Un début d’année 2012 meilleur que prévu pour les pays émergents

par Edgardo Torija Zane, économiste chez Natixis

Au second semestre de 2011, les économies émergentes ont été confrontées à une décélération marquée de leur taux de croissance en raison de politiques monétaires restrictives mises en œuvre entre 2010 et 2011 et du contrecoup du ralentissement de la croissance en Europe, transmis aux émergents via le commerce international et le canal financier.

Cette dégradation des variables réelles et financières a suscité des interrogations de la part des investisseurs, notamment sur la capacité des émergents à assurer une croissance économique toujours forte en 2012 dans un contexte international affaibli. La très grande intégration de ces économies aux marchés mondiaux implique en effet que les chocs sont rapidement transmis par les canaux financiers et commerciaux. D’où l’ajustement à la baisse, très marqué, des prévisions de croissance pour les pays émergents durant le second semestre de 2011, écartant le scénario d'un "découplage".

Si un ralentissement des émergents en 2012 par rapport à 2011 est largement attendu, quelques évolutions de l’économie mondiale au premier trimestre de 2012 permettent toutefois de mitiger les anticipations d'un ajustement brutal de la croissance économique. On dispose aujourd’hui de signes assez généralisés de reprise aux Etats-Unis concernant la consommation, les perspectives de production et d’investissement, l’immobilier résidentiel et le marché du travail. En Europe, les incertitudes sur la possible contagion de la crise grecque à d’autres pays se sont apaisées. Les difficultés persistent, mais les marchés sont désormais soutenus par les injections massives de liquidité par la BCE et par l’assouplissement quantitatif mené au Royaume- Uni et au Japon. 

Les signes émanant des marchés indiquent déjà une réévaluation des risques sur les marchés émergents en 2012, leurs bourses ont ainsi largement pris part au rally généralisé des deux derniers mois. La baisse de l’aversion pour le risque et le regain des investissements de portefeuille ont profité à l’ensemble des actions et des dettes émergentes, avec une compression généralisée des spreads de CDS et de solides performances des indices (le MSCI émergents affiche une hausse de 17,5% depuis le début de l’année). On assiste aussi au redressement des monnaies qui avaient été fortement secouées fin 2011 telles la roupie indienne ou le real brésilien.

Les émergents bénéficient en outre de l’assouplissement monétaire conduit par les banques centrales, ce qui est favorable au dynamisme du crédit domestique (baisse des taux au Brésil, en Indonésie, en Thaïlande et aux Philippines, baisse du taux de réserves obligatoires en Chine et en Inde).

L'amélioration conjoncturelle ne se limite pas aux marchés financiers, les résultats des dernières enquêtes auprès des entrepreneurs des pays émergents semblant indiquer un regain d’activité quasi-généralisé pour le premier trimestre de l’année (amélioration des PMI en Inde, en Chine, au Brésil, en Afrique du Sud et en Russie). Les entrepreneurs anticipent désormais une expansion de leur production et de leurs ventes y compris à l'international, alors que fin 2011 ils en pronostiquaient une nette contraction.

Ces signes sont encore insuffisants pour en déduire un redressement rapide de l’activité économique des pays émergents. Néanmoins, certains pays émergents pourraient offrir des perspectives de croissance prometteuses en 2012. On pense notamment aux pays exportateurs de matières premières dont les prix sont à nouveau orientés à la hausse. Les économies d’Amérique latine et d’Asie vont en outre bénéficier du dynamisme du marché américain à travers la hausse des exportations. En revanche, la Turquie et la plupart des pays d’Europe émergente, très fortement orientés vers le consommateur européen resteront fragilisés.

De nombreux risques subsistent alors. Dans certains pays émergents ayant connu une hausse forte de l’endettement domestique, les politiques visant à encourager la demande domestique pourraient s'avérer inadaptées, en particulier pour les pays où les déficits de la balance courante se sont creusés au cours des dernières années (Turquie, Inde, Brésil…).

A plus court terme, un risque important est celui de l'impact d'une hausse brutale du prix du pétrole, qui pourrait mettre fin à la tendance au ralentissement de l’inflation et peser sur le pouvoir d'achat des consommateurs.

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