Yes we could

par Alexandra Estiot et Thibault Mercier, économistes chez BNP Paribas

Le traitement d’appoint apporté jusqu’alors à la crise européenne de la dette n’est plus suffisant. Ainsi, l’annonce d’un prêt européen à l’Etat espagnol pour recapitaliser les banques du pays, et la formation d’un gouvernement grec pro réformes, n’ont pas permis de calmer les tensions obligataires. A 10 ans, les taux espagnols atteignent des plus hauts historiques, suivis de près par les taux italiens.

Après la Grèce, l’Irlande et le Portugal (à eux trois 6% du PIB de la zone euro), ce sont désormais les quatrième et troisième économies de la zone euro qui sont dans la tourmente. En jeu, ce ne sont pas seulement les difficultés économiques et financières propres à ces pays : les marchés sanctionnent le manque de cohésion politique et budgétaire de la zone euro qui, prise dans son ensemble, affiche pourtant une véritable solidité financière : le déficit public de la zone euro devrait se limiter à 3,2% du PIB fin 2012 et le compte courant est excédentaire.

Faute de véritable gouvernance, la zone euro donne l’impression de naviguer à vue. La stratégie, uniquement axée sur la réduction des déficits se heurte à la récession qu’elle engendre. En 2011, la Grèce a engagé des efforts de consolidation budgétaire estimés à 3,3 points de PIB pour un ajustement budgétaire réalisé de seulement 1,2 points de PIB. Jusqu’ici cantonné aux pays en cure d’assainissement budgétaire, le recul de l’activité s’étend à l’ensemble des pays de la zone euro. L’indice PMI a fortement baissé en Allemagne, tombant à 48,5 en juin, soit son niveau le plus bas depuis la sortie de récession. L’industrie manufacturière a été particulièrement touchée, signe que l’économie allemande subit les conséquences de la récession dans le Sud de l’Europe, en sus des ralentissements chinois et américain.

Dans ces conditions, le Sommet européen des 28 et 29 juin apparaît crucial pour l’avenir de la zone euro. Les chefs d’Etat et de gouvernement devront proposer un projet crédible, à même de pallier les déficiences de la construction économique européenne. Face aux menaces que constituent les difficultés de financement des Etats espagnol et italien, les questions du renforcement des pare-feu européens (via l’octroi d’une licence bancaire au MES) et/ou d’une mutualisation partielle des émissions de dettes souveraine (Redemption Fund, Eurobill) sont incontournables. A 920 milliards d’euros, les besoins de financements cumulés des Etats espagnol et italien à horizon 2014 dépassent largement la capacité résiduelle de prêt des fonds de soutien européens FESF et MES1. Ce sous calibrage entretient les tensions obligataires sur ces pays. L’autre grande question du Sommet sera la mise en place d’une union bancaire qui permettrait, entre autre, la recapitalisation directe des établissements financiers par les fonds de secours européens. Les cas espagnols et irlandais ont montré qu’une recapitalisation au niveau national ne permettait pas d’endiguer la contagion entre risque bancaire et risque souverain et accroissait, au contraire, la défiance des investisseurs.

Les débats autour de l’austérité, de la croissance et de la mutualisation des dettes constitueront probablement les lignes de clivages du Sommet. Deux visions semblent se dégager : l’une, plutôt d’inspiration allemande, conçoit l’intégration budgétaire et la mise en place d’Eurobond comme l’aboutissement du processus de réduction des déficits publics et de flexibilisation des économies ; l’autre plutôt d’inspiration française, met l’accent sur la nécessité d’assurer le financement à moindre coût des Etats européens et de relancer la croissance à court terme afin de rendre possible la réduction des déficits publics.

Le Sommet, espérons le, permettra aux leaders européens de surmonter leurs divergences et de promouvoir des politiques économiques favorisant la résorption des disparités intra-zone. Enfin, la définition d’un cadre institutionnel clair et stable augmenterait considérablement les marges de manœuvre des autorités européennes, aussi bien en termes budgétaires que monétaires. C’est une autre des grandes leçons de la crise. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis, dont les finances publiques sont bien plus dégradées que celles de la zone euro prise dans son ensemble empruntent à des taux beaucoup plus faibles. Il est vrai que personne ne redoute la sortie du Nevada des Etats-Unis d’Amérique, et que la BoE et la Fed sont moins orthodoxes que la BCE lorsqu’il s’agit d’assouplir les conditions de financement de leur Etat comme de leurs entreprises.

NOTES

  1. Cette dernière est estimée à 400 milliards d’euros une fois pris en compte un prêt potentiel de 100 milliards d’euros à l’Etat espagnol pour la racpaitalisation des banques du pays. 

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas