BCE : vers de nouvelles baisses de taux

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Sans surprise, la BCE a de nouveau abaissé son taux refi de 25 pb à 1% en décembre, annulant totalement les deux hausses opérées en avril et en juillet dernier. Cette décision a été prise à la majorité mais n’a pas été unanime au sein du Conseil.

En réduisant à nouveau le refi, la BCE cherche à contrer les risques baissiers sur la croissance alors que les risques sur l’inflation sont considérés comme équilibrés. Les projections actualisées montrent en effet une révision en baisse de la croissance avec une fourchette de -0,4% à 1,0% pour 2012 et de 0,3% à 2,3% pour 2013, les milieux de fourchette correspondant peu ou prou à nos propres projections (0,3% en 2012 et 1,1% pour 2013).

Les prévisions d’inflation sont, quant à elles, légèrement revues à la hausse mais le milieu de fourchette se situe à 2% en 2012, un niveau acceptable pour la BCE et surtout à 1,5% pour 2013. En abaissant les taux, la BCE réduit évidemment le coût de la liquidité pour les banques mais elle permet également une réduction du coût du crédit pour les emprunts à taux variable indexés sur les taux courts. Or rappelons que les pays qui vont le plus mal sont ceux qui sont endettés le plus à taux variable.

Parallèlement à cette baisse de taux, la BCE étoffe sa boîte à outils, essayant d’atténuer la crise de liquidité qui sévit dans la zone euro :

  • Elle introduit deux opérations de refinancement de long terme (3 ans) avec allocation illimitée et possibilité d’en sortir au bout d’un an. Largement attendues, ces opérations vont permettre de réduire l’incertitude sur la liquidité à cet horizon pour les banques. La possibilité d’en sortir au bout d’un an leur donne de la souplesse. Par ailleurs, les intérêts ne seront payés qu’à la fin des opérations.
  • Elle va également plus loin en élargissant le collatéral accepté pour les opérations de refinancement, assouplissant ainsi les contraintes pour les banques qui se refinancent à la BCE.
  • Elle réduit le taux de réserves obligatoires des banques à 1% (vs 2% précédemment) de façon à libérer de la liquidité pour les banques.
  • Elle interrompt de façon temporaire ses opérations de « fine-tuning » qui visait, chaque fin de mois, à retirer de la liquidité du système ; cette mesure a également pour but de soutenir le marché monétaire en laissant plus de liquidité dans le système.

Au total, toutes ces mesures permettent aux banques de se financer moins cher, sur plus longue période, en utilisant du collatéral de moins bonne qualité, d’alléger les contraintes sur les réserves obligatoires et de laisser plus de liquidité dans le système. Pour autant, cela ne signifie pas que les banques vont être moins réticentes à se prêter entre elles… et cela ne règle pas la question de fond, celle de l’exposition des banques aux titres souverains qui restent sous tension.

Que peut encore faire la BCE qui reste dans le cadre de son mandat ?

Du côté de la politique monétaire conventionnelle, nous pensons que l’assouplissement monétaire va se poursuivre en début d’année, le taux refi atteignant 0,50% au cours du premier semestre 2012. En effet, les nouvelles macroéconomiques vont rester très dégradées dans les mois qui viennent et l’inflation va peu à peu refluer vers 2% laissant ainsi des marges de manœuvre à la banque centrale pour baisser davantage les taux. D’ailleurs, la BCE ne ferme pas la porte à de nouvelles baisses de taux : aucune des phrases habituellement utilisées pour suggérer un futur statu quo n’est prononcée (« les taux sont à un niveau approprié ; la politique monétaire reste accommodante ») mais comme à son habitude, la BCE ne s’engage jamais à l’avance sur ses décisions futures de politique monétaire (« never pre-commit »). Par ailleurs, elle qualifie de « substantiels » les risques qui pèsent sur la croissance.

Concernant la politique non conventionnelle, la BCE n’a probablement pas épuisé les possibilités : elle pourrait en particulier soulager davantage les banques en augmentant son programme d’achats d’obligations sécurisées (« covered bonds »).

Le problème est que toutes ces mesures ne suffiront pas à convaincre les investisseurs que la zone euro est enfin sauvée…Seule la disparition du risque de défaut sur les dettes souveraines pourrait ramener la confiance à court terme, l’engagement de la BCE à soutenir les dettes publiques étant un moyen d’y arriver.

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