La zone euro fait un pas vers la récession

par Claire Fallou et Cédric Thellier, économistes chez Natixis

Conforme aux attentes, le PIB de la zone euro est ressorti en léger repli de 0,2% au T2, avec des performances nationales encore très contrastées. Dans un contexte de très forte incertitude liée à la crise financière, économique, sociale et institutionnelle, les indicateurs avancés suggèrent une poursuite de la dégradation de l’activité à court terme. Nous tablons ainsi sur un nouveau recul de 0,2% au T3 pour la zone euro agrégée qui, avec un deuxième trimestre consécutif de croissance négative, entrerait donc « officiellement » en récession. Par la suite, le PIB pourrait se stabiliser au T4, conduisant à une croissance annuelle en repli de 0,4% pour l’ensemble de 2012. Pour 2013, le redressement de l’activité ne devrait être que très progressif tout au long de l’année et la croissance restera très modeste, de l’ordre de 0,3%.

Des performances nationales toujours contrastées

Eurostat vient de publier en première estimation une croissance en recul de 0,2% en zone euro entre avril et juin, en ligne avec les attentes. Sur un an, le repli atteint -0,4%, contre une progression nulle il y a trois mois. Au plan national, les principaux pays affichent des performances toujours contrastées, proches de celles enregistrées au premier trimestre.

  • La croissance allemande continue de progresser assez significativement, à +0,3% T/T après +0,5% au T1, tirée essentiellement par le commerce extérieur.
  • Le PIB français stagne pour le troisième trimestre consécutif (voir infra pour davantage de détails
  • La croissance espagnole s’est de nouveau repliée, de 0,4% T/T contre -0,3% au trimestre précédent, malgré le soutien du commerce extérieur.
  • Enfin, la contraction du PIB italien se poursuit, à un rythme quasi régulier depuis trois trimestres (-0,7% T/T, après déjà -0,8% au T1 et -0,7% au T4 2011), sous l’effet d’une demande intérieure globalement déprimée.

Quelles perspectives à moyen terme ?

Dans un contexte de très forte incertitude liée à la crise financière, économique, sociale et institutionnelle, l’ensemble des composantes du PIB restent sous pression :

  • La consommation des ménages, compte tenu d’un marché du travail dégradé, d’une faible progression des salaires nominaux, d’une augmentation de la pression fiscale et d’un ralentissement très progressif de l’inflation, devrait encore se contracter au T3 et demeurera atone au cours des trimestres suivants.
  • Du côté des entreprises, la nouvelle baisse des taux d’utilisation des capacités de production, ainsi que les difficultés de financement, plaident pour un recul prolongé de l’investissement productif.
  • Quant au soutien des exportations nettes, il devrait faiblir au T3, en ligne avec le ralentissement du commerce mondial.

Finalement, comme le suggèrent les derniers chiffres de l’enquête PMI, nous tablons sur une poursuite de la dégradation de l’activité à court terme, avec un nouveau recul de la croissance au troisième trimestre de 0,2% au niveau agrégé pour l’UEM. Pour le T4, l’activité pourrait tout juste se stabiliser, conduisant ainsi à une croissance annuelle en recul de 0,4% pour l’ensemble de 2012. Pour 2013, avec un acquis de croissance qui serait négatif fin 2012 (-0,1 point) et dans la mesure où le redressement de l’activité ne devrait être que très progressif tout au long de l’année, la croissance restera très modeste, de l’ordre de 0,3%.

France : nouvelle stagnation au T2

D’après la première estimation des comptes nationaux publiée par l’INSEE, le PIB est resté stable en France au T2 2012 (+0,0% T/T, +0,2% en GA). Ce chiffre est légèrement inférieur à notre prévision de +0,1% T/T. Les principales composantes du PIB ont évolué comme suit :

  • La consommation privée a légèrement reculé (-0,2% T/T après +0.2% T/T), notamment à cause de baisses importantes dans les dépenses en produits alimentaires (-1,3% T/T) et en habillement (-5,3% T/T). La consommation de biens durables a cependant soutenu la demande (+1,1 T/T après -4,1% T/T) ; l’automobile a notamment enregistré une amélioration (+0,9% T/T) après une contraction importante au T1 (-7,0% T/T). Les dépenses d’énergie sont restées dynamiques (+2,7% T/T après +3,5% T/T), les températures ayant été inférieures à leurs normales saisonnières.
  • La formation brute de capital fixe retrouve une tendance haussière, à +0,6% T/T, après un repli au premier trimestre (-0,8%) ; cette progression s’explique par le rebond de l’investissement des sociétés non financières (+0,7%) après une chute en début d’année (-1,4%). Les conditions de crédit sont restées globalement inchangées sur la période après un durcissement en début d’année. L’investissement des ménages s’est stabilisé, après un recul de 0,4% au T1, tandis que l’investissement public a enregistré une hausse de 0,9% due à un retour à la normale dans les travaux publics, après une interruption au T1 (-0,1%) dans un contexte climatique peu favorable.
  • Les variations de stocks ont contribué positivement au PIB: +0,3 point après +0,1 point, particulièrement grâce aux produits de cokéfaction et de raffinage (+0,2 point).
  • Le solde commercial a en revanche pesé sur la croissance, avec une accélération des importations (+1,8% T/T contre +0,6% au premier trimestre), en particulier à cause des achats de matériel de transport (+8,0%). Les exportations sont demeurées atones (+0,2%), en particulier hors de l’Union Européenne. La contribution du commerce extérieur a ainsi été négative, de -0,5 point.

L’économie française a donc une nouvelle fois échappé à un recul du PIB au T2 2012. Nous anticipons une quasi- stagnation au cours de la seconde partie de l’année, en raison notamment d’une consommation qui resterait globalement atone sur la période, tandis que le solde extérieur devrait continuer de peser sur la croissance. Sur l’ensemble de l’année, nous maintenons notre prévision de croissance du PIB à +0,3% (+0,8% en 2013).

Retrouvez les études économiques de Natixis