Zone Euro : l’hétérogénéité des situations et la faiblesse du redémarrage

par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis

Comme souvent, la zone euro présente en son sein de fortes hétérogénéités. En cette période de (fragile) sortie de crise, trois grandes catégories de pays peuvent ainsi être identifiées :
• les pays qui ont subi la crise de plein fouet et tardent à afficher de réels progrès (Espagne, Finlande, Irlande) ;
• les pays qui ont subi la crise de plein fouet mais qui vont mieux depuis quelques mois (Allemagne, Portugal) ;
• les pays qui ont (relativement) bien résisté à la crise mais dont le redressement n’est soit pas entamé (Grèce), soit reste pour l’heure limité (France).

Dans ces circonstances, le cadre institutionnel européen, basé sur une politique monétaire unique et des politiques budgétaires nationales peu harmonisées, présente de réelles faiblesses. Ce constat était pertinent avant la crise, il l’est encore plus désormais. Ainsi, au cours des dernières semaines, l’exemple de la Grèce a montré que, une fois de plus, la zone euro dans son ensemble « souffrait » quand un de ses membres était en difficulté. En effet, une nouvelle fois, à cette occasion, les marchés financiers et les médias ont évoqué l’hypothèse d’un éclatement de la zone euro.

Cette hypothèse n’apparaît toutefois pas pertinente. En effet, quel intérêt un pays comme la Grèce aurait-il à quitter la zone euro ? Ses difficultés de financement seraient bien plus importantes en dehors de l’Union monétaire qu’à l’intérieur. En outre, même les pays du « cœur de la zone euro » (Allemagne, France, Pays-Bas…) n’auraient aucun intérêt à voir un pays quitter la zone, tant pour des raisons monétaires (crédibilité de la monnaie), qu’économiques ou commerciales (déséquilibres liés à la perte de valeur de la monnaie du pays quittant la zone).

Pour éviter qu’un scénario catastrophe1 ne se développe, il semble important de remettre en cause sérieusement la clause de « no bail-out » qui, dans les traités européens (article 103), interdit la solidarité fiscale entre Etats. A la place, une sorte de solidarité budgétaire pourrait permettre d’éviter le genre d’attaques telles que celles subies par la Grèce, attaques qui sont préjudiciables à l’ensemble de la zone. Ce mécanisme de solidarité pourrait prendre différentes formes2 :

  • Rachat de la dette publique d’un pays en difficulté par les autorités européennes (BCE, BEI, Union…) ;
  • Émissions jointes de plusieurs Trésors de la zone euro ;
  • Emissions de l’Union européenne ;
  • Mises en commun de certaines ressources fiscales ou de certains transferts sociaux.

Malheureusement, cette évolution pourrait prendre du temps avant d’intervenir. Or l’évolution des finances publiques au cours des mois à venir ne devrait pas rassurer les marchés. En effet, aucun Etat de la zone euro (mais c’est vrai également pour la plupart des économies « développées ») ne va enregistrer de baisse significative de son déficit en 2010. Le retournement conjoncturel qui devrait intervenir à partir du printemps 2010 va en effet priver les finances publiques de ressources dynamiques.

La remontée de l’inflation qui a déjà commencé à s’observer en zone euro et qui devrait se poursuivre au cours des prochains mois (de – 0,7 % en juillet 2009 à plus de 1 % en début d’année 2010), conjuguée à la hausse probable du chômage qui dépasse désormais les 10 % (7,1 % au plus bas en mars 2008), va désormais pénaliser le pouvoir d’achat des ménages. De plus, la fin du mouvement de restockage (qui a contribué positivement à la croissance de la zone euro au troisième trimestre) et, plus généralement, les faibles perspectives d’investissement productif vont peser sur l’activité des entreprises. Au total, le PIB de la zone euro devrait donc ralentir nettement à partir du deuxième trimestre, limitant ainsi la croissance moyenne de la zone à seulement 0,5 % en 2010. En outre, certains pays, comme l’Espagne par exemple, pourraient continuer à enregistrer une croissance négative (respectivement – 0,8 % et – 0,1 % en moyenne selon nous).

NOTES

1 Les investisseurs pourraient refuser, par exemple, d’acheter la dette publique des Etats fragilisés, pour se concentrer sur la seule dette des Etats du « cœur de la zone euro ».
2 Cf. Artus P. (2009), « La crise budgétaire de la zone euro : l’occasion de changer l’organisation institutionnelle ? », Flash n°552, Natixis.

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