Zone euro : (faux) rebond de la croissance en 2010

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

Conformément à nos prévisions, la croissance pour l’ensemble de la zone euro est ressortie à +0,3% T/T (+2% en GA) au dernier trimestre 2010. Le rythme de croissance demeure donc stable comparativement aux chiffres enregistrés il y a trois mois. En moyenne annuelle, le PIB de la zone euro ressort en progression de 1,7% en 2010, en net rebond après la récession historique de 2009 (-4%) et sensiblement au-dessus des prévisions du début d’année (1,3% selon le Consensus de janvier). Dans le même temps, les écarts de performance entre les principaux pays se réduisent à nouveau : +0,1% en Italie, +0,2% en Espagne, +0,3% en France et +0,4% en Allemagne.

Néanmoins, ce rapprochement ponctuel des rythmes de croissance ne doit pas masquer les différences structurelles qui persistent : la croissance allemande a par exemple atteint 3,5% en 2010, avec un taux de chômage en baisse de 0,7 point sur l’année, à 6,7% en novembre selon la définition Eurostat, tandis que l’Espagne affiche une seconde année consécutive de recul de son PIB (-0,2%) et un taux de chômage supérieur à 20%, en augmentation d’un point et demi sur 2010. En outre, l’économie grecque continue de se contracter significativement (-1,4% T/T) et le Portugal retombe en récession (-0,3% T/T). Il convient donc de rester prudent.

En effet, avec notamment la disparition des soutiens temporaires (primes à la casse) et techniques (reconstitution des stocks, qui devrait avoir apporté plus d’un point de croissance en 2010), les perspectives 2011 sont moins flatteuses : malgré un acquis de croissance de 0,7 point de PIB1 à fin 2010, celle-ci devrait avoisiner 1,2%.

Quelles sont les perspectives à moyen terme ? Compte tenu d’un marché du travail encore durablement dégradé, d’une faible progression des salaires nominaux, d’une inflation temporairement en hausse qui ponctionne le pouvoir d’achat et pourrait entamer la confiance des consommateurs, de l’absence d’une reprise franche du crédit, la consommation des ménages demeurera atone au cours des prochains trimestres.

Du côté des entreprises, les faibles perspectives de débouchés, les taux d’utilisation des capacités de production qui demeurent en deçà de leur moyenne de long terme (sauf en Allemagne), plaident pour une reprise modérée de l’investissement productif, malgré un partage favorable de la valeur ajoutée.

Quant au soutien des exportations, il devrait continuer de s’affaiblir à moyen terme en raison du ralentissement de l’activité déjà perceptible dans différentes zones géographiques (en particulier chez certains pays émergents) et, en conséquence, du moindre dynamisme du commerce mondial (+5,5% attendu en 2011 contre +12% en 2010). Toutefois, dans la mesure où le recul des importations serait encore plus marqué, compte tenu d’une demande domestique atone, la contribution nette du commerce extérieur pourrait être globalement positive sur l’année 2011, de l’ordre de 0,3 point de PIB.

Enfin, comme suggéré précédemment, le cycle de reconstitution des stocks devrait au moins s’affaiblir, sinon se terminer en 2011, avec une contribution sur l’année qui pourrait n’être que de 0,2 point, contre plus d’un point l’an passé.

Surtout, d’autres facteurs de risque importants pèsent sur les perspectives d’activité en zone euro :

  • l’évolution de la crise des dettes souveraines – si les responsables européens semblent certes prendre la mesure des enjeux de la situation, le temps politique est définitivement plus long que le temps des marchés ;
  • la situation des banques – les résultats des stress tests dévoilés en juillet constitueront une étape décisive dans la sortie de crise ;

La poussée inflationniste, liée essentiellement aux prix des matières premières, dont l’impact récessif pourrait être plus fort que prévu – sans compter une éventuelle réponse de la BCE via une hausse des taux directeurs (très improbable cependant selon nous) qui compromettrait encore davantage une reprise déjà bien fragile.

  1. Soit la performance annuelle qui serait obtenue avec une progression nulle à chaque trimestre en 2011.

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