par Homin Lee, Stratège macro senior chez Lombard Odier
- Nous anticipons un « atterrissage en douceur » dans les pays émergents en 2024, avec une légère amélioration de la croissance et une baisse de l’inflation, mais la situation variera selon le pays concerné
- L’assouplissement des politiques monétaires s’élargira par-delà les économies d’Amérique latine
- Nous pensons que les partis au pouvoir remporteront les élections en Inde et au Mexique et confirmeront la continuité politique de ces pays.
Les pays émergents hors Chine devraient enregistrer une légère amélioration de leur croissance et une baisse de l’inflation en 2024. Nombre d’entre eux connaissent d’ailleurs déjà un ralentissement. Maintenant que l’atténuation de la demande contribue à la stabilisation de l’inflation, les banques centrales peuvent envisager une politique relativement plus accommodante. Les prix mondiaux de l’alimentation et de l’énergie ont étonnamment bien résisté à des craintes intermittentes quant à l’offre, et le faible taux d’inflation en Chine ancre la hausse des prix des biens à de bas niveaux. Nous sommes de plus en plus convaincus que ces tendances persisteront jusqu’à la mi-2024, ramenant l’inflation à un niveau plus proche de la fourchette visée par les banques centrales de nombreux pays émergents ciblant l’inflation.
Au niveau individuel, nous pensons que l’Inde et l’Indonésie maintiendront une croissance solide. Bien que les marchés des devises et des obligations de ces pays aient été volatils en 2023, l’apaisement des taux sur le plan mondial devrait permettre d’éviter de telles difficultés en 2024. Les économies plus industrialisées et dépendantes du commerce, comme la Corée du Sud, Taïwan et la Pologne, se redresseront à mesure de l’atténuation du ralentissement du commerce mondial de marchandises. Le Brésil et le Mexique semblent destinés à un atterrissage en douceur après une croissance très ferme en 2023. Le Chili et le Pérou sortiront probablement d’une phase de croissance léthargique grâce à des baisses de taux. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont susceptibles d’enregistrer le rebond le plus marqué s’ils parviennent à augmenter leur production de pétrole comme l’on s’y attend – à condition que le conflit entre Israël et le Hamas reste localisé.
L’assouplissement de la politique monétaire des pays émergents s’élargira probablement au-delà de certaines économies d’Amérique latine. Durant les douze prochains mois, nous pensons que les banques centrales de la plupart des grands pays émergents abaisseront leurs taux, à l’exception de la Turquie, de Taïwan, de la Thaïlande et de la Malaisie (voir le graphique 19). L’ampleur et la durée de ce cycle de baisse varieront fortement, les pays asiatiques adoptant le rythme le plus progressif, en ligne avec les Etats-Unis, tandis que les pays latino-américains bénéficieront d’un assouplissement plus important. Toutes les baisses ne seront pas pleinement justifiées. Celles introduites en Pologne et en Colombie semblent quelque peu inappropriées compte tenu d’une inflation sous-jacente élevée.
L’agenda politique sera chargé en 2024. L’Inde, l’Indonésie, le Mexique, Taïwan, l’Egypte et l’Afrique du Sud organiseront des élections nationales. Nous nous attendons à ce que les résultats de ces élections s’inscrivent dans une continuité politique, ce qui renforce le scénario d’un atterrissage en douceur. Les élections indiennes et mexicaines susciteront de l’intérêt au niveau mondial en raison de l’importance économique des pays concernés et de leur montée en puissance en tant que bénéficiaires du « friend-shoring » (relocalisation entre alliés). Il est peu probable que les élections taïwanaises déclenchent une crise dans le détroit de Taïwan, mais il faudra néanmoins surveiller la situation de près.