A haut débit

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) du 6 octobre 2011 était le dernier présidé par M. J.C. Trichet. S’il n’a pas décidé de baisser les taux d’intérêt, il aura néanmoins beaucoup fait pour apaiser les tensions du marché monétaire.

D’une part, deux opérations de refinancement à long terme (LTRO), à 12 et 13 mois respectivement, seront menées, l’une en octobre, l’autre en décembre, à taux fixe et sans limite de montants. Une telle décision n’avait pas été prise depuis décembre 2009. Par ailleurs, les opérations principales de refinancement (MRO), à une semaine, et les opérations de refinancement long terme (LTRO), allant jusqu'à trois mois, seront prolongées jusqu’en juin 2012, à taux fixe et sans limite de montants.

D’autre part, la BCE a annoncé une relance du programme de rachat de covered bonds (ou obligations sécurisées par des crédits hypothécaires ou des créances au secteur public) pour un montant de 40 milliards. Il débutera en novembre 2011 et s’achèvera en octobre 2012. La Banque centrale avait conduit un programme similaire entre juillet 2009 et juin 2010 qui se montait à 60 milliards. Certes, le montant paraît faible, ne représentant que 0,4% du PIB de la zone euro, à comparer au relèvement du plafond du programme d’achats de titres de GBP 75 milliards annoncé par la BoE le même jour (équivalant à 5% du PIB du Royaume-Uni, voir infra). Il vient cependant s’ajouter aux 156 milliards d’euros (en date du 26 septembre) du Programme pour le marché de titres (SMP), en vertu duquel la BCE rachète des titres de dette souveraine sur le marché secondaire. Au cours de la conférence de presse qui a suivi, Jean-Claude Trichet s’est dit inquiet des perspectives de croissance de la zone euro et des risques baissiers associés, alors que les pressions inflationnistes devraient nettement se tasser en 2012.

Dans ces conditions, et étant donné qu’une telle option a déjà été discutée au cours de la réunion du 6 octobre, nous continuons d’anticiper une baisse des taux directeurs en décembre à l’occasion de la publication des projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de la BCE. Ces dernières seront certainement révisées à la baisse. En particulier, les prévisions d’inflation pourraient passer sous l’objectif de stabilité des prix de la BCE1 en 2013, constituant ainsi un argument de plus en faveur d’une baisse des taux.

La Banque d’Angleterre n’a pas attendu la publication de son prochain rapport sur l’Inflation en novembre et la révision de ses prévisions de croissance2 et de prix pour agir. Elle a annoncé, à l’issue de sa réunion du 6 octobre, le relèvement de son plafond d’achats de titres de GBP75 milliards à GBP275 milliards et le maintien du Bank Rate à 0,50%. Dans son communiqué, elle a indiqué que la croissance mondiale a ralenti, en particulier chez ses principaux partenaires commerciaux et qu’au delà des facteurs temporaires ayant pesé sur l’activité du pays (jours fériés accordés pour le week-end de Pâques et le mariage princier) les données récentes suggèrent aussi une modération de la croissance sous-jacente.

A cet égard, la troisième révision du PIB du deuxième trimestre montre que l’activité a nettement freiné au premier semestre. Au T2 2011, le PIB a quasiment stagné (+0,1% t/t contre +0,2% selon l’estimation précédente, après 0,4% au T1). En particulier, la consommation des ménages s’est effondrée au T2 2011 (-0,8% t/t après -0,6% au T1), ôtant 0,5 pp à la croissance du PIB, tandis que les exportations nettes en enlevaient 0,3pp.

La Banque d’Angleterre souligne, par ailleurs, que la contraction du revenu disponible des ménages et les efforts de consolidation budgétaire devraient continuer de peser sur la demande interne, tandis que les tensions sur les marchés interbancaires pourraient limiter l’octroi de crédit aux entreprises et aux ménages. Les enquêtes récentes, comme le PMI composite à 52,7 en moyenne au T3 après 53,8 au T2, suggèrent même que l’activité a été plus faible encore au troisième trimestre. Enfin, en ce qui concerne l’inflation, la Banque d’Angleterre anticipe son recul marqué en 2012, sous l’effet conjugué de la dissipation des facteurs haussiers temporaires (hausse de la TVA et des prix des matières premières), et de la persistance du chômage et des capacités excédentaires qui pèsera sur les prix.

  1. L’objectif de stabilité des prix correspond à un niveau d’inflation Inférieur mais proche de 2% à moyen terme.
  2. La publication du Blue Book 2011, mercredi 5 octobre avec la troisième révision du PIB du second trimestre, a confirmé les observations faites par la Banque d’Angleterre selon laquelle la reprise avait été plus marquée que précédemment estimé. En effet, la révision des séries historiques du PIB a entraîné la modification du profil du cycle économique précédent. La contraction du PIB en 2008 a été plus forte (-1,1% vs. -0,1%) tandis qu’en 2009 elle a été moins importante (-4,3% vs. -4,9%). En outre, le pays est sorti de la crise dès le T3 2009. Enfin, la croissance s’est redressée de manière plus marquée en 2010 (+1,8% contre +1,4% en première estimation).

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