Croissance mondiale : de nouvelles cartes ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Si les projections de croissance mondiale sont restées globalement inchangées depuis le début de l’année avec l’idée de la persistance d’une croissance mondiale modeste et d’un rééquilibrage en faveur des économies développées, les perspectives régionales ont en revanche évolué au cours des derniers mois.

Déception du côté des Etats-Unis en début d’année 2015. Alors que l’économie américaine était présentée comme le moteur de la croissance mondiale, ses récentes performances remettent quelque peu en cause cette assertion. En effet, le news flow macroéconomique a été négatif depuis le début de l’année, la croissance du PIB a été stable au T1 et pourrait même être revue en négatif lors de la deuxième publication, les chiffres du commerce extérieur du mois de mars ayant été particulièrement mauvais.

Même s’il faut nuancer ce net ralentissement de l’économie américaine (cf L’économie américaine ralentit et après ?), la croissance devrait finalement être plus faible que les 3% anticipés, subissant les effets négatifs de la baisse du prix du pétrole (sur les secteurs liés à l’énergie) et l’appréciation du dollar. Il est très probable que l’on assiste à des révisions en baisse des prévisions de croissance. Toutefois, nous restons raisonnablement optimistes sur les perspectives américaines avec l’idée d’un retour vers la croissance potentielle en 2016 (proche de 2%). En outre, le ralentissement de la croissance ne nous semble pas incompatible avec un début de resserrement monétaire cette année.

Les nouvelles sur la Chine ont été également globalement décevantes au premier trimestre 2015 : la croissance chinoise semble ralentir plus que prévu et les risques financiers s’intensifient (notamment sur les collectivités locales). Les autorités monétaires ont commencé à ajuster leur politique avec deux baisses de taux d’intérêt et réduction du taux de réserves obligatoires. Elles devraient poursuivre cet assouplissement dans les mois qui viennent. Au-delà de la réduction des taux, la PBoC pourrait aider au financement des collectivités locales en mettant en place des facilités de liquidité pour les banques (type VLTRO) qui achèteraient des titres émis par les collectivités puis les refinanceraient auprès d’elle ou même en participant directement à leur financement via des achats fermes (type QE).

Les évolutions dans les autres grands pays émergents ont été contrastées avec une toujours une grande fragilité en Russie et au Brésil et en revanche des perspectives positives en Inde où la croissance devrait être forte cette année (effet pétrole). Toutefois, les nouvelles macroéconomiques moins négatives qu’attendues en Russie ont conduit à un allégement des tensions sur le change et à un desserrement de la politique monétaire (cf Russie : où va le rouble ?). Nous restons globalement prudents sur les perspectives des grands pays émergents.

Du côté des bonnes nouvelles, la croissance de la zone euro commence à se raffermir et les perspectives pour 2015 et 2016 sont revues à la hausse (pétrole, euro, taux). Tous les pays de la zone montrent des signes d’amélioration mais toujours avec une forte hétérogénéité, l’Espagne et l’Allemagne en tête, la France et l’Italie un peu plus à la traine.

L’inflation a progressé pour atteindre 0% en avril. Malgré l’optimisme qui souffle actuellement sur la zone euro conduisant à des révisions en hausse des prévisions de croissance par l’ensemble des instituts de conjoncture, la reprise nous semble fragile pour plusieurs raisons. La première est le risque grec. Les discussions semblent s’enliser et la situation de l’économie grecque se dégrade fortement rendant encore plus difficiles les négociations. Après un début d’amélioration en 2014, la croissance a commencé à ralentir fin 2014. Les rentrées fiscales sont en baisse et la situation budgétaire se détériore alors qu’un surplus primaire (hors charges de la dette) avait été atteint l’année dernière. Les banques subissent d’importants retraits de la part des ménages (-19Md€ sur les 4 derniers mois) et sont dépendantes de la liquidité octroyée par la banque centrale (ELA).

L’équation devient donc de plus en plus compliquée… La deuxième est l’incertitude qui porte encore sur la reprise du cycle d’investissement qui nécessitera une amélioration de la confiance des entreprises. La troisième est la persistance de problèmes structurels (endettement, faiblesse de la croissance potentielle). La quatrième est l’absence de réflexions visant à conduire vers davantage de fédéralisme. Ainsi, malgré l’amélioration des perspectives, il est beaucoup trop tôt pour envisager un changement de stratégie de la part de la BCE.

Au total, les évolutions récentes sur les marchés pourraient s’avérer de courte durée, avec une première hausse de taux par la Fed cette année, la poursuite du QE de la BCE et en corollaire vraisemblablement des taux européens et un euro à nouveau orientés à la baisse.

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