La Fed sur les pas de la BCE ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La Réserve Fédérale américaine a annoncé la semaine dernière qu’elle allait tenir quatre conférences de presse annuelles à la suite de ses réunions FOMC pour expliquer les nouvelles projections et les choix de politique monétaire, la première ayant lieu le 27 avril prochain. Cette décision s’inscrit dans une démarche beaucoup plus large d’amélioration de la communication de la banque centrale, soutenue par Bernanke à son arrivée à la tête de la Fed en 2006.

En effet, Bernanke a toujours affiché cette volonté de rendre plus transparente la politique monétaire, son plaidoyer pour le ciblage d’inflation s’inscrivant dans ce cadre. Une première étape avait déjà été franchie avant son arrivée (en 2005) grâce à la publication des Minutes trois semaines après le Comité de politique monétaire (FOMC) au lieu de six semaines, ce qui marqua à l’époque un grand pas en avant.

En 2007, un autre pas a été franchi avec la publication des projections de la Fed (sur un rythme trimestriel). Pourquoi une plus grande transparence ? Car comme se sont attachés à le montrer de nombreux papiers1, elle améliorerait l’efficacité de la politique monétaire.

Ainsi, la Réserve Fédérale se rapproche des méthodes de communication de la BCE, puisqu’il semble vraisemblable que le format des conférences ressemblera à celui adopté par la BCE avec un communiqué introductif suivi d’une session de questions-réponses. Faut-il pour autant s’attendre à un changement radical dans le comportement de la Fed qui ressemblerait plus à celui de la BCE ?

Nous n’en sommes pas convaincus : rappelons que la Fed a un double mandat, la stabilisation des prix et la maximisation de l’emploi alors que la BCE n’a qu’un seul objectif d’inflation (inférieure à 2%) ; par ailleurs, si la BCE se concentre sur l’inflation totale, la Fed a tendance à se focaliser sur l’inflation sous-jacente. Notons également quelques différences par rapport à la BCE : les conférences de presse n’auront lieu que quatre fois par an alors que la BCE en tient tous les débuts de mois. Les autres FOMC garderont l’ancien format avec publication d’un seul communiqué. De plus, contrairement à la BCE qui annonce sa décision sur les taux, 45 minutes avant le discours de son président, l’annonce de taux de la Fed se ferait a priori toujours via un communiqué l’expliquant. L’intervention de B. Bernanke aura lieu 1h45 plus tard. Ce nouveau format améliorera significativement la transparence de la Fed en permettant d’avoir les projections de la Fed en « temps réel » et non trois semaines plus tard et d’avoir des éléments de clarification sur les décisions. Il facilitera la transmission de l’information et permettra d’éliminer en partie le « bruit » que l’on observe entre le FOMC et les Minutes, au moins quatre fois par an…

La Fed et la BCE ont des comportements différents, induits par ces objectifs de politique monétaire distincts, ce qui d’ailleurs explique la diversité de réaction des deux banques centrales face à la hausse du prix des matières premières actuellement, illustrée par le fait que la BCE va vraisemblablement augmenter ses taux en avril alors que la Fed n’est pas encline pour le moment à resserrer sa politique monétaire. Il faut également souligner la volonté depuis déjà bien longtemps de la BCE de sortir de la politique de taux bas, la situation actuelle lui ouvrant une fenêtre de tir pour commencer à normaliser sa politique monétaire. Faut-il en conclure que la BCE est plus réactive et plus crédible que la Fed ? L’évolution des anticipations d’inflation dans les mois qui viennent nous le dira…Combattre un choc exogène en augmentant les taux directeurs nous semble contreproductif mais a au moins le mérite de renforcer le crédit anti-inflationniste de la banque centrale. C’est pour cette raison que la BCE pourrait ensuite observer un statu quo pendant un an.

De son côté la Fed pourrait commencer à normaliser sa politique monétaire en début d’année 2012, si le taux de chômage reste sur une tendance baissière (même si l’ampleur de la décrue reste limitée) et si l’inflation sous-jacente revient sur des niveaux plus compatibles avec ceux souhaités par la Fed. Dans le cas de la Fed, nous pensons que ce sera le début du cycle de resserrement monétaire qui porterait les Fed funds à 1,75% fin 2012.

NOTES

  1. Ehrmann et Fratzscher. « Explaining Monetary Policy in Press Conference », International Journal of Central Banking, June 2009. Baeriswyla et Cornand. “Optimal Monetary Policy in Response to Cost-Push Shocks: The Impact of Central Bank Communication”, International Journal of Central Banking, June 2010.

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