La crise de la dette souveraine européenne joue les prolongations

par Hervé Goigoux-Becker, Directeur des gestions taux chez OFI Asset Management

Le 10 mai dernier, un progamme de stabilisation financière de 750 Mds d’euros était adopté. Dans la foulée, la BCE dévoilait un plan d’acquisition de cette publique.

Ces annonces eurent un effet instantané, avec une forte détente des CDS et spreads contre Allemagne. Depuis, malgré les rachats de dette publique par la BCE pour environ 55 Mds€, les tensions ont repris de plus belle. L’écartement des spreads souverains résulte à la fois de l’augmentation des taux longs des pays suspects, et en partie de la baisse des rendements de la dette allemande, seule à bénéficier du statut de valeur refuge. La crise de la dette souveraine zone Euro ne semble donc pas prête de s’atténuer.

Pour les investisseurs, les réponses des politiques ne sont que partielles et les interrogations fondamentales demeurent :

  1. Dans quelle mesure les pays membres sont-ils solidaires et déterminés à renforcer l’UEM ?
  2. Les plans de consolidation budgétaire sont-ils compatibles avec les perspectives de croissance ?
  3. La Grèce peut-elle échapper à une restructuration de sa dette et, sinon, quelles conséquences sur les autres pays ?

La création de la FESF (Facilité Européenne de Stabilité Financière) est la réponse institutionnelle aux doutes des marchés. Nous connaissons désormais les grandes lignes de ce véhicule : son objet est de faciliter ou de fournir du financement aux États membres de l’UEM en difficultés financières.

  • La société peut lever des fonds en émettant des instruments financiers (obligations, bons ou autres instruments de dette).
  • Les engagements de la société sont garantis par ses actionnaires (États membres de l’UEM), à hauteur de leur participation au capital de la BCE, assortie d’une marge de 20% supplémentaire.
  • Ces engagements initiaux doivent être adoptés par les Parlements nationaux.
  • En cas d’activation, la mobilisation des garanties se fera directement par décision unanime de l’Eurogroupe, sans nouveau passage devant les Parlements nationaux.

Reste à connaître la note de crédit qui sera attribuée à la FESF (entre AAA et AA-).

Les plans d’austérité sont-ils raisonnables ?

Les annonces successives des plans de consolidation budgétaire ont renforcé les craintes des investisseurs sur le potentiel de croissance de la zone. Toutefois, il convient de souligner que les programmes les plus conséquents concernent des pays dont le poids est relativement faible au sein de l’UEM. Au total, pour 2010, c’est une consolidation de l’ordre de 0,4 point de PIB pour la zone Euro qui a été annoncée par les Gouvernements. L’ampleur des craintes actuelles semble donc exagérée, d’autant que cette crise a pour conséquence une dépréciation de la monnaie unique, qui sera un élément de soutien de l’activité. Les facteurs de hausse ou de baisse de l’euro nous semblent aujourd’hui plus balancés, avec quand même un biais baissier. Une dépréciation de 10% de l’EUR/USD est censée apporter une contribution positive d’environ 0,5 point de PIB.

Quid d’une restructuration de la dette souveraine (grecque, irlandaise, espagnole, portugaise…) ?

C’est la question à 150 Mds € que chacun se pose. Une sortie de la Grèce de la zone Euro n’est plus vraiment envisageable, une restructuration organisée n’est pas prévue mais n’est pas hors de propos et serait finalement peutêtre la seule solution économiquement, financièrement et politiquement acceptable. Le marché intègre déjà cette alternative, les dettes grecques dont les maturités excèdent 2013 se négociant entre 80 et 40% du pair selon les échéances et les coupons nominaux.

Pour l’Espagne et le Portugal, les interrogations portent plus sur la dette privée que sur la dette publique. Même si les spreads ont fortement augmenté, les niveaux nominaux restent raisonnables, mais nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles poussées de fièvre alors que l’été approche, période toujours propice aux rumeurs et aux manipulations.