Contrastes

par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas

La reprise mondiale se poursuit, mais de manière inégale, le cycle économique offrant des contrastes marqués entre régions, secteurs et agents économiques.

Les pays émergents mènent le bal, ce qui peut en partie s’expliquer par le fait qu’ils ont largement échappé à la crise de crédit qui a frappé les Etats-Unis et l’Europe. Cet écart de croissance en faveur des zones émergentes constitue un puissant facteur d’attraction des capitaux étrangers, ce qui pourrait alimenter bulles d’actifs et pressions inflationnistes. D’ailleurs, face à l’envolée des crédits en 2009 (9 550 milliards de yuans, soit 993 milliards d’euros de nouveaux crédits ont été accordés), les autorités chinoises viennent de prendre plusieurs mesures.

Elles ont augmenté de 0,5% le coefficient de réserves obligatoires pour les grandes banques, le portant à 16% et ont relevé le taux d’intérêt sur les bons du Trésor à un an. En outre, la production nouvelle de crédits sera limitée à 7500 milliards de yuans (777 milliards d’euros), soit une baisse de plus de 20%. Un resserrement monétaire (graduel) apparaît dès lors inévitable dans les prochains mois, sans d’ailleurs exclure d’autres mesures avant le début de l’été.

Au sein des pays développés, les Etats-Unis devraient avoir creusé l’écart avec la zone euro dès le quatrième trimestre 2009.

Le PIB américain a probablement progressé d’environ 4,5% en rythme trimestriel (publication vendredi 29). Certes, l’essentiel de cette bonne performance est très probablement venu de la réduction du déstockage, la demande finale restant faible. Seul un raffermissement de celle-ci autorisera une reprise durable. Or, les dernières données en matière d’activité ont été mitigées. En dépit de ces réserves, la comparaison avec la progression du PIB dans la zone euro attendue autour de 0,5% t/t, peut-être même moins (soit tout au plus égale à 2% en rythme trimestriel annualisé), sera sans appel. Ceci d’autant plus que la demande interne est également faible dans la zone euro, en dépit de la bonne résistance des ménages français. En outre, comment nous l’avons indiqué à maintes reprises, l’ajustement sur le marché du travail est beaucoup plus avancé aux Etats-Unis, où l’on peut attendre un retour (durable) des créations de postes dans les tout prochains mois.

La Réserve fédérale qui se réunit mardi et mercredi fait face à une situation en matière d’activité et d’inflation finalement très peu différente de ce qu’elle était à la mi-décembre, lors de sa précédente réunion. Dans ces conditions, l’indication que les taux directeurs vont rester à des niveaux « exceptionnellement bas » pendant une « période prolongée » sera encore très probablement présente dans le communiqué publié à l’issue de la réunion. En outre, les incertitudes qui pèsent encore sur les évolutions à venir d’un marché immobilier, qui semble bien incapable encore de se passer des béquilles monétaire et budgétaire, et plus généralement la fragilité de la reprise, pourraient inciter la Banque centrale à laisser la porte ouverte à de nouvelles mesures, très ciblées, de credit easing.

Tout autant que pour les dispositifs de soutien, la prudence doit prévaloir dans le retrait des mesures exceptionnelles d’octroi de liquidité mises en place par les Banques centrales. Néanmoins, au fur et à mesure que nous avancerons dans l’année, la diminution de la liquidité excédentaire sera un facteur de plus en plus déterminant de l’évolution des marchés. Ainsi, les rendements sur les titres d’Etat à 10 ans américains et allemands (ainsi que français) peuvent encore baisser légèrement dans les prochaines semaines dans un contexte de croissance modérée et d’absence de tensions inflationnistes. Les marchés obligataires devraient connaître des tensions à partir de la mi-2010, dès lors que les sorties des politiques monétaires non conventionnelles seront plus nettement engagées.

Le Programme de stabilité présenté par la Grèce n’a pas vraiment convaincu les marchés, qui attendent la mise en place effective des premières mesures de consolidation des finances publiques. Par ailleurs, si l’objectif fixé pour 2010 apparaît tout à fait réaliste avec un déficit public de 8,7% du PIB, les incertitudes sont plus fortes au-delà. En particulier, l’hypothèse de croissance retenue pour 2011 (1,5%) est tout particulièrement optimiste.

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