par Clemente De Lucia, économiste chez BNP Paribas
- La récente révision en baisse de la notation de la dette souveraine italienne pose la question de sa soutenabilité.
- La dynamique de la dette n’est pas compromise à court ou moyen terme, d’autant que les récentes mesures d’austérité vont consolider les finances publiques.
- Toutefois, d’autres mesures devront être prises pour améliorer le potentiel de croissance à long terme.
La décision de Standard & Poor’s d’abaisser la notation de dette souveraine italienne à court et long terme d’un cran, de A+ à A (tout en conservant une perspective négative), a conduit les observateurs à se demander si le pays était en mesure de contrôler la dynamique de la dette publique dans un environnement très incertain et dans un contexte de tensions particulièrement aiguës sur les marchés financiers.
Soulignons, toutefois, que la situation économique de l’Italie est beaucoup plus solide que celle des autres pays confrontés à des problèmes d’endettement (à commencer par la Grèce) et que ses fondamentaux meilleurs que ne le suggèrent les récentes tensions sur les marchés. Les ménages italiens sont relativement peu endettés, et l’Italie n’a pas été touchée par l’éclatement d’une bulle immobilière. Depuis le début de la crise financière, ses finances publiques se sont moins détériorées que celles des autres pays. En 2010, le déficit s’établissait à 4,6 % du PIB, contre 5,4 % du PIB en 2009, soit un niveau nettement en deçà de la moyenne de la zone euro.
Certes, l’Italie est fortement endettée. À 120 % du PIB, le ratio dette/PIB de l’Italie est l’un des plus élevés au monde. Le coût du service de la dette est assez lourd. À fin 2010, le ratio du service de la dette au PIB dépassait 4,5 %, alors qu’il s’établissait à 2,8 % pour la zone euro dans son ensemble. La hausse de son coût de financement n’est donc pas bienvenue. Il ne faut, toutefois, pas oublier que l’échéance moyenne de la dette italienne est relativement longue, à un peu plus de 7 ans, contre 5,7 ans pour l’Allemagne, 5,1 ans pour les États-Unis et environ 6 ans pour le Portugal, l’Espagne et l’Irlande. Cela signifie que les taux d’intérêt élevés ont un impact relativement faible à court terme sur les charges d’intérêts.
Même si le fardeau de la dette est lourd, il semble, néanmoins, suivre une trajectoire gérable. Le solde primaire, c’est-à-dire le solde budgétaire hors le coût du service de la dette, était pratiquement équilibré en 2010, alors que la zone euro dans son ensemble affichait un déficit légèrement supérieur à 3 %. Les efforts budgétaires nécessaires stabiliser la dette italienne en regard du PIB sont beaucoup moins importants que ceux que devront fournir les autres pays de la zone euro.
Pour autant, la situation est loin d’être parfaite. L’augmentation du coût du service de la dette pourrait affecter le potentiel de croissance de l’Italie. Si l’Italie parvenait à réduire le fardeau de sa dette, elle serait en mesure d’employer ces ressources plus efficacement, en stimulant les investissements de croissance au lieu de rémunérer les porteurs d’emprunts.
Le gouvernement a adopté un train de mesures d’économies budgétaires d’environ EUR 60 milliards (soit 3,4 % du PIB). Du côté des recettes, le dispositif prévoit une hausse de la TVA et un impôt de solidarité pour les ménages les plus aisés. Coté dépenses, la réduction du budget du gouvernement central et la réforme de la fiscalité et des transferts sociaux devraient générer des économies substantielles. Il est prévu de ramener le déficit à 1,4 % en 2012, contre 4 % en 2011. L’équilibre est visé pour 2013.
Sur la base des hypothèses officielles de croissance, probablement trop optimistes (accélération de la croissance de 0,7% en 2011 à 1,2% en 2014), le ratio dette/PIB devrait culminer aux alentours de 120 % du PIB en 2011, avant de refluer à 112 % environ en 2014. En retenant une prévision de croissance plus faible et un ratio de déficit supérieur à l’objectif des pouvoirs publics, le ratio dette/PIB devrait commencer à diminuer en 2012. Il continuerait de se réduire tout au long de l’horizon de prévision, bien qu’à un rythme plus lent que dans le cadre du scénario officiel.
Stimuler la croissance à long terme
Le vrai problème de l’Italie est sa piètre performance sur le front de la croissance. Entre 2001 et 2007, avant que la crise financière n’éclate, la croissance du PIB s’établissait à 1,1 % en moyenne. Le taux de croissance cumulé de l’Italie sur la période avoisine 7 %, ce qui représente moins de la moitié de la croissance enregistrée au cours de la décennie antérieure et l’une des pires performances des économies avancées. Au cours de la même période, la croissance de la zone euro a été près de deux fois supérieure.
L’atonie de la croissance italienne est probablement imputable à des faiblesses structurelles. De nombreux secteurs pâtissent d’une faible concurrence et bénéficieraient d’une accélération de la déréglementation. À de rares exceptions près, les services connaissent depuis dix ans une inflation supérieure à la moyenne de la zone euro, ce qui nuit à la compétitivité de l’Italie. Il en va de même de l’évolution des coûts salariaux unitaires. Des réformes structurelles sont, en outre, nécessaires pour stimuler le marché du travail. Les derniers chiffres de l’OCDE indiquent un taux de participation de 63 %, soit près de 10 points de moins que la moyenne de la zone euro et 20 points de moins qu’en Allemagne. Tous ces facteurs freinent le potentiel de croissance de l’Italie. D’après l’OCDE, le taux de croissance potentielle est d’environ 1 point de pourcentage inférieur à celui de la moyenne de la zone euro.
Dans l’ensemble, les récentes mesures adoptées pour consolider les finances publiques vont dans le bon sens. La dynamique de la dette n’est pas menacée. Cependant, comme le fait remarquer Standard & Poor’s pour justifier la révision en baisse de la notation, davantage de réformes structurelles sont nécessaires pour stimuler la croissance.
Parmi les mesures adoptées, certaines visent la croissance, comme celle renforçant le pouvoir des entreprises de négocier les embauches et les licenciements avec les syndicats au niveau local plutôt que national. Il est clair que la réduction du déficit et l’accélération du désendettement favoriseront également la croissance en abaissant le coût du service de la dette. Comme souligné plus haut, l’Italie devra toutefois entreprendre des réformes structurelles plus durables pour stimuler l’emploi, renforcer la compétitivité et déréglementer les services. Tous ces facteurs contribueront à augmenter sa production potentielle.
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