Autriche : vers une reprise graduelle

par Catherine Stephan, économiste chez BNP Paribas

L’économie autrichienne a été touchée de plein fouet par l’effondrement de la demande étrangère. Le PIB a reculé de 4,4% en g.a. au T2 2009, après -4,7% au T1.

La faiblesse des exportations et le bas niveau du taux d’utilisation des capacités de production ont dissuadé les entreprises d’investir.

La consommation des ménages est la principale composante de la demande à avoir résisté à l’effondrement de l’activité à partir de l’automne 2008 et à avoir pallié la faiblesse des exportations.

La forte implantation des banques autrichiennes dans les pays d’Europe centrale et orientale fragilise l’économie autrichienne. L’Etat fédéral a adopté diverses mesures afin de soutenir le secteur bancaire. 

L’économie autrichienne a été touchée de plein fouet par l’effondrement de la demande étrangère, notamment celle de l’Allemagne, son principal partenaire commercial. Le PIB autrichien a, ainsi, diminué de 0,4% t/t au T2 2009 (après -2,7% au T1 2009), un rythme de contraction supérieur à celui de la zone euro (-0,1% t/t après -2,5% t/t au T1 2009). L’économie autrichienne reste vulnérable, mais a les moyens pour affronter la crise actuelle. La consommation des ménages a pallié la faiblesse de la demande externe. De plus, les autorités publiques ont adopté des mesures de soutien du système bancaire, mis à mal par les liens noués avec les pays d’Europe centrale et orientale. Des signes d’amélioration de l’activité sont ainsi apparus et différentes enquêtes d’opinion réalisées auprès des entreprises et des ménages suggèrent que l’activité a atteint un point bas cyclique.

Des signes d’embellie mais l’activité reste faible

L’évolution récente de l’indicateur sur le sentiment économique, publié de la Commission européenne, témoigne d’une embellie des perspectives de croissance de l’économie autrichienne. En constante progression depuis mai 2009, il s’est établi à 80,1 en août 2009, en hausse de 14,3 points depuis avril, un point bas cyclique. Il avoisine, toutefois, toujours ses plus bas niveaux historiques et suggère que l’activité ne renouera que progressivement avec une croissance soutenue.

Le repli de la production industrielle (30% du PIB) a largement contribué à la contraction du PIB depuis la fin 2008, mais l’activité a légèrement augmenté en juin (+0,6% m/m), grâce à une progression dans les secteurs de la construction et des biens intermédiaires (respectivement +1,3% m/m et +1% m/m).

Cette hausse intervient, toutefois, après plusieurs mois consécutifs de baisse (-1,5% t/t au T1 2009). La production se situe, ainsi, à un niveau largement inférieur à celui de l’année dernière (-11,2% g.a.). 

Seul le secteur de la construction enregistre une progression de l’activité (+2,4% g.a. en juin).

La faiblesse des nouvelles commandes fait craindre, également, une évolution atone de l’activité au cours des prochains mois. Les commandes ont certes augmenté de 1,9% t/t au T2 2009, mais en baisse en mai (-1,9% m/m) et en juin (-2,7% m/m), elles restent inférieures de 30% à leur niveau de l’année dernière. Les entreprises ont, par ailleurs, peu ajusté leurs stocks à la baisse de la demande et elles les jugent encore trop étoffés. Ainsi si l’indice de l’enquête de la Commission européenne sur l’évolution des stocks est orienté à la baisse depuis mai 2009, il reste à un niveau élevé ; à 22,7 en avril, il s’établissait à 16,9 en août. Les entreprises continueront donc vraisemblablement à puiser dans leurs stocks pour satisfaire la demande.

La croissance pâtit de la faiblesse des exportations…

L’effondrement de la demande étrangère a fortement pesé sur la croissance autrichienne depuis la fin 2008. Le rythme de contraction des exportations s’est modéré au deuxième trimestre (-1,1% t/t), mais après des baisses de 5,6% t/t et 5,7% t/t, respectivement au T4 2008 et T1 2009. L’Autriche a, toutefois, mieux résisté à l’effondrement de la demande extérieure, que l’Allemagne, son principal partenaire commercial (30% de ses exportations totales de biens). Ainsi, au premier semestre 2009, les exportations étaient en baisse de 15,3% en glissement annuel contre 20,4% en Allemagne. L’économie allemande a, en effet, été fortement pénalisée par la baisse de la demande en biens intermédiaires et d’équipement des pays émergents d’Asie et de l’Europe centrale et orientale. En Autriche, les biens de consommation représentent près de 40% des produits exportés (contre 30% pour de biens d’équipement). En outre, près de la moitié des biens exportés sont destinés à la zone euro, où la baisse de l’inflation et diverses mesures budgétaires, ont atténué le repli de la consommation privée (-0.5% t/t au T1 2009, +0,2% au T2 2009). Ainsi, grâce notamment aux aides à l’achat de voitures neuves, les exportations de véhicules particuliers, en baisse de plus de 50% g.a. au deuxième trimestre, ont enregistré deux mois consécutifs de hausse (+4,5% m/m et 23,1% m/m, respectivement en mai et juin)1.

… qui nuit à l’investissement

La baisse des exportations et le niveau bas du taux d’utilisation des capacités de production dissuadent les entreprises d’investir. Selon l’enquête de la Commission européenne, le taux d’utilisation des capacités de production, orienté à la baisse depuis le printemps 2007, s’est fortement contracté à partir de l’automne 2008. A 82%, au T3 2008, il était estimé à 73,5% au T2 2009. L’investissement, orienté à la baisse depuis le T3 2008, s’est, ainsi, contracté de 1,8% t/t et 1,4% t/t, respectivement aux T1 2009 et T2 2009 (-0.5% en 2008).

La consommation des ménages a pallié la faiblesse de la demande externe

La consommation des ménages autrichiens (respectivement +0,1% t/t et +0,4% au T1 2009 et T2 2009) a faiblement contribué à la croissance en 2007 et en 2008 (respectivement de 0,5 et 0,3 point). Elle est, toutefois, la principale composante de la demande à avoir résisté à l’effondrement de l’activité à partir de l’automne 2008 et à avoir pallié la faiblesse des exportations. Selon l’enquête de la Commission européenne, l’indice de confiance des ménages est, par ailleurs, en constante progression depuis avril 2009 (à -7,4 en août après -23 en avril).

La chute des cours du pétrole, et le repli concomitant de l’inflation à partir de la fin 2008, ont soutenu le pouvoir d’achat des ménages.

L’inflation, de 3,2% en moyenne en 2008, était de -0,6% en juillet 2009, en raison principalement des effets de base sur les prix de l’énergie. La faiblesse du taux des capacités de production contribuera aux pressions baissières sur les prix. L’inflation sous-jacente était de 1,7% en juillet 2009 alors qu’elle était encore à 2,1% au deuxième trimestre, mais les effets de base vont toutefois progressivement s’estomper à partir de la fin de cet été, période à laquelle les prix du pétrole avaient atteint des sommets en 2008.

L’inflation devrait, donc, progresser au cours des prochains mois, pesant d’autant sur la consommation des ménages.

De même, le taux de chômage n’a que faiblement augmenté au regard de la dégradation de l’activité depuis la fin 2008. Selon la définition harmonisée européenne, le taux de chômage s’est établi à 4,4% en juillet, en hausse de 0,8 point par rapport à juin 2008, un point bas cyclique. Le nombre de chômeurs, malgré une hausse de près de 30% g.a. en août, a, ainsi, augmenté de 66K depuis juillet.

La bonne santé financière des entreprises, qui prévalait avant la crise (voir encadré), leur permet probablement de supporter temporairement une hausse de leurs coûts salariaux. Des aides leur ont, également, été octroyées afin de les inciter à conserver leurs salariés. Ce dispositif prévoit de garantir aux salariés, pendant 18 mois, jusqu’à 90% de leur salaire, malgré une réduction de leur temps de travail, et des offres de formation. Ainsi, le nombre d’heures travaillées a fortement diminué dans le secteur industriel (-9,5% g.a. au T2 2009) et l’emploi à temps partiel représentait 24,7% de l’emploi total au T1 2009 (19,5% pour la zone euro), soit 4 021K postes (après 22,6% en 2007 et 23,8% au T4 2008). Ce dispositif a permis d’atténuer la progression du chômage et aux entreprises de conserver une main d’œuvre qualifiée. Son expiration à la fin 2009 obligera, toutefois, probablement les entreprises à ajuster leurs effectifs à la baisse.

L’activité économique a atteint un point bas cyclique, mais le PIB, en baisse de 4,4% en variation annuelle au T2 2009, ne devrait renouer que progressivement avec une croissance soutenue.

Les salariés disposent, toutefois, d’une bonne couverture sociale en cas de perte d’emploi et les nouvelles aides et prestations octroyées par l’Etat pourront pallier, partiellement, les baisses de revenus, imputables à la progression du chômage en fin d’année et en 2010. L’Etat fédéral a, en effet, laissé s’exercer les stabilisateurs automatiques, lesquels ont soutenu les revenus des entreprises et des ménages. Il a, également, adopté plusieurs mesures discrétionnaires afin d’atténuer les effets de la forte baisse de l’activité sur la consommation. Divers dispositifs visent, ainsi, à soutenir le pouvoir d’achat des ménages (hausse des allocations familiales, suppression des droits universitaires, baisse de la TVA sur les médicaments, baisse de l’impôt sur le revenu en 2010 et en 2009). Les autorités ont également décidé, en février 2009, d’offrir une prime de 1 500 euros pour l’achat d’une voiture neuve, effectué entre avril et décembre 2009. Enfin, les ménages puiseront probablement dans leur épargne afin de maintenir certaines de leurs dépenses. Ils disposent, en effet, de marges de manœuvre ; le taux d’épargne, en hausse de 2,2 points depuis 2006, s’établissait à 13% en 2008.

L’Autriche a noué des liens étroits en Europe centrale et orientale…

Les échanges commerciaux avec certains pays d’Europe centrale et orientale et les Etats baltes2 se sont fortement développés au cours de ces dernières années. L’Autriche a ainsi pu profiter de la forte expansion de ces pays. Les exportations de biens à destination de ces pays représentaient près de 16% des exportations totales sur les six premiers mois de 2009, en hausse de 5 points par rapport à 1995. L’Autriche a, par ailleurs, noué des liens étroits avec ces pays en y investissant massivement. La contribution de ces pays au stock total d’investissements directs de l’Autriche a augmenté de 5,6 points entre 1997 et 2006 (à 33,5%). L’Autriche est particulièrement présente en Hongrie (7,1% du total du stock de ses IDE en 2006), en République tchèque (7,8% du total en 2006) et en Roumanie, dont la part dans les stocks d’IDE autrichiens est passée de 0,3% du total en 1997 à 5,9% en 2006. La présence de l’Autriche dans les économies baltes, plus fragiles, reste toutefois, marginale (0,2% du total des IDE en 2006), mais croissante en Ukraine (de 0,1% du total en 1997 à 3% en 2006).

… qui fragilisent son système bancaire

Les banques autrichiennes ont acquis un poids croissant dans l’économie. La part des actifs bancaires dans le PIB autrichien est, ainsi, passée de 228% en 1996 à 379% en 2008, un niveau légèrement à celui de la zone euro (345% du PIB en 2008). Les actifs étrangers y ont fortement contribué. Leur part dans le PIB est, en effet, passée de 51% en 1996 à 134% en 2008. Or, les créances des banques autrichiennes à l’égard des pays d’Europe centrale et orientale, représentaient près de 38% de leurs créances étrangères à la fin du premier trimestre 2009, contre 4,5% pour l’ensemble de l’Union européenne. Les établissements autrichiens se sont également fortement implantés dans ces pays, qui connaissent, actuellement, une sévère récession.

L’Etat fédéral a adopté diverses mesures afin de consolider le secteur bancaire. Un plan de stabilité financière a été adopté en octobre 2008. Il s’agit d’assurer un meilleur fonctionnement du marché interbancaire et d’instaurer un climat de confiance sur les marchés financiers. L’OeCAG (Österreichische Clearingbank AG), qui devrait être en place jusque la fin 2009, peut ainsi emprunter des fonds sur le marché interbancaire et les prêter aux banques ainsi qu’aux compagnies d’assurance, à un taux majoré de 50 points de base. Le gouvernement y a consacré un budget de 75 milliards d’euros (environ 27% du PIB).

Un budget de 15 milliards d’euros a été alloué (environ 5% du PIB) à la recapitalisation des institutions financières (banques et compagnies d’assurance); à la mi-mai, 5,6 milliards d’euros avaient déjà octroyés. Les dépôts bancaires des particuliers sont, par ailleurs, totalement garantis jusqu’à la fin 2009, ils le seront ensuite à hauteur de 100 000 euros. Les dépôts des PME le sont, également à hauteur de 50 000 euros. Un budget de 10 milliards d’euros (environ 4% du PIB) a été alloué aux garanties de dépôt.

NOTES

  1. Des groupes étrangers, notamment allemands, du secteur de l’automobile sont, en effet, implantés en Autriche (BMW, Chrysler, Opel…).
  2. Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Slovaquie.

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