par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Adjoint en charge des gestions chez OFI AM
Les Banques centrales ont fourni énormément de liquidités depuis décembre. Les craintes de risque systémique se sont donc logiquement estompées et les actifs financiers ont gonflé. La crise financière s’éloigne, reste la crise économique… Un test plus ardu pour les marchés.
Face à l’ampleur de la crise financière latente depuis 2008 et de la crise économique des pays occidentaux, les Banques centrales jouent vraiment le jeu.
Elles prennent leurs responsabilités de prêteur et de fournisseur de liquidités de dernier ressort. Ce mouvement s’est accentué ces dernières semaines. Depuis le premier « LTRO» de la BCE du 21 décembre, le nombre de décisions monétaires d’assouplissement est ainsi impressionnant : baisses des taux directeurs au Brésil, au Chili, en Suède, en Norvège…, rallonges pour les programmes de rachats de dettes décidés par la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, pas de véritable QE3 aux États-Unis mais prolongation jusqu’à la fin 2014 de la période de taux à zéro… Et même en Chine, le taux des réserves obligatoires des banques a été abaissé à deux reprises depuis décembre.
La réponse des marchés a été d’autant plus positive qu’on partait de valorisations très basses sur les classes d’actifs « risquées » : les obligations « High Yield », les convertibles, les actions occidentales et émergentes ont ainsi progressé de 8 à 20 % depuis le début de l’année.
Ce rythme de progression est trop rapide et il est normal qu’une consolidation intervienne. On vient ainsi de vivre les premières séances agitées de l’année avec une baisse mardi de l’ordre de 3,5 % de la majorité des indices européens. Alors, s’agit-il d’une phase passagère ou du début d’une tendance moins favorable ?
D’un point de vue technique, la tendance haussière récente est encore intacte, du moins tant que l’indice EuroStoxx 50 reste au dessus du point critique de 2400. Si cette zone tient, nous devrions pouvoir gagner à nouveau de 5 à 10 % au cours des prochains mois. Mais le chemin sera désormais probablement plus heurté car la période « facile » de reprise boursière est désormais derrière nous.
Car d’un point de vue fondamental, le contexte économique est délicat en Europe. les politiques budgétaires seront plus rigoureuses au plus mauvais moment, logique allemande de résolution de la crise de la zone Euro oblige. De ce fait, la croissance de la zone sera quasi nulle cette année, avec des récessions dans les pays du sud. Le cas de l’Espagne illustre bien cette problématique : le gouvernement vient de donner ses projections de déficit budgétaire pour 2012. Il l’estime désormais à 5,8 % du PIB, soit 1,4 % de plus que prévu initialement. Un cercle vicieux peut ainsi s’enclencher et peser sur la dette, ce qui risque d’aggraver de fait le déficit… Par ailleurs, la « problématique » zone Euro est loin d’être achevée. Dans ces conditions, le momentum des révisions de bénéfices des entreprises sera moins bon. Nous attendons pour l’instant une progression de l’ordre de 8 % des bénéfices des entreprises de l’indice DJ Stoxx 600, ce qui donne un PER 2012 de l’ordre de 11. Cela reste toutefois historiquement assez bas. Aux Etats-Unis, la situation économique est meilleure (cf. analyse ci-après). les estimations de bénéfice par indice S&P 500 s’élèvent à 105 dollars, ce qui donne un PER 2012 de 13, également très convenable sur longue période.
Au final, une phase plus délicate semble s’ouvrir et nous risquons de retrouver la dualité qui avait guidé les marchés avant le trou d’air de l’été dernier : valorisations très convenables d’un côté, faible visibilité « macro » de l’autre, sans parler du cas complexe de la construction européenne (cf. Grèce).
Des marchés propices, donc, à des ajustements tactiques plus fréquents et à davantage de diversification internationale vers les actions américaines (historiquement moins risquées) et les classes d’actifs émergentes, aux fondamentaux plus porteurs.