par Lukas Daalder, stratégiste chez Robeco
Au cours du mois dernier, la tension est montée d’un cran sur les marchés financiers. Ce fut tout d’abord une conséquence des données économiques décevantes aux États-Unis – la crainte que le pays connaisse une récession en double creux – dont l’impact a été négatif pour les marchés d’actions. Les chiffres de l'emploi et de la confiance des producteurs ont toutefois été supérieurs aux attentes et ont ainsi compensé certaines de ces pertes. Il est à noter que, dans l’ensemble, le marché obligataire semble prévoir un scénario de faible croissance à long terme qui se caractériserait par des taux retombant sous des niveaux record.
La tension est également tangible en Europe. Les données économiques allemandes solides contrastent de façon criante celles, très faibles, des pays d’Europe du Sud. L’incertitude quant à la solidité de l’euro s’est ressentie au travers de la hausse des différentiels de taux d’intérêt que les différents gouvernements européens doivent payer.
Etats-Unis : une récession en double creux est peu probable
Les marchés financiers ont souffert des données macroéconomiques plus mauvaises que prévues durant pratiquement tout le mois d'août. Les chiffres des ventes de logements ont été particulièrement décevants : moins de biens ont été vendus en août que lors du pic de la crise de 2008. Les éventuelles répercussions négatives sur le prix de l’immobilier ainsi que, en raison de l’effet négatif sur la richesse, sur la consommation, ont pesé sur les marchés boursiers.
Heureusement, deux statistiques plus positives ont été publiées début septembre : la confiance des producteurs a enregistré une augmentation convenable, et les chiffres de l'emploi ont enfin surpris à la hausse. Ces derniers ont montré que, si le taux de chômage a continué d’augmenter, le nombre d'emplois a cependant enregistré une croissance meilleure que prévue. Associés aux résultats de la consommation qui continuent d’être positifs, ces données indiquent que la probabilité d’une récession en double creux est assez faible. Nous pensons qu’un scénario de faible croissance est bien plus probable.
Un calme tendu en Europe
En Europe, la situation est tendue, mais calme. Si la crise immédiate de l’euro semble avoir été évitée grâce au plan de sauvetage de la BCE, le problème sous-jacent n’a toujours pas été résolu. Les différentiels de taux d’intérêt entre le centre (Allemagne) et la zone dite périphérie (pays du sud et Irlande) se sont encore élargis. Chaque pays a eu ses propres problèmes : en Irlande, le gouvernement a dû intervenir pour sauver une banque, ce qui aura pour effet de faire considérablement augmenter le déficit budgétaire du pays. En Grèce, les troubles sociaux liés aux mesures d'austérité continuent de s'intensifier.
L'incertitude au niveau politique grandit également en Italie et en Espagne. Même les nouvelles indiquant que l’économie allemande enregistre un taux de croissance sans précédent (+2,2 % au deuxième trimestre) contribuent à accroître la tension, car elles rendent plus visibles encore les disparités entre cette économie, qui est la plus grande de la zone euro, et ses homologues en périphérie, qui enregistrent des performances plus faibles. S’il est possible que les tensions subsistent encore un peu dans la période à venir, il est toutefois clair que le problème sous-jacent ne sera pas résolu à court terme. Ainsi, la crise de l’euro pourrait bien s’embraser à nouveau dans les mois prochains.
Correction de l’économie japonaise
Au second trimestre, l'économie japonaise n’a enregistré qu’une croissance de 0,1 % en glissement trimestriel et ses performances ont été des plus décevantes. Le fait que l’économie japonaise ait connu un faible trimestre n'est pas si dramatique et cela arrive de temps en temps. Le problème est que le yen japonais continu de s’apprécier, ce qui met en danger le potentiel de croissance du secteur des exportations du pays. En réponse, la banque centrale japonaise a annoncé un nouveau plan de relance, sans que cela fasse infléchir la hausse du yen. Il semblerait que les marchés financiers spéculent sur le fait que le Japon puisse opter pour un plan plus radical ; à l’heure actuelle, la dynamique politique nécessaire est néanmoins insuffisante.
Les marchés émergents restent tranquilles
Les pays émergents semblent être entrés dans une phase plus calme. Les récentes données sur l’inflation en Chine, au Brésil et en Inde ont été meilleures que prévues, ce qui a dissipé quelque peu les craintes d’une hausse de l’inflation. En outre, les chiffres de croissance sont encore satisfaisants. L’économie de l’Inde a affiché une croissance de 8,8 % au deuxième trimestre, et les indicateurs montrent de nouveau une reprise de la confiance chinoise au cours des derniers mois ; les craintes d’un ralentissement trop violent de la croissance sont ainsi infondées.
Les obligations atteignent des niveaux record
Au cours de ces derniers mois, les marchés obligataires ont été les vrais gagnants, les taux mondiaux ayant dégringolé à des plus bas historiques. Il faut noter que cela s’est produit pratiquement partout ; au Japon, où les taux d’intérêt étaient déjà bas, mais aussi au Royaume-Uni, par exemple. Ce dernier cas est particulièrement remarquable : les taux y ont chuté à 2,9 %, alors que l’inflation s’élève à 3,1 %. Ceci traduit les craintes et les incertitudes qui sont actuellement visibles sur les marchés financiers.