récession, et l’investissement des entreprises est soutenu par les perspectives favorables dont bénéficient les exportations.
Inflation et politique monétaire
La maîtrise de l’inflation constitue le principal objectif de la Banque d’Israël mais, en période de crise économique, la priorité a été donnée au soutien de l’activité économique. Depuis le début de la crise, la politique monétaire se caractérise par une grande souplesse. En dépit d’une inflation supérieure à la borne haute de la fourchette visée (3 %), la politique monétaire reste relativement accommodante. Le relèvement (de 100 pb) des taux d’intérêt depuis août dernier s’effectue à un rythme modéré et vise à éviter les tensions inflationnistes. Dans l’immédiat, la montée des tensions sur les prix devrait soutenir la poursuite du relèvement progressif des taux d’intérêt. Le soutien relatif de la demande intérieure (grâce à la reprise économique) et la hausse attendue des prix énergétiques (qui ne représentent toutefois que 7,7 % du panier de l’indice des prix à la consommation) sont les principaux vecteurs d’inflation.
Certains facteurs continuent de militer contre une poussée inflationniste, tels que le rythme ralenti de la reprise mondiale et la concurrence internationale sur les produits manufacturés. Toutefois, les vecteurs de hausse pourraient selon nous l’emporter.
Dans l’ensemble, la crise économique mondiale n’a eu qu’un impact modéré sur l’activité économique d’Israël. Le soutien de la demande intérieure et le rebond des exportations ont permis au PIB réel de continuer à croître. L’économie israélienne semble prête à tirer parti du redressement modéré de la croissance mondiale attendu en 2010 et 2011. Toutefois, certains facteurs de vulnérabilité demeurent susceptibles de freiner la croissance à court et moyen terme : la hausse des prix à la consommation, induite par le raffermissement de l’USD et par le rebond des matières premières, pourrait alimenter la poursuite du relèvement des taux d’intérêt. Les événements politiques n’exercent en général qu’une influence limitée sur l’activité économique, et l’instabilité gouvernementale récurrente n’est pas considérée comme un facteur de risque tant que la continuité de la politique actuelle est assurée. Il convient cependant de prendre en compte la possibilité d’une détérioration de la sécurité (en Israël et dans la région), qui pourrait avoir un impact négatif sur l’activité, les finances publiques et les capitaux extérieurs.
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