Zone euro : la fin des grands écarts

par Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas

On sait que le resserrement des « spreads » en zone euro doit beaucoup à la Banque centrale européenne (BCE), et notamment à l’annonce par son président M. Draghi d’un programme d’opérations monétaires sur titres (OMT), destiné à faciliter le financement des Etats. Mais l’amélioration tient aussi à l’ajustement extérieur spectaculaire réalisé par la plupart des pays dits « périphériques » (Italie, Espagne, Portugal, Irlande).

Pour qui admet que la persistance de déséquilibres de balances des paiements pose problème dans une union monétaire qui n’est pas une union de transferts, alors l’actuelle convergence des soldes courants en son sein témoigne d’un recul progressif mais fondamental du risque d’éclatement.

La correction des déficits courants vient en partie de la consolidation budgétaire. Directement, car l’Etat, en réduisant ses besoins de financements, réduit ceux de l’économie toute entière. Indirectement, car l’augmentation de la pression fiscale s’accompagne d’une hausse du taux d’épargne des ménages, notamment lorsqu’elle intervient en phase de récession1. De leur côté, les entreprises, confrontées à de faibles perspectives de demande et une offre de crédit restreinte, diminuent leurs investissements. En d’autres termes, le resserrement budgétaire s’accompagne d’une chute de la demande intérieure, donc des importations.

Néanmoins, l’analyse des balances commerciales des pays du sud de l’Europe montre que, dans une large mesure, l’ajustement extérieur provient de la hausse des exportations. Entre octobre 2011 et octobre 2012, le déficit commercial agrégé de l’Espagne et du Portugal s’est replié de EUR 15,7 mds dont EUR 9,6 mds provenaient d’une hausse des exportations. Seule la Grèce, où la profondeur de la récession est sans commune mesure, fait exception. Dans son cas, les nombreuses faillites d’entreprises ont considérablement réduit la base d’exportation. Le déficit commercial a reculé de EUR 5,8 mds en un an mais les ventes de biens à l’étranger n’ont crû que de EUR 1,2 md.

Le redressement des comptes externes est largement le fruit des efforts engagés par les pays périphériques pour regagner en compétitivité. En moyenne, on estime que les coûts unitaires du travail dans le sud de l’Europe étaient fin 2012 inférieurs de 9% à leur niveau de 2008. Outre la dévaluation interne induite par l’austérité et la hausse du chômage, des réformes concernant les marchés du travail, des biens et des services ont également profité aux exportations. Celles-ci sont désormais supérieures de 11,7% à leur plus haut niveau (en volume) d’avant la crise en Espagne, 7,1% en Irlande et 5,3% au Portugal. L’amélioration est donc structurelle et s’inscrit dans un mouvement plus vaste de réallocation des moyens de production des activités protégées (immobilier par exemple) vers les secteurs exportateurs.

Ces performances sont d’autant plus remarquables qu’elles interviennent dans un contexte de récession en zone euro, le principal marché à l’exportation des pays du Sud. Leurs entreprises ont gagné des parts de marché au sein de l’UEM, ce qui a non seulement permis d’amortir la baisse de la demande adressée mais surtout de résorber les déséquilibres courants intra-zone. Avec le retour graduel de la mobilité des capitaux privés, les positions Target 2 ont commencé à refluer. L’annonce de l’OMT joue un grand rôle dans le retour des investissements de portefeuille sur les segments de dettes périphériques. Les importants gains de compétitivité réalisés dans ces pays jouent aussi le leur dans le retour des investissements directs étrangers (IDE). Au Portugal, les flux entrants atteignent près de 8% du PIB, plus haut niveau jamais enregistré (cf. graphique). Ces derniers sont précieux car, en plus de fournir un financement stable des déficits extérieurs, ils sont souvent créateurs d’emplois et porteurs d’innovation. Pour les pays du Sud, spécialisés dans la production de biens à faible valeur ajoutée, ces investissements sont essentiels pour monter en gamme et consolider les gains de compétitivité.

L’ajustement des balances courantes est une étape essentielle de la résolution de la crise de la dette en zone euro. Il est le miroir du désendettement opéré dans la périphérie mais aussi de la réduction des écarts de compétitivité, tous deux préalables à une plus grande mutualisation des risques en zone euro.

NOTE

  1.  Voir Anja Baum, Marcos Poplawski-Ribeiro, Anke Weber, “Fiscal Multipliers and the State of the Economy”, IMF Working Paper,décembre 2012.

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