par Trevor Sikorski, directeur, Environmental Markets Research, Barclays Capital
Le marché du carbone présente la caractéristique actuelle d’accorder une prime significative à la détention de liquidités. De nombreuses entreprises sont confrontées à de faibles carnets de commande et à la raréfaction du crédit.
Avec le niveau élevé d’allocations gratuites aux installations, cette situation conduit à une situation inattendue : le marché du carbone s’est transformé pour de nombreux participants en une importante source de financement.
Une façon d’obtenir ce financement consiste à vendre des volumes importants de quotas de l’année en cours afin de dégager de la trésorerie, avant de clôturer cette position par la suite. Cette stratégie est possible grâce à l’allocation gratuite de quotas, laquelle crée une valeur susceptible d’être monétisée, et au calendrier: l’allocation des quotas a lieu en février de l’année en cours alors que leur restitution s’effectue en avril de l’année suivante.
Du fait de cet écart, les installations disposent d’un an de quotas à utiliser. Avec la possibilité d’emprunter des quotas d’une année sur l’autre au sein d’une période, elles ne sont pas tenues de se mettre en conformité avant 2012 au plus tôt. Cette stratégie de vente simple entraîne cependant l’ouverture probable d’une position à terme qui pourrait devoir être clôturée alors que le prix du carbone serait bien plus haut. Une meilleure méthode de gestion du risque de prix à terme, largement répandue, est d’utiliser un swap temporel : des quotas de l’année actuelle sont vendus sur le marché au comptant alors qu’un volume équivalent est acheté à terme (par exemple en décembre 2012). L’entreprise dégage ainsi de la trésorerie tout en verrouillant son engagement futur en termes de prix. La différence entre les liquidités encaissées aujourd’hui et celles payées à l’avenir constitue le taux d’intérêt effectif payé sur ce qui est en réalité un emprunt.
S’agissant des quotas, le niveau de contango sur le marché (c’est-à-dire l’écart entre les prix à terme, plus élevés, et les prix au comptant) pour la plus grande partie de 2008 a été inférieur au coût de portage, ce qui signifie que le marché du carbone permettrait un prêt à un coût moins élevé que le marché interbancaire proprement dit. Depuis novembre 2008, date à laquelle la plupart des quotas avaient été attribués aux installations, l’écart entre la courbe des quotas et le taux interbancaire Euribor a été de plus en plus important. En effet, le taux d’intérêt théorique entre prix du quota à terme décembre 2009 et décembre 2012 a dépassé l’Euribor (taux d’intérêt d’environ 4,1 % par an) de 190 points de base début février puis de 500 points de base à la mi-mars (taux d’intérêt de l’ordre de 7 % par an).
Ces niveaux de « super contango » sur le marché traduisent à la fois le resserrement actuel du crédit et l’intérêt croissant des participants à assurer des livraisons à long terme.
Le niveau de contango est encore plus élevé si l’on compare les contrats à échéances décembre 2009 et décembre 2013, avec une prime de près de 550 points de base par rapport à l’Euribor. À ces niveaux de « super contango », peu sont enclins à effectuer l’opération inverse, à savoir acheter le contrat 2009 et vendre le contrat 2012. Cette situation reflète la prime à la trésorerie dans le contexte actuel. Alors que le marché du carbone se révèle maintenant une source de financement moins attrayante pour de nombreux participants, le récent intérêt à vendre des quotas en contrepartie de liquidités pour les racheter ensuite commence à décliner.
* Ce texte a été publié par le bulletin mensuel “Tendances Carbone” de la Mission Climat de la Caisse des dépôts et consignations. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne sont pas nécessairement celles de Barclays Capital.