La zone euro doit-elle envier les Etats-Unis ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Sans entrer dans la polémique de la théorie du complot concernant la nouvelle vague de crise européenne depuis cet été, il nous semble cependant important dans la cacophonie actuelle de mettre en exergue que, même si sa situation est extrêmement fragilisée, la zone euro n’a pas grand-chose à envier aux Etats-Unis. 

Depuis des semaines, les marchés s’interrogent sur la viabilité de l’euro, sur la capacité des autorités à trouver un terrain d’entente pour sauver la zone euro du chaos. Certes, le problème grec n’est pas réglé, les mesures du Sommet européen du 21 juillet ne permettent pas à la Grèce de redevenir solvable, les Allemands refusent toujours la mise en place d’euro-bonds.

Jusqu’au 8 septembre cependant, malgré ces inquiétudes, l’euro se maintenait face au dollar fluctuant dans une fourchette de 1,40/1,45. La démission du chef économiste de la BCE, Stark, le 9 septembre a été l’un des facteurs déclenchant le décrochage de l’euro face au dollar ces derniers jours suggérant des dissensions plus importantes au sein de la Banque Centrale. Pour autant, l’eurodollar a atteint 1,36 le 13 septembre ce qui reste encore un niveau bien supérieur de celui enregistré au moment de l’acte I de la crise grecque en juin 2010, où l’euro avait atteint 1,19.

Si les problèmes de la zone euro ne sont clairement pas réglés, plusieurs points méritent d’être nuancés : Tout d’abord, le Sommet Européen, malgré ses écueils, permettra en cas d’adoption par les parlements européens, d’augmenter les prérogatives de la Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF ; achats de titres sur le marché secondaire, recapitalisation des banques). De plus, la BCE s’est montrée réactive et pragmatique au cours de l’été en remettant en place ses dispositifs d’allocation de la liquidité (illimitée sur les LTRO 3/6 mois et sur les appels d’offre en dollars) et surtout en intervenant massivement sur les marchés via le SMP (Securities Markets Programme) et ce en dépit d’une forte réticence allemande.

Par ailleurs, si la zone euro est fortement décriée pour ses problèmes de gouvernance, le spectacle politique de l’été aux Etats-Unis n’a guère été reluisant et reflète une situation très compliquée qui va perdurer encore pendant plus d’un an jusqu’aux élections de novembre 2012. Le climat politique de la campagne électorale risque fort d’être dégradé. D’ailleurs, la baisse de la note de la dette Fédérale américaine de AAA à AA+ par S&P cet été était en grande partie motivée par ces difficultés politiques à gouverner avec de telles divisions. Si une dette européenne finissait par émerger, elle serait très vraisemblablement notée AA+1…

Concernant la situation extérieure, la zone euro dans son ensemble se trouve dans une situation bien plus favorable que les Etats-Unis avec une balance courante légèrement déficitaire alors que le déficit courant américain oscille autour de 3pts de PIB. Evidemment, lorsque l’on regarde les pays européens pris individuellement, les situations sont extrêmement hétérogènes avec l’Allemagne qui enregistre un excèdent courant de plus de 4 pts de PIB alors que le déficit de la Grèce atteint 11pts de PIB.

Sur le front des finances publiques, là encore, la zone euro dans son ensemble se trouve dans une situation plus favorable avec un déficit public (en % du PIB) de respectivement 4,2% en 2011 et 3,5% attendus en 2012 alors que les Etats-Unis devraient encore enregistrer un déficit de plus de 6% en 2012 (à législation inchangée) après 8,5% en 2011.

Parmi les points que la zone euro pourrait envier aux Etats-Unis, on peut en particulier mentionner le statut de monnaie internationale du dollar et le fédéralisme américain. Sur le premier point, l’euro reste encore en retrait par rapport au dollar malgré son importance grandissante mais n’oublions pas que c’est une monnaie qui n’a qu’une décennie. Sur le deuxième point, l’absence de fédéralisme est clairement le talon d’Achille de la zone euro comme nous l’avons déjà souligné à de nombreuses reprises. Il prive en effet la zone d’une politique budgétaire commune (budget commun, harmonisation fiscale, transferts entre zones,..) avec une dette commune, qui permettrait à des pays hétérogènes de constituer une zone monétaire. Au-delà de la volonté des politiques, une question de fond reste le désir des nations européennes à construire cette Europe Fédérale…

Au total, si la zone euro traverse une crise de grande ampleur, et notre point n’est pas de minimiser ses problèmes, il nous semble cependant important de souligner que la situation américaine n’est guère enviable à divers égards.

NOTES

  1. Cf. Flash n°604 « Quel serait le rating d’un Eurobond ? Réponse : AA+ »

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