Fin de partie ?

par Stephen Thariyan Directeur Crédit chez Henderson Global Investors

Les media ont largement commenté la crise des dettes souveraines en Europe et ont tenté d’analyser minutieusement les solutions possibles. Malgré cela, force est de constater que toute analyse devient rapidement obsolète en raison de la rapidité à laquelle de nouveaux éléments et des politiques inattendues apparaissent.

Il semble que nous nous dirigeons vers la fin de la crise

A priori, l’agitation au sein de l’union monétaire nous entraîne vers deux solutions : une tentative de soutien par la Banque Centrale Européenne (BCE) ou le Fonds Monétaire International (FMI), qui consisterait à injecter de la monnaie avec différents niveaux de conditionnalité, ou une feuille de route précise et agressive vers une meilleure union fiscale

Si ces solutions venaient à échouer, il faudrait d’une façon ou d’une autre s’attendre à une chute de l’euro.

Il est toujours difficile, en période de forte volatilité et d’incertitude extrême, d’identifier les gagnants et les perdants mais il est intéressant de noter que les obligations d’entreprise devraient rester attractives aux vues de la dévaluation subie au cours de la dernière crise et de l’opportunité qu’elles représentent à travers le spectre des notations de crédit.

Le sommet de l’Union Européenne (UE) du mois d’octobre était considéré comme la dernière chance pour les dirigeants politiques mais leurs propositions n’ont pas été suffisamment détaillées – comme l’a fait remarquer un expert en stratégie d’une banque d’investissement :

« Moins les propositions étaient détaillées, plus elles paraissaient intéressantes. »

L’accord en trois volets a été chaleureusement accueilli par certains et en a déçu d’autres – en particulier sur les marchés obligataires. Le premier élément, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) complexe et remanié, semble avoir échoué dans sa quête d’un pays philanthrope (Chine) ou tout autre pays, pour financer ce qui est en réalité un produit structuré européen. De plus, le FESF a désormais de plus en plus de difficultés à lever des capitaux lorsqu’il émet des obligations. Etant donné l’étendue de la dette souveraine des pays périphériques de l’Europe, le fonds doit impérativement mériter son nom en offrant une stabilité et une structure appropriée. Pour le moment, il n’a rempli aucun de ces objectifs.

La seconde partie de la proposition, qui propose une recapitalisation des banques à hauteur de 106 milliards d’euros, s’est également révélée décevante. Les résultats des stress tests de l’Autorité Bancaire Européenne (EBA) publiés au cours du mois de juillet ont fourni des informations détaillées sur les expositions souveraines et les crédits émis par les banques. Elles ont permis aux analystes d’effectuer de meilleures analyses des bilans des banques. Selon leurs estimations, les banques ont besoin d’un refinancement situé entre 200 et 400 milliards d’euros (pour les estimations les plus pessimistes), ce qui rend le chiffre de 106 milliards d’euros relativement inadéquat.

Le dernier élément de l’accord n’a également pas su assurer la participation définitive du secteur privé à la dette de la Grèce. La décote volontaire de 50%, demandée aux créanciers privés – BCE non comprise – d’essuyer une perte sur la valeur de leurs avoirs est interprétée comme une façon d’éviter une situation de défaut. Cependant, de nombreux observateurs, nous compris, sont convaincus qu’une décote beaucoup plus importante sera nécessaire afin d’aider la Grèce avec son problème de solvabilité.

De gros nuages continuent de planer au-dessus de la région

Dans l’ensemble, l’insuffisance de détails dans ces trois propositions – en particulier le manque de politiques de croissance pour la région – associée à une non-participation de la BCE dans les plans de sauvetage, font de cet accord une opportunité ratée et représente, ironie du sort, une solution acceptable pour la troïka (UE, BCE et FMI). Il est difficile d’imaginer la façon dont l’Europe va pouvoir se reprendre. Son niveau de dette est tout simplement trop élevé, et ne sera pas atténué par une croissance anémique. La seule solution serait de se diriger vers une union fiscale, ce qui n’est pas une solution à court- terme.

La crise en Europe est l’héritage de la crise du crédit de 2008-2009, mais à cette époque les banques centrales de nombreux pays, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Asie étaient capables d’intervenir et de déverser des liquidités. Il est difficile d’imaginer que la contagion puisse cesser de s’étendre sans l’intervention de la BCE en tant que prêteur de dernier recours et étant donné la complexité des relations de travail de la troïka. En novembre, trois gouvernements ont chuté suite à la crise de la dette en trois semaines. Il va être difficile pour les nouveaux technocrates en charge de la Grèce et de l’Italie de trouver des solutions pour se sortir de la situation aux vues de l’intensité des mesures d’austérité à mettre en place et de la reprise de l’Espagne tout aussi douloureuse.

Obligations d’entreprise – un prêt que vous pourrez récupérer !

Malgré les inquiétudes liées aux perspectives macro-économiques et l’effet que l’Europe risque d’avoir sur les autres économies mondiales, les investisseurs se posent une fois de plus la question de savoir quels actifs pourront obtenir des rendements positifs. Malgré les rendements à des niveaux historiquement bas des principales obligations souveraines, l’absence d’émission de dette souveraine des pays périphériques de la zone euro, l’augmentation des niveaux de volatilité sur les marchés actions et même sur les marchés émergents affectés par les divers événements survenus, le crédit en tant que classe d’actifs continue d’intéresser les investisseurs. La période post-Lehman a montré l’attrait des investisseurs pour un marché obligataire dévalué et une base de sociétés émettrices avec un faible levier d’endettement. Les obligations d’entreprises sont de nouveau en train d’être dévaluées et avec des taux de défaut faibles, le crédit semble être le gagnant d’une bataille cruelle aux enjeux élevés sur les marchés de capitaux.

Le crédit a toujours été attractif dans un environnement de faible croissance. Dans l’environnement actuel, les prix des obligations d’entreprise reflètent une perspective de taux de défaut élevés, qui ne devraient vraisemblablement pas être atteints aux vues des antécédents historiques. La plupart des entreprises ont une santé financière bien meilleure qu’avant la crise de 2008-2009 avec une solide position d’emprunteur et par conséquent, les obligations de nombreuses entreprises ont une valorisation indéniablement attractive.

Bien sûr, la volatilité s’est également accrue sur les marchés de crédit. Alors que par le passé les investisseurs s’attendaient à ce que le « spread » de crédit d’une obligation particulière ne s’écarte que de quelques points de base, l’héritage de l’épisode Lehman a complètement changé la donne. Le crédit a désormais une volatilité similaire à celle des actions et la limite que les écarts peuvent atteindre est difficile à déterminer. La variation en pourcentage des écarts, jusqu’à présent immuable, de la Banque Européenne d’Investissement en est un bon exemple.

Pourquoi les écarts de crédit sont-ils si importants ?

Les investisseurs requièrent une prime de liquidité plus élevée pour détenir des obligations d’entreprise étant donné les inquiétudes relatives aux autres classes d’actifs à risque, les perspectives de croissance mondiale anémique (voire de récession) entraînant la baisse des dépenses des consommateurs, la baisse de la demande de produits en provenance des marchés émergents et l’incapacité des banques d’investissement à fournir des liquidités suffisantes sur les marchés de crédit. x

Les inquiétudes pour les banques ont contribué à l’écartement des « spreads » de crédit au niveau mondial, les craintes d’une crise bancaire étant toujours présentes. Aux Etats-Unis, les investisseurs commencent à prendre en considération les expositions des banques à la dette souveraine européenne. En Europe, les nouvelles réglementations entraîneront un désendettement de masse regrettable ; les banques se concentrant sur la réduction de la taille des bilans. Identifier une banque saine comme investissement potentiel est très difficile car les fondamentaux sont continuellement mis au second plan par l’effervescence politique, ce qui rend l’analyse des bilans inutile.

Au regard de ce contexte, on se demande pourquoi le crédit reste l’une des classes d’actifs privilégiée par les investisseurs institutionnels. Comme indiqué, l’environnement macro- économique reste difficile mais les investisseurs doivent savoir que les gérants obligataires expérimentés, avec un bon historique de performance, capables d’identifier les opportunités et d’éviter les actifs sensibles, considèrent cette crise du crédit – et la suite à venir – comme un moment opportun pour générer des rendements.