Le renminbi sur le devant de la scène

par Bei Xu et Marie-Pierre Ripert, économistes chez Natixis

La Chine a laissé entendre cette semaine que le renminbi (RMB) était proche de son niveau d’équilibre suggérant que son mouvement d’appréciation, commencé en 2005, était peut être suffisant. Rappelons que le RMB s’est apprécié d’environ 30% contre le dollar depuis cette date.

Si l’argument du déficit commercial chinois enregistré en février (31Md$) nous semble discutable, les données étant souvent biaisées par le Nouvel An chinois, il n’en reste pas moins que l’excédent courant chinois s’est fortement réduit ces dernières années passant de 10,8% du PIB en 2007 à environ 2,8% en 2011, permettant une atténuation des forts déséquilibres mondiaux.

Mais si l’importance des exportations dans la croissance chinoise est vouée à s’atténuer avec le rééquilibrage de la croissance chinoise vers une plus grande part de la demande domestique (en particulier la consommation) dans le PIB, la Chine a malgré tout encore besoin de rester compétitive pour mener la transition vers son nouveau modèle. Or l’appréciation de son taux de change et la hausse de ses coûts salariaux (avec l’augmentation du salaire minimum) ont dégradé sa compétitivité ce qui nous laisse penser que l’appréciation du RMB pourrait être plus modérée cette année (2/3% vs 6% en 2011).

Les autorités chinoises ont également suggéré qu’il fallait laisser un plus grand rôle au marché dans la fixation du taux de change…Où en est-on dans le processus d’ouverture du marché de la monnaie chinoise ?

Depuis plus de deux ans, les autorités chinoises ont fortement accéléré le processus d’internationalisation du RMB, qui reste largement inconvertible…. La première étape qui date de 2005 a été de retirer le peg qui prévalait avec le dollar et d’ancrer le RMB sur un panier de monnaies. Ensuite, en autorisant les entreprises chinoises à libeller leurs transactions en RMB mi-2009, leur permettant ainsi de ne plus porter le risque de change, il fallait nécessairement mettre en place un marché du RMB : Hong Kong est ainsi devenu le centre offshore du RMB avec le CNH (le RMB offshore) et une intensification de la coopération entre la banque centrale chinoise (PBoC) et la Bank of China Hong Kong de façon à assurer la liquidité en CNH. Des lignes de swaps avec plusieurs banques centrales étrangères surtout émergentes ont également été instaurées.

La mise en place d’un centre offshore permettait à la Chine de garder le contrôle sur sa monnaie et son système financier, largement dominé par des banques publiques, tout en rendant possibles les transactions commerciales en RMB. Cela avait aussi l’avantage de tester l’ampleur de la demande pour le RMB et d’avoir des informations sur les anticipations de marché sur le taux de change. Pour que les entreprises étrangères aient un intérêt à détenir du RMB, il fallait également faciliter des investissements en RMB. Un pas supplémentaire a été franchi fin 2010 lorsque les autorités chinoises ont autorisé les entreprises et les institutions à émettre des obligations en RMB (« Dim sum » bonds) et ont, elles mêmes, émis des obligations à HK pour permettre la construction d’une courbe de taux (du 2 ans au 10 ans). Enfin, il a été décidé à la fin de 2011 d’encourager les échanges bilatéraux entre la Chine et le Japon en RMB et en yen et non plus en dollar et de permettre au Japon l’accès aux titres chinois. Cette décision était particulièrement symbolique, la Chine et le Japon étant les deux principaux détenteurs de bons du Trésor américains avec respectivement 1159 Md$ et 1079 Md$, soit 44% des titres détenus par des non résidents.

En deux ans, les transactions commerciales libellées en RMB ont atteint un peu plus de 8% de la totalité du commerce extérieur chinois et les dépôts en RMB à Hong Kong ont atteint 10% de la totalité alors qu’ils étaient marginaux en 2009.

Si le processus d’internationalisation du RMB s’est fortement accéléré, il existe encore des freins importants pour que la monnaie chinoise puisse devenir internationale et éventuellement concurrencer le dollar. Les principaux obstacles sont évidemment la non convertibilité de la monnaie et l’absence d’un marché financier de grande taille. L’ouverture du compte de capital, et en conséquence la perte de contrôle sur le système financier, est une condition nécessaire à l’obtention de ce statut. Les autorités chinoises ont donné une feuille de route concernant l’ouverture du compte de capital qui ne doit se faire que progressivement et ne devrait être totale que dans 5 à 10 ans…

Ainsi, si le RMB a vocation à devenir la monnaie d’échange en Asie1, il faudra encore attendre pour qu’elle devienne internationale. Pour autant, le dollar devrait progressivement perdre son statut de monnaie de référence et l’appétit des investisseurs pour le dollar pourrait s’amoindrir.

NOTES

1 CF. Flash n°2012-163 « RMB, future monnaie asiatiq ue en attendant d’être internationale ? », février 2012.

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