« Le dollar est notre devise, mais c’est votre problème » (John Connaly)

par Didier Borowski, Responsable de la stratégie taux, changes et volatilité chez Amundi Asset Management

Cette sentence du secrétaire au Trésor de Nixon semble plus que jamais d’actualité. L’annonce par la Réserve fédérale d’un possible recours à la planche à billets pèse sur le dollar depuis le 21 septembre. Et on peut légitimement se demander si ce n’était d’ailleurs pas l’objectif visé. En évoquant le risque d’une inflation trop faible, il est naturel de penser que la Fed cherche par tous les moyens à “importer de l’inflation”. Et quoi de mieux pour atteindre ses fins qu’une dévaluation ?

Mais aujourd’hui les partenaires commerciaux des États-Unis ne sont pas prêts à supporter le fardeau d’un affaiblissement supplémentaire du billet vert. La plupart des pays comptent en effet sur leurs exportations pour soutenir leur économie. C’est notamment le cas des grandes économies développées où la demande intérieure reste atone. Premier à agir, le Japon est intervenu en achetant plus de $25Mds sur le marché des changes et les autorités nipponnes menacent de recommencer si nécessaire. De son côté, la Chine a stoppé net l’appréciation du yuan qui était en cours depuis la fin août. Enfin, de nombreux pays émergents s’inquiètent des conséquences de la baisse du dollar. Les propos du ministre des finances brésilien sur les risques d’une “guerre des changes” ont mis le feu aux poudres. Au total, une dizaine de pays sont intervenus soit en achetant des dollars (Japon, Thaïlande, Taiwan, Corée du Sud, Philippines, Malaisie, Indonésie et Israël), soit en déclarant l’envisager (Brésil, Colombie, Chili, Singapour).

En revanche, en l’absence de politique de change claire, les autorités de la zone euro sont restées inertes. Résultat : la devise européenne joue une fois de plus le rôle de variable d’ajustement “par défaut” en s’appréciant vivement face au dollar.

Ces tensions monétaires font craindre un regain de protectionnisme à l’échelle mondiale. À ce jeu, tout le monde serait perdant. Pour autant, il ne faut pas céder à la tentation d’accuser les États-Unis de faire cavalier seul. Car le déficit externe américain s’est à peine résorbé en dépit de la récession.

L’affaiblissement du dollar se justifie donc sur le plan macroéconomique. Mais face à quelles devises ? Le scénario le plus vertueux serait de voir le billet vert s’affaiblir vis-à-vis des monnaies des pays émergents qui ont de larges excédents courants, où la croissance est soutenue et l’inflation élevée. Or ce sont ces derniers qui résistent le plus. Nul doute que ces sujets seront au cœur du G20 du 11 novembre. Reste à savoir si un accord multilatéral est possible. À défaut, l’euro risque de supporter seul le poids de l’ajustement en s’appréciant davantage.