Allemagne : rééquilibrage en cours

par Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole

  • Les indicateurs avancés du Crédit Agricole signalent une reprise toujours dynamique au 3e trimestre, malgré le récent ralentissement de la production et des exportations. Nous prévoyons une croissance du PIB de +0,6% t/t au T3, après +2,2 % t/t au T2.
  • La caractéristique-clé de la reprise actuelle est le rééquilibrage de l’activité en faveur de la demande domestique, i.e. l’investissement et la consommation privée.
  • Malgré l'incertitude liée aux exportations nettes et aux stocks, toujours très volatiles, les risques assortis à notre prévision sont marginalement haussiers.

 

La dynamique de croissance allemande ne semble pas perdre en « momentum », malgré le ralentissement largement attendu au second semestre 2010. La production industrielle et les exportations ont de nouveau progressé au T3, de 1,6% et 3,4% t/t respectivement en volume. Bien que plus modérés qu’au T2, ces rythmes de croissance restent compatibles avec une contribution positive du secteur industriel et du commerce international dans son ensemble. La production dans le secteur de la construction n’a subi qu’une baisse modeste de 0,1% t/t au T3 qui fait suite au processus de rattrapage observé au printemps.

Plus fondamentalement, les informations récentes confirment la contribution croissante des facteurs domestiques à l’activité, en lien avec des conditions monétaires et financières globalement très accommodantes et l’amélioration spectaculaire des conditions d’accès au marché du travail. Certes, les ventes de détail (hors automobiles) n’affichent qu’une faible hausse de 0,2% t/t au T3, mais la chute de 2,3% sur le seul mois de septembre a toutes les chances d’être soit révisée à la hausse, soit compensée par un fort rebond dans les mois à venir. Par ailleurs, les immatriculations de nouveaux véhicules ont rebondi de plus de 4% sur le trimestre et l’amélioration du moral des ménages suggère de nouvelles hausses de la demande privée sur fond de progression de l’emploi.

Les dépenses d’investissement des entreprises sont également attendues en hausse dans les trimestres à venir, en ligne avec les signaux envoyés par les enquêtes de confiance : le taux d’utilisation des capacités de production est proche de sa moyenne historique, les anticipations de nouvelles commandes restent élevées, et un grand nombre d’entreprises signalent des risques accrus de goulots d’étranglement sur les équipements et la main d’œuvre, au moins dans le secteur manufacturier.

D’une façon générale, les données d’enquêtes ont de nouveau surpris positivement au T3 depuis des niveaux élevés. L’indice IFO du climat des affaires a atteint un nouveau point haut, tiré par l’amélio- ration du jugement sur les conditions courantes. Les sous-composantes de l’IFO ont particulièrement progressé dans le secteur du commerce de détail (nouveau record) et le secteur des services (jusqu’au niveau antérieur à la crise), une évolution visible également dans les indices PMI. Enfin, la forte hausse du baromètre de l’emploi IFO au T3 est de bon augure pour le marché du travail, en particulier dans le secteur des biens d’équipement, mais aussi dans la construction et le commerce de détail. Le taux de chômage allemand a de nouveau baissé à 7,5%, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 1992.

Les indicateurs avancés du Crédit Agricole développés pour l’Allemagne affichent des performances moins robustes que pour d’autres pays comme la France, en lien notamment avec la volatilité plus élevée des données allemandes. Calibrés pour permettre d’optimiser les prévisions sur la dernière décennie, ces modèles ne s’écartent toutefois pas durablement de la croissance observée. L’indicateur basé sur les données d’activité suggère une croissance du PIB de 0,8 % t/t au 3e trimestre ; celui basé sur les données d’enquêtes signale une croissance plus élevée de 1,1 % t/t. Ces chiffres sont supérieurs aux prévisions de la Bundesbank (+0,5% aux T3 et T4), mais la forte volatilité du premier semestre doit être prise en compte dans la mesure où la croissance a plus de chance de ressortir en-deçà des prédictions du modèle au T3 après avoir largement dépassé ces mêmes prédictions au T2.

Notre prévision finale table sur une croissance du PIB de 0,6% au T3. L’essentiel du soutien à l’activité viendrait de la demande domestique : +0,2 point via la consommation des ménages et +0,4 point via l’investissement. Les exportations nettes devraient également contribuer positivement, mais à la marge, à la croissance, alors que les stocks resteraient neutres. Malgré l’incertitude liée à la forte volatilité de ces deux dernières composantes, nos indicateurs avancés signalent des risques haussiers par rapport à notre prévision.

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