Les investisseurs ont-ils intérêt à prendre davantage de risques ?

par Eric Pictet, Directeur Général du bureau de Paris de Muzinich & Co

Les obligations américaines et européennes ont généré une performance positive en février, le segment high yield ayant surperformé durant une période marquée par une remontée de l’appétit des investisseurs pour le risque. Les marchés obligataires en générale, et le high yield en particulier, ont bénéficié d’une conjonction de facteurs positifs, incluant la faiblesse des taux sans risque dans les pays développés, des flux d’investissement robustes, une émission nette limitée et une tolérance au risque toujours élevée chez les investisseurs.

Les spreads se sont resserrés, compte tenu essentiellement de l’amélioration des paramètres techniques. Plus particulièrement, le marché a été porté par une remontée de l’appétit pour le risque en dépit du repli des statistiques économiques américaines (emploi, chiffres de vente, production industrielle) et de l’envolée des incertitudes politiques (Ukraine). Les bons du Trésor américains ont enregistré de la volatilité durant le mois, mais ont néanmoins clôturé la période sur une performance étale.

Dans l’intervalle, Janet Yellen a indiqué que la Réserve fédérale devrait poursuivre le retrait progressif de la politique d’assouplissement quantitatif, dans l’attente de nouvelles statistiques permettant de confirmer le caractère passager ou non du récent ralentissement économique. La reprise en Europe reste atone et, si les craintes déflationnistes venaient à perdurer, on ne peut exclure une nouvelle intervention de la BCE sous la forme de baisses des taux ou de mesures de stimulus. Au lieu des fondamentaux de crédit, des facteurs exogènes, tels que des crises en Ukraine, en Syrie ou en Chine, pourraient dès lors constituer la principale source d’inquiétude pour le marché.

Stratégie et perspectives

Les investisseurs ont-ils intérêt à prendre davantage de risques dans un contexte marqué par une quête de rendement ? Bien que certains crédits CCC constituent des opportunités d’investissement attrayantes, aux niveaux de spreads actuels, les investisseurs ne nous semblent pas suffisamment rémunérés pour le risque de crédit associé aux émissions CCC. La prime de risque perçue par les investisseurs pour leur exposition à des obligations d’entreprises CCC (mesurée en termes de différentiel de spread entre les obligations CCC et les titres BB/B) a touché un point bas de plusieurs années et se rapproche des niveaux très faibles enregistrés juste avant l’éclatement de la crise financière. Selon nous, les investisseurs sont le mieux rémunérés pour le risque associé aux émissions CCC dans le sillage immédiat d’une dislocation majeure du marché, au moment où les spreads sont les plus larges. Dans le contexte actuel, nous ne pensons pas que les investisseurs soient suffisamment rémunérés pour cette prise de risque supplémentaire.