Vers une reprise de la consommation française ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Si la forte amélioration de la confiance des consommateurs français en mars est une bonne nouvelle (elle progresse de 5pts), il faut toutefois garder à l’esprit que le moral des ménages reste à un niveau très faible. Il ne faut donc probablement pas s’attendre à une reprise forte de la consommation en 2012 même si les chiffres de consommation en produits manufacturés ont été plutôt positifs en février.

Rappelons que la consommation des ménages a bien ralenti en 2011 pour ne progresser que de 0,3% en moyenne sur l’année après 1,4% en 2010. Si le revenu disponible brut a progressé de 3,2% en moyenne sur l’année, le revenu réel (déflaté de l’inflation) n’a augmenté que de 1% subissant l’impact négatif de la hausse de l’inflation. Cette augmentation du revenu réel peut sembler faible mais c’est cependant le rythme de progression le plus élevé depuis 2007. Dans un contexte d’incertitude et de hausse du taux de chômage, les ménages français ont choisi de ne pas tout consommer, augmentant ainsi sensiblement leur taux d’épargne (16,8% en moyenne en 2011 vs 16,1% en 2010).

Le contexte financier s’est nettement amélioré ces derniers mois mais la situation des ménages va rester dégradée cette année. Nous voyons peu de raison d’être optimiste.

  • A court terme, le niveau élevé du prix du pétrole va limiter le processus de désinflation qui était attendu. En effet, les prix de l’essence ont sensiblement augmenté depuis le début de l’année et l’inflation va rester supérieure à 2% au premier semestre.
  • Le marché du travail va continuer de se dégrader cette année avec la faiblesse de la croissance et les efforts de productivité des entreprises. L’emploi devrait s’ajuster à la baisse (-0,6%) et les salaires ne progresseront que faiblement (2%). Le taux de chômage resterait sur sa tendance haussière pour atteindre 9,8% en fin d’année 2012 vs 9,4% fin 2011.
  • La réduction du déficit public de 5,5% en 2011 à 4,5% en 2012 va passer par la poursuite de la hausse des prélèvements obligatoires et également par une baisse des dépenses publiques, ce qui va avoir un effet négatif sur les revenus des ménages.
  • Les banques anticipent un net durcissement des conditions d’octroi des crédits à la consommation en début d’année 2012 et déclarent que la demande pour ce type de crédit est également orientée à la baisse. Ainsi, la tendance baissière des crédits à la consommation observée en 2011 pourrait se poursuivre en 2012.

Après la progression enregistrée en 2011, le revenu disponible brut réel baisserait légèrement en 2012. Dans ce contexte, la faible hausse de la consommation des ménages que nous anticipons cette année (0,3% en moyenne annuelle) passera par un recul du taux d’épargne. Il pourrait revenir sur ses niveaux de début 2011 avec l’affaiblissement de l’incertitude et les anticipations d’amélioration future des finances publiques (effet Ricardien). Cette baisse pourrait n’avoir lieu qu’en deuxième partie d’année lorsque l’incertitude liée aux résultats des élections aura disparu.

Concernant les dépenses d’investissement en logement des ménages, une baisse semble assez vraisemblable en 2012 guidée par plusieurs facteurs. Les banques vont rester frileuses et probablement maintenir leurs marges de taux sur les crédits à un niveau assez élevé. Ainsi même si les taux de marché sont faibles, les taux d’emprunt bancaires le sont beaucoup moins, le taux pour les emprunts immobiliers accordés aux ménages ayant sensiblement augmenté (de 60pb) en 2011 pour atteindre 4% début 2012. Par ailleurs, les prix immobiliers, même s’ils ont commencé à se retourner, restent encore assez élevés1. Les dispositifs incitatifs (Scellier) vont disparaître rendant les investissements locatifs beaucoup moins attractifs. Au total, les crédits immobiliers accordés aux ménages continueront de ralentir (leur progression sur un an est passée d’un pic en mai 2011 de 9,7% à 6,6% en janvier 2012) et l’investissement logement des ménages pourrait légèrement baisser en 2012 (-0,5% après +2,6% en 2011).

Au total, les dépenses des ménages ne seront donc guère un soutien à la croissance française cette année. Cette dernière ne s’afficherait qu’à 0,4% en moyenne selon nos prévisions, essentiellement soutenue par la contribution du commerce extérieur (0,8pt), reflétant davantage la faiblesse des importations liée à celle de la demande intérieure que le dynamisme des exportations.

NOTE

  1. CF. Flash n°2012-199 « Immobilier France : la pier re va-t-elle dans le mur ?»

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