par Marc Renaud, Président de Mandarine Gestion
Rapidité, tel est le maître mot des évolutions de la bourse aujourd’hui : rapidité du rebond depuis le début de l’année, rapidité des changements dans les évolutions des fondamentaux de certains marchés…
La «croissance émergente» a ainsi été ces dernières années le maître mot des stratégies des entreprises européennes, qui ont consacré une part croissante de leurs investissements aux pays émergents, compte tenu à la fois du dynamisme de ces derniers et du fait que l’activité générée dans ces pays est le plus souvent plus rentable que celle des pays matures.
Cependant le modèle de croissance des émergents est en train de changer, n'étant pas immunisé contre le ralentissement en cours en occident et faisant face à une consommation domestique qui n'a que commencé à décoller. Cette croissance peut même, dans certains cas, disparaître brutalement pour les entreprises.
Le cas de la société Bekaert est à ce titre représentatif. Leader mondial de la fabrication de fibres métalliques (tiges fines utilisées dans l'industrie, la construction, l'automobile), cette société belge fut une des «darling» du marché en 2009/2010 (cours de bourse x5).
Elle était le vecteur par excellence de la croissance dans les pays émergents et plus précisément de la croissance chinoise (70% de son CA dans les pays émergents et 35% en Asie), avec des part de marché fortes et une marge très supérieure à la moyenne du groupe (plus de 35% de marge en Asie contre 16% pour le groupe en 2010).
Mais les dynamiques du marché se sont brutalement inversées :
- la course aux parts de marché entre Bekaert et son concurrent Chinois Xingda a créé de la surcapacité dans un marché dont la croissance a ralenti;
- les câbles à destination de l’industrie solaire ont pâti de l’écroulement du marché (les prix de vente ont baissé de plus de 50% en un an) ;
- les avantages compétitifs de Bekaert (câbles plus fins, meilleure productivité) se sont révélés inutiles dans un marché surcapacitaire…
Les marges du groupe en Asie se sont donc écroulées : 37% en 2010, 19% en 2011 dont seulement 6% au 2ème semestre… et le cours de bourse s’est ajusté avec une baisse de 70% en 2011… Le groupe doit maintenant faire face à des coûts de restructuration afin d’adapter son outil de production alors que ses marges sont déjà très réduites…
Que tirer de ce cas d’école ? Non pas que les pays émergents sont des pays où il ne faut plus investir mais plutôt qu’il faut être, pour nous gérants, de plus en plus sélectifs dans nos choix d’investissement lorsque nous visons ces marchés, ce qui signifie :
- Connaître et surveiller les concurrents émergents de nos entreprises européennes
- Privilégier les entreprises dont le potentiel «émergent» reste entier : certains marchés n’existent pas encore dans ces pays et des opportunités persistent pour les acteurs européens
- Se concentrer sur les sociétés plutôt exposées à la consommation locale, qui bénéficie de l’émergence de la classe moyenne et qui reste relativement immune à la concurrence locale, les émergents voulant encore à ce stade acheter le savoir-faire et l’image européenne.