Chine : empêcher la surchauffe et rééquilibrer l’économie

par Jean-Charles Sambor, stratégiste chez Amundi Asset Management

La croissance robuste de la Chine fait craindre une surchauffe et un atterrissage forcé. Même si la croissance a ralenti à 9,6% sur un an au T3 contre 10,3% au T2, elle demeure un peu plus rapide qu’attendu. Les ventes de détail ont progressé de 18,8% sur un an en septembre, signe de la bonne santé des dépenses des ménages. L’investissement a gagné 17,8% sur un an en septembre, tandis que la production industrielle accélérait de 13,3%. Dans l'ensemble, nous pensons toujours que les craintes d'atterrissage forcé de la Chine au second semestre sont exagérées. La croissance devrait rester soutenue au T4, et nous avons révisé notre prévision annuelle à 10% (contre 9,6%) en raison de la hausse plus rapide que prévu des investissements et des exportations nettes. Notre prévision pour 2011 reste inchangée à 8,5%.

En termes de commerce international, les analystes se sont penchés dernièrement sur le ralentissement de la croissance des exportations chinoises (25,1% sur un an en septembre contre 34,4% en août). Pourtant, une autre information importante est le ralentissement parallèle des importations (24,1% contre 35,2% en août). Au total, l'excédent commercial a rétréci pour atteindre un plus bas sur cinq mois à USD 16,9 Mds. Cette tendance devrait atténuer les risques de guerre des devises, étant donné que selon nous, les autorités devraient laisser le RMB s'apprécier d'ici la fin de l'année. Les réserves de change chinoises constituées au T3 ont représenté USD 194 Mds : fin septembre, elles ont atteint USD 2 650 Mds, soit une hausse sur un an de 16,5%. Sur la base d'une approche résiduelle (accumulation de réserves de change = capitaux spéculatifs + excédent commercial + IDE), il apparaît que les investissements spéculatifs ont totalisé USD 100 Mds au T3, un chiffre extrêmement élevé qui conduit certains analystes à penser que de plus en plus d'acteurs tablent sur la poursuite de l'appréciation du RMB. Toutefois, selon différents calculs, en excluant le revenu des investissements, les distorsions dues à la valorisation à la valeur de marché et l'impact négatif de la dépréciation du dollar, les flux de capitaux spéculatifs sont plus proches de USD 20 Mds au T3, ce qui nous semble beaucoup plus réaliste.

Empêcher la surchauffe et réduire les déséquilibres

Sur le marché immobilier, après Shenzhen et Xiamen, Shanghai a décidé de nouvelles mesures pour atténuer la spéculation. Les ménages ne pourront plus acquérir qu'une seule nouvelle résidence (comme à Pékin et Xiamen) et les promoteurs immobiliers devraient subir des pressions sur les flux de trésorerie avec la hausse de l'impôt sur les plus-values foncières (LAT) et des taux de paiement par anticipation. Le gouvernement n'a pas encore de projet immédiat de taxe sur les biens immobiliers, mais semble progressivement s'orienter dans cette voie.

La hausse de l'IPC s'est accélérée à 3,6% sur un an en septembre, en raison de la hausse des prix alimentaires (+4,7%). Même si les risques d'accélération brutale de l'inflation sont limités à court terme, la hausse des prix devrait se poursuivre graduellement, car les entreprises répercutent l'augmentation des prix des facteurs de production et des produits alimentaires. La Banque populaire de Chine (PBoC) vient de relever ses taux de prêt et de dépôt à un an de 25 points de base. Ce faisant, elle tente de réduire les risques inflationnistes et la flambée des prix immobiliers. De plus, les épargnants avaient demandé une augmentation des taux de dépôt, qui sont négatifs depuis quelque temps en termes réels. Nous n'attendons pas d'autre tour de vis cette année.

Les chiffres de l'immobilier et de la croissance des prêts confirment également la montée des tensions inflationnistes. Les prix immobiliers ont bondi de 9,1% sur un an en septembre, tandis que les ventes ont aussi accéléré. Les nouveaux crédits accordés en septembre ont représenté RMB 595,5 Mds, beaucoup qu’attendu. Compte tenu de la croissance des nouveaux prêts (+18% sur un an) et de la masse monétaire M2 (+19% sur un an), la PBoC a relevé de 50 pb et pour deux mois le ratio des réserves obligatoires de six grandes banques. Son principal objectif semble être la gestion de la liquidité. Le montant total des obligations de la PBoC arrivant à échéance en octobre dépasse les RMB 500 Mds, ce qui va renforcer les besoins de stérilisation. Outre l’émission d'autres titres à court terme, la PBoC peut procéder au relèvement des ratios de réserves obligatoires, qui permettent de geler instantanément la liquidité. Selon différentes estimations, la dernière hausse de ce ratio permettra de geler entre RMB 180 et 190 Mds au sein du système bancaire.

Il est possible que cette intervention renforce les investissements spéculatifs ; toutefois, cela ne devrait pas avoir encore d'impact sur les perspectives de la devise, dont l'évolution est dictée par les politiques chinoises. Nous pensons toujours que le RMB va s'apprécier progressivement pour atteindre 6,55/1 USD en fin d'année. Malgré les rumeurs de guerre des devises, nous pensons qu'il est peu probable qu'on assiste à un véritable conflit commercial ou à un phénomène de protectionnisme financier. Cependant, les tensions actuelles sur les devises risquent de persister et d'entraîner de mesures de contrôle du capital sur d'autres marchés émergents.

La semaine dernière, la Chine a conclu la session plénière de la 17ème réunion du Comité central avec la nomination de M. Xi Jinping au poste de Vice-président de la Commission militaire centrale. Il devrait en théorie succéder au Président Hu Jintao. Les grandes lignes du 12ème plan quinquennal (2011-2015) ont été approuvées. Sans surprise, le communiqué a mis l'accent sur l'importance de se doter d'un secteur énergétique moderne, d'une économie de l'information et d'un modèle ouvert sur le commerce maritime. Ce nouveau plan quinquennal devrait favoriser les sources d'énergie alternatives. Il devrait également être consacré à l'ajustement progressif de la structure de l'économie puisque la Chine tente depuis longtemps de réduire sa dépendance envers les investissements. De plus, les autorités ont répété leur intention de lutter davantage contre les inégalités de revenu et les disparités économiques entre les régions.