Etats-Unis : la consommation va mettre beaucoup de temps à se redresser

par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis

Les signes de reprise de l’économie américaine se sont multipliés au cours des derniers mois suggérant que la croissance du PIB sera à nouveau positive au troisième trimestre, marquant ainsi la fin d’une longue récession qui aura duré un an et demi (contre huit mois pour les deux précédentes récessions et dix mois en moyenne sur les récessions de l’après guerre).

La croissance pourrait ainsi approcher 3% en rythme annualisé au second semestre 2009, après une baisse de 6,4% au premier trimestre et de 0,8% au deuxième. Au total, le PIB se sera contracté de 2,5 % en moyenne en 2009, un plancher depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Plusieurs facteurs expliquent cette croissance relativement forte en deuxième partie d’année :

  • L’expansionnisme de la politique budgétaire. Le stimulus fiscal permet en effet de soutenir les dépenses de consommation. La consommation privée pourrait ainsi progresser d’au moins 2 % en rythme annualisé au troisième trimestre. Dans le même temps, les dépenses publiques resteront également un soutien important.
  • Le caractère extrêmement accommodant de la politique monétaire. Via la faiblesse des taux d’intérêt et le programme d’achat de titres hypothécaires, cette dernière a permis une stabilisation du secteur immobilier. Par ailleurs, la politique monétaire est également un facteur de soutien pour les marchés financiers, permettant d’atténuer les effets richesse négatifs enregistrés depuis la crise. Enfin, elle participe à l’amélioration de la situation des banques qui permet un moindre resserrement des conditions de crédit. La dernière enquête sur la distribution de crédit a en effet montré une nette baisse du pourcentage de banques resserrant les conditions de prêt.
  • Un moindre déstockage à partir du troisième trimestre, apportant ainsi une contribution forte à la croissance. Les entreprises américaines ont en effet très fortement déstocké au cours du premier semestre 2009 et il semble bien que ce mouvement soit en train de s’estomper progressivement.

Si cette reprise est actuellement très bien accueillie par les marchés, elle ne devrait pourtant pas être durable, tous les facteurs à sa source ayant des effets transitoires sur la croissance1. En premier lieu, faisant face à une chute de la demande fin 2008 et début 2009, les entreprises ont très fortement ajusté leurs coûts et leurs dépenses à la baisse.

Elles ont donc reporté une grosse partie de l’ajustement sur les salariés. Pour preuve, les heures travaillées ont été drastiquement réduites pour maintenir les gains de productivité à un niveau proche de 2 %. En forte sous utilisation des capacités de production, et avec des perspectives de demande modeste, les dépenses d’investissement des entreprises ne devraient pas progresser fortement en 2010, du même ordre que le PIB (environ + 1,5 %).

Ensuite, les révisions récentes des comptes nationaux américains ont montré que le salaire horaire est beaucoup moins rigide à la baisse que ce que suggéraient les données jusque là. Or, si l’on croit que les entreprises vont continuer à favoriser leur profitabilité, cela implique que la pression baissière sur les salaires va se poursuivre. Les salaires horaires ne progresseraient ainsi que de 1% en moyenne annuelle en 2010. En 2009, la baisse de l’emploi et la faiblesse des salaires ont été compensées par les baisses d’impôts et transferts ainsi que la forte désinflation. En 2010, la structure se modifie sensiblement avec un emploi moins défavorable mais pratiquement plus d’effet des baisses d’impôts et une remontée de l’inflation. Au total, le revenu disponible brut réel ne progresserait que très faiblement, impliquant une nouvelle baisse de la consommation des ménages après le rebond de l’été 2009.

Le dernier espoir d’avoir une croissance forte repose sur le dynamisme des exportations. Toutefois, les projections de croissance très faibles en 2010 en zone euro, au Japon et peu élevées en Amérique latine ne poussent pas à l’optimisme. Certes, l’Asie enregistrera une croissance dynamique, en particulier la Chine. Cependant, cette dernière ne représente que 6 % des exportations américaines. Avec un commerce mondial en hausse de 2 % et pas de fort mouvement sur le taux de change, les exportations américaines ne devraient progresser que faiblement en 2010 (2 à 3 % en moyenne).

Au total, nous ne croyons donc pas à une reprise forte et durable de l’activité américaine en 2010. Et ce, d’autant plus que, selon nous, les ménages américains continueront de se désendetter. Par conséquent, nous continuons de penser que la croissance sera nettement sous son potentiel l’année prochaine, avec une prévision de 1,3 % en moyenne.

NOTES

  1.  Cf. Dargent E. et Ripert M.P. (2009), « 2010, les risques d’un nouveau ralentissement de la croissance », Note mensuelle, septembre.

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