Le chômage des jeunes, un enjeu important

par William De Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas

Dans les pays de l’OCDE, le taux de chômage des jeunes est plus élevé et plus sensible aux variations conjoncturelles que le taux de chômage total.

En phase de repli économique, le pourcentage de jeunes au chômage depuis plus d’un an augmente.

Une période de chômage pendant la jeunesse peut avoir un impact négatif à long terme.

Le retournement conjoncturel de ces dernières années s’est traduit par une baisse du nombre de chômeurs chez les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) rapporté à la population active appartenant à cette tranche d’âge1. Dans des pays comme l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, ce repli a été très significatif, mais il fait suite à un accroissement considérable du taux de chômage des jeunes. En Italie, où la hausse du chômage a été tout aussi importante, le reflux s’amorce à peine. (Les données montrent) également que, quels que soient les pays, et même avant la crise de 2008, le taux de chômage des jeunes était élevé. En 2015, le ratio entre le taux de chômage des jeunes et le taux de chômage global était en moyenne de 2,1 pour l’OCDE comme pour la zone euro. Le ratio le plus élevé a été enregistré en Italie, où le chômage des jeunes est trois fois plus important que le taux global. L’Allemagne et les Pays-Bas affichent le ratio le plus bas (1,6 fois)2, tandis que la France se situe dans le haut de la fourchette (2,4 fois)3.

Il convient de noter qu’au cours des différentes phases du cycle conjoncturel, le ratio entre le taux de chômage des jeunes et celui des adultes de 25 ans ou plus semble assez stable (…) La ligne de régression, qui montre la relation moyenne dans les différents pays au cours de la période, a une importante valeur explicative et sa pente (le coefficient bêta) indique qu’une variation de 10 points de pourcentage du chômage des jeunes s’accompagnerait d’une variation de 3,5 points de pourcentage du taux de chômage des 25 ans et plus.

A la lecture des résultats par pays (…), on observe certaines différences, en particulier concernant le coefficient bêta de régression. Ce coefficient peut être considéré comme une mesure du caractère cyclique relatif du chômage des jeunes par rapport au chômage des 25 ans et plus. Un coefficient bas signifie que le chômage des jeunes est plus sensible à la conjoncture que le taux de chômage du reste de la population active. La France, l’Italie et la Belgique sont dans ce cas. C’est en Allemagne que la différence de cyclicité est la plus faible. Pour approfondir la question, (il faut étudier) si les pays qui ont connu une nette augmentation du chômage des jeunes lors du repli conjoncturel ont enregistré une réduction notable avec le redressement de la croissance. Il semble y avoir une relation, mais elle n’est pas, de toute évidence, proportionnelle : le reflux du chômage après son point culminant est d’à peine 40% de l’accroissement observé après le creux cyclique antérieur de ce même taux de chômage. Il importe néanmoins de souligner un point important : la date à laquelle le chômage des jeunes atteint un pic est manifestement propre à chaque pays de sorte que lorsque le pic n’a été atteint que récemment, la comparaison entre « augmentation entre le point bas et le point haut » et « repli depuis le point haut » sera faussée. On observe, enfin, qu’en période de croissance négative voire très faible, le pourcentage de jeunes au chômage depuis plus d’un an augmente. Malgré une baisse récente à la faveur d’une diminution du taux de chômage, ce pourcentage reste élevé dans de nombreux pays.

La littérature a fourni plusieurs explications de l’ampleur de l’augmentation du chômage des jeunes en période de crise économique4: les jeunes bénéficient en général d’un niveau moins élevé de protection de l’emploi ; nombre d’entre eux sont sous contrat à durée déterminée ; ils ont acquis moins d’expérience professionnelle ; les entreprises ont moins investi dans leur formation par rapport au personnel plus ancien ; l’indemnité de licenciement est probablement inférieure; les jeunes ont une plus forte propension à démissionner de leur plein gré ; il peut être difficile pour les jeunes dont l’expérience est limitée d’entrer sur le marché du travail en période de croissance morose ; en période de crise, les entreprises commencent par cesser d’embaucher avant de licencier leur personnel.

Malgré l’amélioration récente de l’environnement du marché du travail, le niveau élevé du taux de chômage global reste un défi majeur pour les politiques économiques dans de nombreux pays de l’OCDE et, en particulier, en Europe. La baisse du chômage aurait non seulement un impact positif sur la croissance du revenu des ménages, sur les dépenses et, de manière plus générale, sur le PIB, mais aussi des effets favorables sur les finances publiques, sur le sentiment de bien-être des personnes concernées et sur la réduction des inégalités. Ces arguments valent aussi, bien évidemment, pour le chômage des jeunes mais, dans ce cas, d’autres éléments entrent également en jeu. C’est ce que l’on appelle, de manière générale, les «effets de stigmatisation » liés au chômage des jeunes : des études empiriques ont montré que la simple expérience du chômage pendant la jeunesse augmente les risques de chômage dans le futur et a un impact sur le développement du capital humain (acquisition d’expérience, formation, progression de carrière). On relève les « effets de signal » liés à une telle expérience (pour d’éventuels employeurs lors de la candidature à un emploi). Les études montrent que ces stigmates continuent de se manifester de nombreuses années après5.

NOTES

  1. La main-d'œuvre, ou population active du moment, comprend toutes les personnes qui remplissent les conditions requises pour être considérées comme pourvues d’un emploi (employés du civil et membres des forces armées) ou comme chômeurs. Les personnes pourvues d’un emploi sont les personnes qui, durant la semaine de référence, ont travaillé une heure au moins pour une rémunération ou un profit ou qui avaient un emploi dont elles étaient temporairement absentes pour cause de maladie, de congé ou de mouvement social. Par chômeurs, on entend les personnes sans travail qui recherchent activement un emploi et sont disponibles pour travailler (source : OCDE).
  2. Pour l’Allemagne cela s’explique par un « système d’apprentissage assez efficace qui facilite la transition de l’école à l’emploi » (source : Scarpetta, S., A. Sonnet et T. Manfredi (2010), « Montée du chômage des jeunes dans la crise : Comment éviter un impact négatif à long terme sur toute une génération ? », OECD Social, Employment and Migration Working Papers, No. 106)
  3. Il existe en outre un concept plus large qui est celui des « Jeunes déscolarisés sans emploi » (NEET). Pour les politiques économiques, ce dernier concept est plus pertinent, mais aussi plus délicat dans le sens où l’enseignement est considéré comme un facteur clé qui augmente les chances d’accéder à un emploi. La déscolarisation rend la tâche d’autant plus difficile.
  4. La liste des facteurs explicatifs se fonde essentiellement sur l’étude de Dennis Görlich, Ignat Stepanok et Fares Al-Hussami (2013), « Youth Unemployment in Europe and the World: Causes, Consequences and Solutions », Kiel Policy Brief n° 59
  5. Source : Scarpetta, S., A. Sonnet and T. Manfredi (2010), cf. note de bas de page 3.

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