En bref

par Philippe d’Arvisenet, Chef économiste de BNP Paribas

Aux Etats-Unis, les craintes de double dip ont été repoussées. La croissance du troisième trimestre a été revue de 2,5 à 2%. La demande intérieure finale a progressé de 2,9%, au plus de haut depuis le deuxième trimestre 2010, tirée par un investissement en équipement particulièrement robuste (15,6%) et une consommation résistante (2,3%).

Le commerce extérieur a, lui aussi, joué favorablement avec une contribution à la croissance de 0,5 point. Cela tient, pour une part, à la dépréciation du dollar. En termes effectifs réels, il évolue dans une fourchette de 10-15% en deçà de sa moyenne de longue période (22% en dessous contre euro et 46% contre yen). En fait, c’est une contribution très négative des stocks qui a limité la croissance au troisième trimestre, mais c’est bien entendu là un facteur favorable pour l’activité dans les prochains mois.

De fait, les perspectives à court terme se sont redressées. C’est le message véhiculé par l’indice ISM manufacturier passé de 50,8 en octobre à 52,7 en novembre, avec une embellie particulièrement marquée pour les composantes production (56,6 après 50,1) et nouvelles commandes (56,7 après 52,4 et 49,6). L’écart entre les composantes commandes et stocks s’est élargi, ce qui est favorable aux perspectives d’activité à court terme. La confiance des ménages a fortement rebondi, l’indice du Conference Board passant de 40,9 en octobre à 56 en novembre.

L’amélioration tient tant aux jugements portant sur la situation présente (38,3 après 27,1) qu’aux anticipations (67,8 après 50). Cette évolution est largement liée à un jugement moins pessimiste des perspectives du marché du travail : le solde entre les réponses indiquant une abondance de travail et celle indiquant une difficulté à trouver du travail est revenu de -43,3 à -36,3. Les créations d’emplois ont atteint 120 000 en novembre et 430 000 au cours des trois derniers mois connus. Sur cette période, le taux de chômage est revenu de 9,1% à 8,6%.

Les perspectives de consolidation budgétaire présentent sans doute un risque moins élevé que ce que l’on pouvait craindre dans les derniers mois. Il n’est pas exclu que la réduction des cotisations sociales soit prolongée, de même que l’allongement de la durée d’indemnisation du chômage.

Les mesures de politique monétaire non conventionnelles visant à maintenir les taux longs à très bas niveau ont débouché sur un rebond des demandes de refinancement hypothécaire.

La croissance de la zone euro a été limitée à 0,2% au troisième trimestre, après 0,2% et 0,8% les trimestres précédents. L’Allemagne et la France ont affiché une progression du PIB de respectivement 0,5 et 0,4%, l’activité a stagné en Espagne et, si les pays de la « périphérie » restent ancrés sans surprise dans une phase de contraction, le recul de 0,3% enregistré aux Pays-Bas a surpris.

Les indicateurs conjoncturels ont confirmé leur message défavorable des derniers mois. La production industrielle, qui a sensiblement progressé au troisième trimestre (0,9% contre 0,3% au deuxième), a amorcé un repli en septembre (-2% en un mois). De même, les ventes au détail, en légère hausse en juillet et août (0,2 et 0,1%) ont chuté de 0,7% en septembre. Le PMI composite, qui a cassé la barre des 50 (séparant expansion et contraction) au mois de septembre, a chuté à 46,5 en octobre pour rebondir légèrement à 47,2 en novembre selon l’estimation « flash ». De même, l’indice de confiance tiré de l’enquête mensuelle de la Commission européenne est passé de 95 en septembre à 93,7 en novembre.

Parmi les grands pays, seul l’indicateur de l’Allemagne reste en dehors de la zone de repli. Avec la baisse de l’activité attendue au tournant 2011-2012, il paraît vraisemblable que l’économie de la zone euro sera quasi stagnante l’an prochain. Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cette conjoncture. D’abord, la chute de confiance qui accompagne une crise de la dette souveraine qui n’a cessé de s’intensifier dans les derniers mois. Ensuite, la mise en œuvre généralisée de mesures de consolidation budgétaire est bien évidemment de nature à peser sur l’activité.

Les ménages, subissant une augmentation du chômage (le taux de chômage est passé de 10,1% en août à 10,3% en octobre) et des prélèvements obligatoires accrus, conserveront un taux d’épargne élevé et continueront à se désendetter. Les entreprises, enfin, se trouvent confrontées à la détérioration des perspectives conjoncturelles et au resserrement des conditions de financement. On constate en effet, d’une part, que les taux obligataires corporate évoluent de concert avec ceux des banques, eux-mêmes poussés à la hausse parallèlement aux taux souverains. L’enquête trimestrielle de la BCE auprès des établissements de crédit montre, par ailleurs, que les banques qui sont affectées par des tensions sur la liquidité interbancaire ont resserré les conditions (marges sur les crédits, durées, montants, exigences de garanties..). Dans ce contexte, il paraît vraisemblable que les entreprises donnent la priorité au relèvement de leur taux d’autofinancement, ce qui pèsera sur leurs dépenses en capital.

En novembre, ces circonstances ont conduit la BCE, qui avait annoncé en octobre la mise en place de mesures d’injection de liquidité à long terme (opérations à un an à taux fixe et sans limite quantitative fin octobre et à 13 mois en décembre, réanimation des achats de covered bonds pour 40 milliards d’euros s’étalant sur un an) et poursuivi ses achats de titres souverains sur le marché secondaire (Cf. Graphique 8), à ramener son taux refi de 1,5% à 1,25% (Cf. Graphique 9) malgré une inflation ayant atteint les 3% et avant la publication (attendue en décembre) de ses nouvelles perspectives d’activité et d’inflation pour 2012.

En fait, M. Draghi, après J-C. Trichet, n’a pas manqué de souligner la dégradation de l’activité. Par ailleurs, la BCE attend un retour de l’inflation vers sa cible (proche de, mais inférieure à 2%) dans le courant de l’an prochain. Nous envisageons de nouvelles baisses d’un total d’au moins 50 points de base dans les prochains mois et, sans doute, la mise en place de mesures de quantitative easing. 

L’accord du 21 juillet sur le fonds de soutien européen (augmentation de son potentiel à 440 milliards d’euros, possibilité d’accorder des lignes de crédit, de participer à la recapitalisation des banques et de procéder à des achats de dette sur le marché secondaire) a été ratifié par les 17 Parlements nationaux dans le courant de l’été, non sans incertitudes (épisodes finlandais et slovaque).

Au cours de cette trop longue période, la contagion s’est exacerbée et a touché à la fois l’Espagne et l’Italie, les rendements ont grimpé, ce qui comportait le risque de voir des pays confrontés à un problème de liquidité (accès au marché) touchés par un problème de solvabilité. Il est devenu patent que le potentiel du FESF, déjà entamé par les soutiens à la Grèce, du Portugal et à l’Irlande, n’était plus de taille suffisante. Le 26 octobre, un nouvel accord a été conclu en vue de gonfler le potentiel du fonds en faisant jouer l’effet de levier et en faisant appel à des ressources supplémentaires auprès des pays du G20. Pour l’heure, les modalités sont en discussion. Elles devraient être précisées en décembre. L’appétit des pays émergents à participer à ce fonds paraît à ce jour plus limité qu’il n’était espéré, comme l’a d’ailleurs souligné le directeur du fonds, K. Regling.

Le début du mois de novembre a été marqué par une nouvelle exacerbation des tensions, d’abord avec l’annonce d’un référendum sur le deuxième plan d’aide à la Grèce, idée rapidement écartée. Cet épisode a conduit à la démission du Premier ministre Grec, M. Papandréou. Le nouveau responsable du gouvernement, M. Papademeos, un ancien membre du conseil de la BCE, a obtenu un vote de confiance (255 voix/300).

Le Premier ministre italien M. Berlusconi, mis en minorité par le Parlement, a démissionné. Le nouveau Premier ministre, M. Monti, un ancien commissaire européen, a obtenu la confiance (281 voix pour, 25 contre au Sénat) pour la mise en œuvre de mesures de redressement budgétaire et de réformes structurelles (pensions, marché du travail, système fiscal…). Les élections espagnoles, tenues le 20 novembre, ont donné la majorité absolue au parti populaire de M. Rajoy.

Au cours de cette période, marquée de fortes incertitudes, les tensions se sont exacerbées, les rendements italiens à 10 ans ont ainsi touché un point haut à 7,48% le 9 novembre, la chambre de compensation Clearnet exigeant des marges accrues sur les titres de la péninsule. Le rendement sur des titres à 5 ans émis le 14 novembre est monté à 6,29% contre 5,32% lors de l’adjudication précédente, le 13 octobre. En Espagne, les taux à 10ans ont atteint 6,98% lors de l’adjudication du 17 novembre contre 5,43% le 20 octobre. Le rendement des titres du FESF affecté par des craintes, quant à la qualité de la signature des pays garants, a augmenté de 3,39% le 3 novembre à 3,78% le 17 novembre.

Par ailleurs, en dehors de l’Allemagne, tous les pays notés AAA, Autriche, Finlande, Pays-Bas, France ont vu leurs rendements progresser. Ainsi, le taux de l’OAT 10 ans est passé de 3,12% à 3,64% entre le 3 et le 17 novembre. Par la suite, les taux ont amorcé une détente dans la perspective d’un accord entre les pays de la zone euro suite au sommet des 8 et 9 décembre. Ainsi, dans le courant de la semaine s’achevant le 3 décembre, le taux italien a diminué de 40 points de base à 6,73% et le taux espagnol de 58 points de base à 5,69%.

Cette détérioration des conditions financières a suscité de vifs débats quant à la pertinence de voir la BCE intervenir massivement sur le marché des dettes souveraines, à l’instar de ce que font la Réserve fédérale américaine ou la banque d’Angleterre. La position française, qui s’est heurtée à un refus allemand, consiste à conférer une licence bancaire au FESF, ce qui lui permettrait de se financer auprès de la BCE. Certains proposent l’implication du FMI qui pourrait bénéficier de prêts de la BCE sans se heurter à des contraintes juridiques. Pour l’heure, l’Allemagne reste réticente à s’engager sur cette voie par crainte d’effets inflationnistes (très discutables dans les circonstances actuelles) et par souci d’éviter le risque d’aléa moral (relâchement des efforts de consolidation). La porte d’une action plus massive de la BCE pourrait cependant s’ouvrir en contrepartie de la mise en place d’une gouvernance crédible sur le plan des finances des pays membres de la zone. Cela impliquerait une dose minimale d’automatisme dans les procédures de sanction, la supervision non seulement des finances publiques mais aussi de l’évolution d’éventuels déséquilibres macroéconomiques, tout ceci dans une optique préventive.

Enfin, la réouverture des traités visant à pallier l’un des défauts majeurs de l’UEM depuis le départ: l’absence de tout fédéralisme budgétaire.

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