par Arnout van Rijn, CIO de Robeco Asia
Les banquiers d’investissement ont laissé échapper un énorme soupir de soulagement à la mi-juillet, suite à la cotation réussie d'Agricultural Bank of China (AgBank) sur les marchés offshores et onshores de la Chine. Les banquiers ont bien mérité leurs vacances car il a fallu fournir une somme de travail énorme pour que cet événement ait lieu. Un tel consortium de banques d’investissement n’avait jamais été réuni auparavant. Même si cette cotation ne représente que 15 % de la banque, cette opération de plus 22,1 milliards de dollars US peut toutefois être considérée comme un méga deal. Ceci fait d’elle l’introduction en bourse (IPO) la plus importante au monde, dépassant même celle de 21,9 milliards de dollars US d’Industrial & Commercial Bank of China réalisée en 2006. La Chine : le pays où tout est grand.
Certains chiffres sont époustouflants : AgBank n’est « que » la troisième plus grande banque de la Chine mais ses actifs s’élèvent à 1000 milliards d’euros, soit environ 40 % du PIB de l’Allemagne. La banque, qui s'adresse à la population agricole chinoise, est de loin la plus importante pour ce qui est du nombre d’agences (24 000) et de clients (320 millions).
AgBank a dû lutter contre une mauvaise réputation Pourquoi l’IPO a-t-elle été une opération si délicate ? Parmi les quatre plus grandes banques détenues par l’État, AgBank a été la dernière à être cotée. De par son ampleur, sa présence dans les endroits les plus reculés de la Chine et son manque de systèmes de contrôle du risque, elle était la banque au bilan le plus faible et elle a connu les pires problèmes concernant les prêts à risque.
Le gouvernement a mis longtemps à la restructurer (2008 et 2009), en supprimant la plupart des prêts à risque de son bilan et en s’assurant que la société devienne viable d'un point de vue commercial. Malgré cela, elle porte encore les séquelles de son histoire et sa réputation demeure relativement mauvaise.
Les banquiers d’AgBank ont donc dû lutter contre le sentiment négatif des investisseurs chinois. Le marché local des actions a atteint son plus haut pendant l’été 2009 pour ensuite enregistrer un repli de 25 %, lorsque les autorités ont décidé de rendre l’argent moins abondant.
De grands investisseurs jouent un rôle clé dans le succès de l’opération 11 grands investisseurs* apportés par les banques d’investissement ont exprimé leur confiance en l’avenir d’AgBank. Ce fut la clé du succès de l’opération. Des fonds souverains, des banques et quelques magnats se sont ainsi engagés pour une grande part. Cette approbation a grandement facilité la tâche des commerciaux en charge de convaincre d’autres investisseurs.
Il y a en effet de bonnes raisons d’être optimiste concernant les perspectives d’AgBank. En tant que banque de détail disposant d’une base de clientèle inégalée, elle devrait profiter significativement de la croissance de la consommation en Chine. En outre, cette banque détient déjà le record du nombre de cartes de crédit en circulation. Par ailleurs, le fait d’avoir autant de petits épargnants signifie qu’elle dispose d’un avantage de financement par rapport à ses concurrents.
Dans un pays où aussi bien les taux de dépôt que de prêt sont fixes, une licence bancaire représente, en fait, une licence pour imprimer de l'argent, tant que les forts volumes de prêts à risque sont évités. C’est sur ce point qu’AgBank devra encore faire ses preuves. Toutefois, de manière générale, un portefeuille diversifié de prêts hypothécaires à financement prudent destinés à des particuliers est moins risqué que les prêts destinés à de grandes sociétés.
La cotation d’AgBank a très bien démarré. Trois semaines après, le titre s'échangeait à près de 10 % au-dessus de son cours d'émission. Si ce résultat est en ligne avec la performance du marché, il est toutefois clair que le succès de la cotation d'AgBank a été perçu comme un énorme soulagement pour l’ensemble du marché actions. Le jour où il a été clair que l’opération aurait lieu, le sentiment s’est amélioré ce qui a stimulé le marché.
NOTES
Rabobank, société mère du Groupe Robeco, est un investisseur majeur dans Agricultural Bank of China. Les fonds gérés par l’auteur ne détiennent pas d’actions dans AgBank. Arnout van Rijn n'est pas de détenteur de cette action à titre personnel.