France : la baisse du taux de chômage, une tendance durable ?

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

  • D’après l'INSEE, le taux de chômage a diminué de 0,2 point de pourcentage au T2 2010, à 9,3% en France métropolitaine.
  • Au T2, et plus généralement depuis un an, la participation au marché du travail (taux d'activité) a diminué, contribuant à limiter la progression du chômage.
  • Les données détaillées d'emploi publiées ce jeudi par l'INSEE confirment que la reprise des créations de postes n'est pas encore suffisante pour déboucher sur une tendance durable de diminution du taux de chômage

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

  • D’après l'INSEE, le taux de chômage a diminué de 0,2 point de pourcentage au T2 2010, à 9,3% en France métropolitaine.
  • Au T2, et plus généralement depuis un an, la participation au marché du travail (taux d'activité) a diminué, contribuant à limiter la progression du chômage.
  • Les données détaillées d'emploi publiées ce jeudi par l'INSEE confirment que la reprise des créations de postes n'est pas encore suffisante pour déboucher sur une tendance durable de diminution du taux de chômage
  • Alors que les enquêtes suggèrent que la croissance de l'activité a pu rester relativement dynamique cet été, elle devrait selon nous commencer à ralentir en fin d'année et aurait du mal à se maintenir, l'an prochain, au niveau atteint en 2010 (1,5%). Dès lors, une stabilisation du taux de chômage est plus probable dans les trimestres à venir.

 

L'INSEE a récemment annoncé que le taux de chômage avait diminué au T2 2010 de 0,2 point de pourcentage, après -0,1 pp au T1. Selon les données de l'enquête emploi, le taux de chômage s'établissait ainsi à 9,3% de la population active au printemps, après un plus haut à 9,6% fin 2009 en France métropolitaine. Le repli était identique compte tenu des départements d'outre-mer, à 9,7% au T2 2010 après 10% au T4 2009.

Bien qu'elle fasse suite à celle d'une croissance relativement vive de l'activité (avec un PIB en hausse de 0,6% t/t et 1,7% g.a. à la même période), cette annonce a surpris, notamment parce qu' Eurostat avait deux jours auparavant estimé que le taux de chômage français restait faiblement orienté à la hausse. En effet, l'office européen établi pour la France, comme pour les autres pays de la zone, des estimations mensuelles du taux de chômage sur la base des données d'inscriptions des demandeurs d'emploi à Pôle Emploi1. Selon ces estimations, le taux de chômage s'était stabilisé en France de janvier à mai 2010 à 9,9% de la population active sur l'ensemble du territoire (métropole et outre-mer), avant de se redresser, à 10% en juin et en juillet.

L'enquête de l'INSEE un peu moins favorable qu'il n'y paraît

En fait, une observation plus large des données issues de l'enquête Emploi explique ces écarts : selon l'INSEE, le taux d'emploi (rapport du nombre de personnes ayant un emploi à l'ensemble de la population en âge de travailler) est resté stable au T2, à 63,8% en France métropolitaine. Ceci implique que la baisse du chômage au T2 (-70K) s'est en fait accompagnée d'une baisse équivalente de la population active, et suggère que certaines personnes sans emploi ont pu être incitées à quitter ou à ne pas entrer sur le marché du travail par la difficulté de trouver un emploi. De ce fait, elles n'étaient plus comptabilisées comme chômeurs.

En fait, il est difficile d'attribuer entièrement et avec certitude ces variations du taux d'activité (rapport du nombre de personnes actives, chômeurs ou en emploi, à la population en âge de travailler) à aux seuls effets de flexion2, mais il est certain qu'après avoir assez nettement augmenté fin 2008 et début 2009 (+0,8 pp en un an au T2 2009), l'orientation récente à la baisse du taux d'activité (-0,4 pp au cours des quatre derniers trimestres) a clairement contribué à limiter la progression du taux de chômage depuis la mi- 20093.

Les créations de postes restent faibles au T2

Par ailleurs, l'INSEE a confirmé ce jeudi 9 septembre que la reprise des créations nettes de postes dans les secteurs principalement marchands amorcée au premier trimestre restait modérée et très localisée. L'augmentation de l'emploi salarié a ainsi atteint +0,2% t/t au T2 2010, soit 24 milliers (K) de postes, après +36K au T1.

Dans le secteur de la construction, où plus de 46 000 postes ont été détruits au cours de 2009, l'emploi a de nouveau diminué au T2 (-0,4% t/t) après s'être stabilisé en début d'année. En revanche, dans l'industrie, le repli des effectifs n'a été "que" de 0,5% t/t au T2, un rythme proche de celui auquel le secteur détruit continûment des postes depuis le début de la décennie4, et le plus faible depuis près de deux ans. Enfin, la progression des effectifs a légèrement fléchi au T2 dans le secteur tertiaire (+0,4% t/t, soit +47K après +61K au T1) et reste très dépendante du rebond de l'emploi intérimaire (+28K après +29K au T1).

Au final, la dynamique actuelle de reprise de l'emploi apparaît encore fragile, et son rythme insuffisant pour déclencher un processus durable de diminution du chômage. Alors que les enquêtes suggèrent que la croissance de l'activité a pu rester relativement dynamique cet été, elle devrait selon nous ralentir en fin d'année et surtout en 2011, compte tenu non seulement des mesures de consolidation budgétaires prises en France l'an prochain, mais également de l'impact sur le commerce extérieur de la modération de la croissance attendue dans les autres pays de la zone euro. Même en supposant un ralentissement relativement rapide des gains de productivité (+1,7% g.a. au T2 2010) vers leur tendance d'avant crise5, le faible rythme des créations de postes retrouvé cette année dans les secteurs marchands pourrait bien s'affaiblir au cours de 2011. En moyenne annuelle, sa progression atteindrait 0,2% l'an prochain, après 0,1% en 2010.

NOTES

  1. Les résultats publiés par l'INSEE sont pour leur part issus de l'exploitation des données de l'enquête Emploi, collectées chaque semaine auprès d'un échantillon de ménages.
  2. C'est le nom donné à l'impact que peut avoir la situation du marché du travail sur la taille de la population active. En période de haute conjoncture, la probablilité de trouver un emploi s'accroît ce qui incite certaines personnes à devenir actif et chercher un emploi, et inversement dans les phases basses du cycle.
  3. La prise en compte de ce phénomène et des résultats de l'enquête Emploi pourrait amener Eurostat à réviser à la baisse son estimation du taux de chômage en France lors de ses prochaines publications.
  4. -0,4% t/t soit -1,6% l'an en moyenne de 2001 à 2007.
  5. Il s'agit ici d'un indicateur rapportant le PIB à l'emploi salarié dans les seuls secteurs principalement marchands. De 2000 à 2007, sa progression annuelle moyenne a été de 0,9%.

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