Après le QE, quid de l’investissement ?

Mario Draghi a provoqué des réactions d’enthousiasme sur les marchés financiers et dans les milieux politiques en présentant les modalités du programme tant attendu d’assouplissement quantitatif. Cela suffira-t-il pour relancer l’activité dans la zone euro ? Ce n’est pas certain car l’investissement ne repart pas en raison d’un manque de confiance lié à l’absence de réformes structurelles dans certains pays, dont la France.
 
Le QE portera sur un total de 60 milliards d’euros de rachats d’actifs par mois, jusqu’à fin septembre 2016. Soit un total de 1.140 milliards d’euros, supérieur au montant attendu par les investisseurs, qui tablaient sur 1.000 milliards.
 
Le président de la Banque centrale européenne (BCE) a souligné que le programme serait en place « jusqu’à ce que nous voyions un ajustement durable » dans le domaine de l’inflation, qui risque d’être négative encore de longs mois en raison notamment de la baisse du prix du pétrole. L’institut d’émission a pour mandat de viser un taux d’inflation « inférieur mais proche de 2% » dans la zone euro.
 
Cela suppose que l’activité reparte. Or, cela n’en prend pas le chemin. Les économistes participant au consensus ZoneFinance/Globalix n’attendent en moyenne qu’une croissance de 1,1% cette année après 0,9% en 2014.
 
Pour Jean-Michel Six, Chef économiste Europe de Standard & Poor’s, si le premier trimestre peut être dopé par la baisse de l’euro et la chute du prix du pétrole, cela « ne doit pas faire oublier la persistance de vents contraires importants : niveau d’endettement, rééquilibrage précaire du modèle de croissance des pays de la périphérie ». 
 
Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis AM, estime qu’ « on peut être plutôt optimiste » car que le fort repli de l’euro est durable et la baisse du pétrole a un fort impact positif pour les pays consommateurs.
 
Pour autant, les spécialistes des marchés financiers soulignent que l’investissement demeure faible. Isabelle Job-Bazille, directeur des études économiques de Crédit Agricole, reconnaît que « l’investissement des entreprises a du mal à redémarrer pour des questions de manque de confiance et de visibilité ».
 
La décision de Mario Draghi de lancer un QE vise aussi à faciliter l’octroi de crédit, les entreprises européennes se finançant à hauteur de 70% auprès des banques. Mais, commeil  l’a dit, « il faut que les gouvernements et la Commission européenne agissent. La politique monétaire peut créer les bases pour la croissance, mais pour que la croissance s'affermisse il faut de l'investissement. »
 
La chancelière allemande Angela Merkel s’est montrée plus précise en insistant, lors de son passage au forum de Davos, sur la nécessité de mettre en œuvre une « politique de croissance et de l'investissement » qui passe par des réformes structurelles.
 
Car le vrai sujet est aujourd’hui celui de la demande de crédit. En dépit des taux d’intérêt historiquement bas, les entreprises, comme les ménages du reste, n’ont pas envie de s’endetter pour investir tant qu’il n’y a pas de visibilité sur la politique budgétaire et fiscale. Redoutant de nouvelles hausses d’impôts, tout le monde préfère épargner.
 
Les réformes structurelles doivent toucher deux sujets : la libéralisation du marché du travail et la réduction résolue des défenses publiques.
 
Deux grands pays de la zone euro n’y parviennent pas. En Italie, le président du conseil, Matteo Renzi, a lancé des programmes mais le système politique national le freine.
 
En France, François Hollande a longtemps nié l’ampleur de la crise avant de mettre en œuvre des mesures assez peu lisibles sur la compétitivité. Même si son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, juge qu’« il ne faut pas attendre la croissance comme on attend la mousson », le président de la République reste persuadé qu’une reprise mondiale lui permettra d’éviter des décisions impopulaires. En attendant, le déficit continue de déraper tout comme le montant de la dette publique, rendant chaque jour plus vraisemblable une hausse des impôts malgré les démentis réguliers.
 
Parier sur l’accélération de la croissance mondiale est hasardeux. Car si elle se redresse – +3,4% en 2015 après +3,1% en 2014 selon le consensus ZoneFinance/Globalix – elle n’a pas encore retrouvé son rythme d’avant la crise. Ceci s’explique aisément : le processus de désendettement des Etats n’est pas achevé et certains pays, en premier lieu la Chine, sont en train de revoir leur modèle en misant davantage sur la demande interne.
 
Conscient de cette situation, le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté un plan qui doit « libérer » au moins 315 milliards d'euros d'investissements publics et privés entre 2015 et 2017. Les détails ne sont pas encore connus mais des experts jugent déjà ce montant insuffisant.
 
Ce qui confirme que la vraie solution réside dans les réformes structurelles sans lesquelles le QE risque d’avoir un effet très limité.