Le bilan des marchés financiers 2011

par Nic Brown, Sophie Chardon, Annabelle De Gaye, Nordine Naam, Solène Oberg, Cyril Regnat et Marie-Pierre Ripert, économistes chez Natixis

Si la crise des dettes souveraines européennes restera probablement comme l’événement économique majeur de l’année 2011, les marchés financiers auront également été affectés par d’autres développements importants, souvent étroitement liés à des événements politiques : les révolutions au Moyen-Orient qui se sont succédé tout au long de l’année, la catastrophe de Fukushima, sans oublier la dégradation de la note des Etats-Unis, avec l’imbroglio politique de cet été autour de la question de l’augmentation du plafond de la dette.

Alors qu’il y a un an nous nous interrogions ici sur la pérennité du club des triple-A, l’année 2012 devrait en tout état de cause compter encore de nombreux ajustements de la part des différentes agences de notation. Allemagne ? Pays-Bas ? Finlande ? La liste des rescapés potentiels de cette crise financière apparaît bien maigre…

Les décideurs politiques auront à nouveau fort à faire dans les mois qui viennent puisque de nombreux dossiers sont loin d’avoir été réglés en 2011 :

  • La crise de la zone euro continue d’inquiéter les marchés, les gouvernements peinant à convaincre de la crédibilité de leurs différents engagements. Dans ce contexte, réussiront-ils à changer cette image et ramener la sérénité financière nécessaire à la réussite des différents plans d’austérité ?
  • Aux Etats-Unis le dernier accord portant sur le sujet politiquement délicat de la reconduction du stimulus fiscal n’offre qu’un répit de quelques mois. La campagne électorale battant son plein, les décideurs américains réussiront-ils à éviter les écueils qui ont tant pénalisé les dettes européennes ?
  • Enfin, une interrogation récurrente porte sur la capacité des économies émergentes à découpler leur cycle économique et à devenir le moteur de la croissance économique mondiale dans un contexte de faible activité dans les pays du G7.

Contexte macroéconomique : entre choc inflationniste et crise des dettes souveraines

Sur le plan macroéconomique, deux grands thèmes auront dominé l’année, le choc inflationniste au premier semestre puis la crise des dettes souveraines européennes (avec la consolidation fiscale induite) en deuxième partie d’année.

Comme attendu en début d’année, la croissance mondiale a bien ralenti en 2011 (elle devrait s’établir à 3,8% en PPA), en comparaison de la très bonne performance enregistrée en 2010 (4,5%). Pour autant, pour une année sous très haute tension, elle s’est finalement avérée relativement dynamique, soutenue par les pays émergents alors que les pays développés montraient des signes de faiblesse. Le ralentissement, lié à la fin du rattrapage post-crise initié en 2010 (commerce extérieur/stocks), au choc inflationniste entraînant un durcissement des politiques monétaires et aux effets de la crise européenne, a touché toutes les zones géographiques, mais à divers degrés. Parmi les pays émergents, le ralentissement est particulièrement marqué au Brésil (3% en 2011 après 7,5% en 2010) mais aussi dans les pays asiatiques hors Chine avec une croissance de 5,3% après 7,8% en 2010. Parmi les pays développés, les Etats-Unis perdent plus d’un point de croissance en 2011 (1,7% après 3,0% en 2010) et le Japon près de 3 pts (-0,3% après 2,8% en 2010).

Nos projections de croissance de début d’année se sont globalement révélées trop optimistes, sous-estimant l’ampleur du ralentissement, en particulier aux Etats-Unis (1,7% de croissance vs 2,7% prévu en début d’année), au Royaume-Uni (0,9% vs 1.4%), au Japon (-0,3% vs 1,3%) ou encore au Brésil (3% vs 4.9%). En revanche nous avons sous-estimé la croissance de la zone euro (1,6% vs 1.2% prévu en début 2011), et notamment celle de l’Allemagne (3,0% vs 2,1%).

Les pays émergents ont, dans leur ensemble, enregistré des taux de croissance encore élevés en 2011 (9,3% en Chine, 5,3% pour l’Asie hors Chine, 4% pour l’Amérique Latine ou encore 2,9% en Europe Centrale et Orientale) mais globalement en décélération par rapport à 2010. S’ils ont commencé l’année 2011 sur des rythmes très élevés, ils ont vu leur croissance progressivement ralentir. Il faut rappeler que l’année 2010 avait été caractérisée par une croissance très forte dans les pays émergents, en rattrapage après la chute d’activité de fin 2008 – début 2009. Une décélération de l’activité était donc souhaitable pour un certain nombre de pays, proches de la surchauffe. Le risque inflationniste a d’ailleurs été le problème majeur auquel ont été confrontés les pays émergents en 2011. Ils ont subi la hausse du prix des matières premières : le pétrole s’est renchéri de 36% sur les cinq premiers mois de l’année (avec un pic à 126$ en mai) et les prix agricoles ont également fortement augmenté sur la même période (35% pour le blé). Or compte tenu de l’importance du poste « produits alimentaires » dans les indices de prix des pays émergents, ces hausses ont eu un fort impact sur les taux d’inflation. Comme les autres pays, la Chine a subi les effets de son durcissement monétaire et de la décélération du commerce mondial sur ses exportations mais l’ampleur du ralentissement de la croissance s’est avérée limitée (1pt environ), la demande domestique restant encore robuste.

Touché de plein fouet par le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima, le Japon a enregistré une récession en 2011 (-0,3% en moyenne). L’activité industrielle a plongé au T2-2011, une partie de l’industrie étant fortement impactée par la catastrophe. Deux secteurs ont été particulièrement affectés, l’automobile et le secteur des composants électroniques, avec des répercussions sur la production mondiale. En effet, le Japon étant un fournisseur clé sur certains produits, l’impact s’est ressenti sur les chaines de production de la plupart des pays. Les plus touchés ont été ceux d’Asie en raison de l’importance de leurs échanges avec le Japon. La croissance est redevenue positive à partir du T3-11 (+1,4% T/T) avec les effets de la reconstruction. Enfin, la catastrophe de Fukushima a également eu pour conséquence de ré-ouvrir le débat sur la sureté du nucléaire et aura des répercussions de long-terme sur le mix-énergétique mondial.

La perte du triple-A américain (dégradation par S&P en août) aura constitué l’événement marquant de l’année 2011 aux Etats-Unis. L’année aura été ponctuée de débats politiques sans fin entre républicains et démocrates : durant l’été, ils sont parvenus de dernière minute à un accord sur l’augmentation du plafond de la dette fédérale ; à l’automne les discussions du Super Comité (six républicains, six démocrates) visant à trouver 1200Md$ d’économies sur les dix prochaines années n’ont pas abouti, impliquant des coupes automatiques dans les dépenses en 2013.

En conséquence, la question de la consolidation budgétaire va rester sur le devant de la scène pendant la période électorale. Le déficit public n’a guère diminué passant de 9% du PIB en 2010 à 8,7% en 2011. Comme les autres pays, les Etats-Unis ont subi le choc inflationniste lié à la flambée du prix des matières premières. L’inflation a atteint un pic à 3.9% en septembre 2011 pour finir l’année à 3,2% (3,2% en moyenne annuelle). Sur le front de la croissance, les vagues de révisions à la baisse des projections se sont succédé tout au long de l’année. Si nous faisions partie des plus pessimistes en début d’année (projection de 2,7% en moyenne vs un consensus à 3,2%), notre prévision s’est avérée trop élevée d’un point! La croissance américaine a été particulièrement faible au premier semestre (0,8% T/T en rythme annualisé, ra) avec un rebond au S2-11 (entre 2% et 2.5% en ra). La consommation a bien résisté en dépit de la hausse des prix, avec une progression d’environ 2,2% en 2011, et ce grâce à une baisse du taux d’épargne (de 5,2% fin 2010 à 3,5% en octobre 2011). L’investissement a également accéléré en 2011 (progression de 6,7% vs 2,6% en 2010), grâce à une reprise de l’investissement en structures et un moindre poids de l’investissement résidentiel, alors que l’investissement en équipements décélérait tout en gardant un rythme encore élevé (10,2% en 2011 vs 14,6%).

Le ralentissement de la croissance a été en grande partie lié au moindre stockage (contribution de -0,3% après +1,6% en 2010) et à l’ajustement à la baisse des dépenses publiques (contribution de -0,4% après +0,1% en 2010), notamment celles des collectivités locales. Les gains de productivité ont sensiblement ralenti (1% après 4,1% en 2010) permettant une amélioration sur le marché du travail malgré la faiblesse de la croissance. Le taux de chômage est passé de 9,4% fin 2010 à 8,6% en novembre 2011 et environ 1,5 million d’emplois auront été créés sur l’année (après 940K en 2010). Pour autant, le marché du travail américain reste déprimé et pâtit toujours d’un partage de la valeur ajoutée en faveur des profits. Le désendettement des ménages s’est poursuivi en 2011 (avec un endettement de 114% en pourcentage du revenu vs presque 120% en 2010). En corollaire, le marché immobilier est resté un poids pour l’économie américaine, avec toujours un stock important de maisons à la vente.

Après un bon début d’année – le PIB progressant de 0,8% T/T au T1-11 – la zone euro va finir l’année 2011 en croissance négative (-0,2% T/T attendu). La croissance aura été de 1.6% en moyenne en 2011 après 1,7% en 2010, et caractérisée par de fortes hétérogénéités en fonction des pays. Comme en 2010, l’Allemagne s’en sort bien avec une croissance de l’ordre de 3% en moyenne profitant encore au S1-11 du dynamisme de la croissance mondiale, mais avec un profil de forte décélération au S2-11. La France reste un élève moyen avec une croissance proche de celle de la zone euro, à 1,6% en moyenne. L’Espagne et l’Italie enregistrent des taux de croissance faibles (respectivement 0,7% et 0,5%) alors que la Grèce et le Portugal sont en récession (respectivement – 5,4% et -1,5%). Le ralentissement de la zone euro a été causé par la succession de plusieurs chocs: le choc matières premières au premier semestre puis les effets de la crise des dettes souveraines européennes et en corollaire le « credit crunch » en deuxième partie d’année. L’inflation a fortement progressé au S1-11 pour atteindre un point haut à 3% à l’automne.

Parallèlement, la plupart des pays ont été contraints par les autorités européennes et par les investisseurs de mettre en place des plans d’austérité de plus en plus restrictifs. Les ménages ont donc vu leur pouvoir d’achat baisser et la consommation n’a que faiblement progressé (0,4% en moyenne). Après une bonne performance au S1-11, l’investissement a sensiblement ralenti en deuxième partie d’année, subissant les effets négatifs de la dégradation de la confiance et des conditions de financement. Au total, il aura progressé de 2,3% en moyenne sur l’année. La croissance aura également été soutenue par le commerce extérieur avec une contribution de 0,7%, les exportations augmentant encore de 6,8% sur l’année. Outre l’impact sur la confiance des agents et les conséquences en termes de finances publiques, la crise des dettes souveraines a fortement affaibli le secteur bancaire européen (en raison de son exposition aux dettes souveraines), avec pour effet induit un resserrement des conditions d’octroi de crédit. Le « credit crunch » ainsi que la hausse du coût de financement des entreprises sur le marché expliquent en grande partie la contraction de la croissance attendue au T4-11 et en début d’année 2012. Dans ce contexte de faiblesse de la croissance, le marché du travail européen est resté dégradé en 2011 avec une stabilisation du taux de chômage à 10,1%. On note une nouvelle fois des différences importantes en fonction des pays, le taux de chômage allemand baissant pour atteindre 5,7% fin 2011 (après 6,7% fin 2010), le taux de chômage français se stabilisant à 9,8% alors que le taux de chômage espagnol prenait environ 2pts pour finir l’année à 22,9% ! Conséquence de la crise de la dette, l’actualité politique aura été intense avec plusieurs sommets européens (cf. partie obligataire).

Malgré sa non appartenance à la zone euro, le Royaume-Uni n’aura pas été épargné : menacé de dégradation par les agences de notation, il a également été contraint de mettre en place différents plans d’austérité budgétaire reposant essentiellement sur des coupes de dépenses supportées par les ménages. Associées à une inflation de 4,5% en moyenne sur l’année, ces restrictions ont engendré une baisse de la consommation des ménages (-1,3% en moyenne). Ainsi, le PIB aura enregistré une modeste hausse de 0,9% en 2011, avec une croissance négative en fin d’année. Si le Royaume-Uni subit les effets négatifs de la crise de la zone euro, la faiblesse de sa croissance doit plutôt être attribuée à la nécessité du désendettement des ménages (à l’image des ménages américains) et de l’Etat.

L’année 2012 s’annonce difficile: si l’inflation devrait refluer dans tous les pays avec la stabilisation du prix des matières premières, permettant ainsi une amélioration du pouvoir d’achat des ménages, de nombreux pays vont rester contraints par la poursuite du désendettement public et privé. Dans les pays du G7, il faut donc s’attendre à une croissance faible, toujours inférieure à son rythme potentiel, avec le maintien des taux de chômage à des niveaux élevés. Si aux Etats-Unis la croissance dépendra grandement des décisions politiques sur les finances publiques (extension ou non des baisses d’impôts), elle restera contrainte en zone euro par l’évolution de la crise des dettes souveraines. Le ralentissement dans les pays émergents se poursuivra avec la baisse de la demande étrangère, mais dans un certain nombre de pays, la Chine notamment, la demande intérieure pourrait fournir un soutien à la croissance.

Politiques monétaires : des « exit strategies » à l’intensification du non conventionnel

La tâche des Banques Centrales s’est encore révélée ardue en 2011, avec la lutte contre le risque inflationniste au premier semestre puis la nécessaire adaptation au ralentissement mondial et aux problèmes de liquidité rencontrés par les banques durant le second semestre.

Dans la plupart des pays émergents, les Banques Centrales ont poursuivi leur cycle de resserrement monétaire initié en 2010 pour lutter contre la forte montée de l’inflation. Au-delà du choc exogène lié à la hausse du prix des matières premières, elles ont été confrontées à des tensions inflationnistes domestiques. La Banque Centrale de Chine a augmenté les taux de 75pb au S1-11, la Banque Centrale d’Inde de 150pb et la Banque du Brésil de 175pb. Le cycle de resserrement monétaire s’est interrompu au cours de l’été, malgré des taux d’inflation toujours élevés. Les Banques Centrales ont du adapter leur politique pour faire face au ralentissement de leurs exportations et aux effets financiers de l’intensification de la crise européenne. La Banque Centrale du Brésil a ainsi surpris les marchés en abaissant les taux de 50pb le 31 août à 12%, à peine plus d’un mois après sa dernière hausse, mettant en avant les risques sur l’économie mondiale. Elle a continué à l’automne, le taux Selic se situant à 11% fin novembre. La Banque Centrale de Chine (PBoC) a également commencé à assouplir sa politique en abaissant le taux de réserves obligatoires en novembre

Dans les pays développés, les politiques monétaires sont restées très expansionnistes en 2011. Alors que les « stratégies de sortie » (« exit strategies ») des politiques non conventionnelles étaient à nouveau évoquées en début d’année avec la montée du risque inflationniste, le débat s’est recentré en milieu d’année sur les moyens d’extension des politiques non conventionnelles suite au ralentissement de la croissance et à l’intensification des risques financiers.

Aux Etats-Unis, comme prévu fin 2010, la Réserve Fédérale a mis en œuvre son programme d’achats de titres du Trésor (Quantitative Easing QE2) pour un montant de 600Md$ au cours du premier semestre 2011 portant le montant des titres détenus fermement au bilan de la Fed à 2600Md$. L’objectif des Fed Funds (FF) a été maintenu à 0%/0,25%. La Fed n’a pas réagi à la flambée des prix du pétrole au premier trimestre, soulignant son caractère temporaire. A partir de l’été, la communication a été un outil privilégié pour tenter d’assouplir encore davantage les conditions monétaires. La croissance se révélant encore décevante à la fin du S1-11, avec un taux de chômage légèrement en hausse, la Fed s’est engagée en août à maintenir l’objectif des FF à son niveau jusqu’à mi-2013 (substituant cette échéance précise à l’expression «une période étendue »). En septembre, la Fed a annoncé la modification de la structure de son bilan, l’opération « twist », consistant à vendre des titres de maturités courtes (inférieures à trois ans) pour en acheter de maturités plus longues (titres de maturités restantes entre 6 et 30 ans). Le but recherché est de maintenir les taux longs à un faible niveau, en retirant de la duration du marché (et en augmentant celle de son bilan). L’opération devrait porter sur 400Md$ et s’étaler jusque fin juin 2012. Par ailleurs, durant le même FOMC, la Fed a décidé de réinvestir les montants des titres de MBS arrivant à échéance en de nouveaux MBS (ils étaient jusqu’alors réinvestis en titres du Trésor). Si trois présidents de Fed régionales – R. Fisher, N. Kocherlakota, and C. Plosser- ont exprimé leur désaccord en août et septembre, opposés en particulier à l’opération « Twist », C. Evans a pris le relais en novembre, mais cette fois sa dissidence portait sur le fait qu’il aurait souhaité davantage d’assouplissement monétaire. Enfin, de façon concertée avec d’autres banques centrales (BCE, BoE, BoC, BoJ,…), la Fed a pris des mesures pour faciliter l’accès au financement en dollar, en particulier en en faisant baisser le coût de 50pb de façon à soulager les banques européennes.

La mise en œuvre de la politique monétaire a été plus mouvementée en Europe, la Banque centrale Européenne réagissant d’abord au S1-11 au choc inflationniste en augmentant les taux avant d’être obligée dans un second temps de sortir un arsenal de mesures pour tenter d’éviter une crise de liquidité et une récession. Par ailleurs, l’année 2011 aura été marquée en novembre par le départ de Jean- Claude Trichet après huit ans de présidence et l’arrivée de l’italien Mario Draghi. Ce dernier s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur même si inévitablement il marque un changement de style.

Sur le front de la politique de taux, la BCE a profité de la hausse de l’inflation pour entamer une normalisation, souhaitant depuis longtemps sortir de la situation de taux très faible (1%). Elle a ainsi relevé deux fois le taux refi de 25pb (en avril et en juillet), le portant à 1,50%. Nous avons toujours été très sceptiques sur l’intérêt de ces hausses alors que nous anticipions un ralentissement de la croissance au S2-11 et ne voyions pas de risque d’effets de second tour sur l’inflation. Avec l’affaiblissement de la croissance et l’intensification de la crise des dettes souveraines conduisant à la fragilisation du secteur bancaire (marché interbancaire à nouveau grippé ; risque de « credit crunch »), la BCE a fait un virage à 180 degrés en annulant les deux hausses de taux du S1-11. « Super Mario » a ainsi réduit de 25pb le taux refi lors de son premier Comité en novembre puis à nouveau en décembre. En abaissant les taux, la BCE réduit évidemment le coût de la liquidité pour les banques mais elle permet également une réduction du coût du crédit pour les emprunts à taux variable indexés sur les taux courts. Or rappelons que les pays qui vont le plus mal sont ceux qui sont endettés le plus à taux variable.

Concernant la politique non conventionnelle, la BCE a, dans un premier temps (au S1-11), mis un terme à l’allocation de la liquidité sur les opérations de long-terme (LTRO), supérieures à 3 mois, tout en maintenant l’allocation illimitée sur les autres appels d’offre. La très nette dégradation de la situation au cours de l’été avec une défiance accrue envers les états européens et les banques européennes l’a contrainte à étoffer sa boîte à outils, afin d’atténuer la crise de liquidité qui menaçait dans la zone euro.

Le marché interbancaire s’est à nouveau grippé et le financement des banques sur le marché obligataire est devenu coûteux, obligeant certaines banques à se financer directement auprès de la BCE. 1/ Elle a réactivé son programme d’achats de titres publics (SMP « Securities Markets Programme »), portant son montant de 74Md€ fin juin à 211Md€ en décembre. Elle a en effet massivement acheté des titres publics italiens et espagnols essayant d’arrêter le mouvement de fortes hausses sur leurs taux. 2/ Elle a remis en place son programme d’achats d’obligations sécurisées (« covered bonds ») pour un montant de 40Md€ pour tenter d’atténuer les tensions sur ce marché. 3/ Elle a réactivé l’allocation illimitée sur des LTRO de 6/12/13 mois et même mis en place un LTRO de 36 mois de façon à permettre aux banques de se financer à long terme. 4/ Elle a abaissé le taux des réserves obligatoires des banques de 2% à 1% de façon également à réduire le besoin de liquidité des banques 5/ Elle a interrompu de façon temporaire ses opérations de « fine-tuning » qui visaient à retirer de la liquidité chaque mois. 6/ Elle a élargi le collatéral accepté dans ses opérations de refinancement. 6/ Elle a remis en place les lignes de swap avec la Fed pour assurer la liquidité en dollar. Au total, toutes ces mesures permettent aux banques de se financer moins cher, sur plus longue période, en utilisant du collatéral de moins bonne qualité, d’alléger les contraintes sur les réserves obligatoires et de laisser plus de liquidité dans le système. Le problème c’est qu’elles ne suffiront pas à convaincre les investisseurs que la zone euro est enfin sauvée… Seule la disparition du risque de défaut sur les dettes souveraines pourrait ramener la confiance à court terme.

De son côté, la Banque d’Angleterre a maintenu son taux directeur à 0,5% pendant toute l’année 2011. Par ailleurs, elle a également augmenté en octobre la taille de son programme d’achats de titres du Trésor (de 75Md£), le portant à 275Md£, avec pour objectif de maintenir les taux longs à un faible niveau.

Obligataire souverain € : une année à oublier.

Début 2011, le scénario du pire était certainement déjà celui d’une contagion de la crise souveraine à l’Italie et à l’Espagne. Mais même dans nos scénarii les plus pessimistes nous ne pouvions difficilement anticiper une telle dégradation de la situation et surtout, une telle inefficacité des autorités européennes. Aujourd’hui, pourtant, la contagion est bien là. Elle est même fermement ancrée. Pire encore, le scénario le plus noir est désormais celui d’une explosion de la zone Euro, une hypothèse impensable il y a encore quelques mois et à laquelle certains analystes attachent aujourd’hui une probabilité non-nulle. C’est dire si cette année 2011 a été décevante, s’apparentant à un constat d’échec. Comme l’ont annoncé de nombreux officiels, la résolution de la crise souveraine prendra certainement plusieurs années. Mais avant de se tourner vers cette nouvelle année 2012, revenons tout d’abord sur les éléments marquants du précédent exercice.

Premiers obstacles franchis.

L’année 2010 s’était terminée sur une demande d’assistance de l’Irlande et un sell-off généralisé sur les dettes de la zone Euro. Trois groupes de pays se détachaient distinctement : le premier était alors composé des pays du core dans lequel la France traitait à 42pb du Bund 10 ans (20pb pour les Pays-Bas) ; le second comprenait la Belgique (100pb de spread), l’Italie (180pb) et l’Espagne (250pb) ; arrivait enfin le troisième groupe, composé des pays les plus fragiles de la zone dont deux avaient d’ores et déjà demandé l’aide de la Troïka (CE, FMI et BCE), à savoir la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Ce dernier, qui avait terminé son programme de financement début novembre 2010, attaquait l’année avec un challenge de taille : lever 18Md€ sur le primaire tout en faisant face à des coûts de financement particulièrement élevés (taux 10 ans à 6,6% début janvier). Toutefois, 2011 débuta sous des auspices un peu plus favorables : l’arrivée plébiscitée de l’EFSF 1 sur le marché primaire (près de 45Md€ d’ordres pour la première émission de la facilité) et des adjudications réussies au Portugal et en Espagne (les deux pays les plus fragiles à l’époque) ont écarté dans un premier temps les craintes relatives au financement des Etats européens. A l’initiative de la France et de l’Allemagne, les pays de la zone Euro se sont réunis une première fois, le 11 mars, pour présenter le nouveau « Pacte de l’euro », fournir des éléments détaillés sur le fonctionnement de l’ESM2 (dont le lancement était alors prévu à la mi-2013) mais aussi pour renforcer une première fois l’EFSF en lui octroyant le droit d’acheter des titres sur le marché primaire.

La conjonction de ces événements, dans un contexte économique toujours favorable, a ainsi assuré une réduction du niveau d’aversion au risque global sur les marchés et une contraction des spreads (France, Italie et Espagne à respectivement 29pb, 120pb et 180pb du Bund 10 ans début avril) grâce notamment à la hausse des rendements allemands. Ainsi, à leurs plus hauts, les rendements 10 ans et 2 ans allemands ont atteint des niveaux respectifs de 3,50% et 1,90% début avril 2011. Si nous étions loin d’une situation euphorique, les marchés paraissaient donc nettement plus optimistes concernant la résolution de la crise souveraine. Sans surprise, la BCE décidait d’ailleurs de stopper progressivement ses achats sur le marché secondaire (seulement 4Md€ achetés au T1). Des critiques continuaient d’être soulevées sur les capacités insuffisantes de l’EFSF ou sur l’insolvabilité de la Grèce, sans alerter pour autant les autorités européennes pour qui les pare-feu anticrise étaient alors amplement suffisants.

Déconvenues en Grèce et au Portugal.

Malgré cette bonne volonté affichée par les autorités, la situation allait progressivement échapper à tout contrôle. Les premiers contrecoups ont été observés en Grèce et surtout au Portugal, qui n’avaient profité que modérément d’un premier trimestre relativement calme. Sous la pression des agences de notation et, pour la Grèce, de la Troïka, les deux pays ont dû multiplier les plans d’austérité. Ainsi, début mars, le Portugal, pour conforter son objectif de 4,6% de déficit pour 2011, a annoncé de nouvelles mesures d’austérité. Des propositions qui n’ont pu malheureusement pas passer le cap du parlement et qui poussèrent le Premier Ministre de l’époque, José Socrates, à démissionner. La dette portugaise, déjà fragilisée sur le marché, a subi alors un sell-off dévastateur qui poussa le pays à demander l’aide de la zone Euro et du FMI et qui déboucha, un mois après (le 16/05), sur l’annonce d’un plan de 78Md€.

Parallèlement, la Grèce s’est enfoncée un peu plus dans la récession. Pour limiter son déficit, le pays a décidé de renforcer sa politique budgétaire via l’annonce de 76Md€ de mesures supplémentaires adossées à un programme de privatisations de 50Md€. Peine perdue, le déficit 2010 a été révisé à la hausse à 10,5%, amenant ainsi l’endettement du pays à un peu plus de 142% du PIB. Le constat, accablant pour la Grèce, a alors poussé les pays de la zone Euro à envisager l’impensable peu de temps avant: une restructuration de la dette grecque. C’est alors que s’est engagé un bras de fer qui allait durer plus de deux mois entre la BCE, qui ne voulait pas entendre parler de restructuration, et les pays de la zone Euro. Entre temps, S&P avait placé la note de la Grèce à CCC, la dernière marche avant le défaut et surtout la note la plus faible au monde accordée par l’agence.

Cette aggravation notable de la crise pour ces deux pays membres n’a pas déclenché immédiatement de hausse de l’aversion au risque. En effet, les spreads obligataires sont restés particulièrement stables au T2, offrant ainsi à la BCE une fenêtre de tir idéale pour augmenter ses taux d’intérêt directeurs afin d’effacer tout risque de dérapage inflationniste (même éphémère). Le premier resserrement de 25pb du mois d’avril a ainsi conforté la tendance à l’aplatissement des courbes souveraines AAA observé dès le début d’année 2011, permettant notamment au spread 2a – 10a allemand de perdre 70pb en l’espace de quelques mois.

La contagion s’étend

Malgré l’adoption récente de nouveaux plans d’austérité en Grèce et en Italie (plan de 47Md€ visant à ramener le déficit à 0 en 2014), les tensions se sont accrues un peu plus sur les dettes périphériques mais aussi sur les banques européennes qui devront subir une décote sur leur portefeuille de GGB grecs. Afin de clarifier la situation et de calmer les marchés, les autorités européennes se sont réunies une nouvelle fois dans le cadre d’un Sommet, le 21 juillet. Ce dernier a débouché tout d’abord sur un nouveau renforcement de l’EFSF qui, en plus de ses interventions sur le marché primaire, allait pouvoir acheter de la dette sur le secondaire. Surtout, il venait modifier les caractéristiques des prêts accordés aux pays sous assistance et présentait les modalités de restructuration de la dette grecque avec comme principe central la participation des investisseurs privés 3 . Ces derniers se sont alors accordés avec l’Etat grec sur un niveau de haircut allant jusqu’à 20% et une perte en NPV4 de 21%, la seule contrainte exigée par le Trésor grec étant une participation minimale des investisseurs de 90%. Avec un premier tabou brisé (celui d’une restructuration d’une dette souveraine en zone euro), les tensions n’ont cessé de s’accroître, amenant rapidement les rendements italiens et espagnols sur des niveaux de moins en moins confortables pour leur Trésors. C’est alors que la BCE a décidé de réactiver son Securities Markets Program, marquant d’ailleurs un changement radical de rhétorique de la part de la banque centrale. En contrepartie d’efforts budgétaires supplémentaires de l’Italie et, dans une moindre mesure, de l’Espagne, l’Institution acheta donc près de 90Md€ de BTP et de Bonos en 1 mois, des montants qui ne seront malheureusement pas suffisants.

En effet, l’instabilité politique de plus en plus importante en Italie, l’absence de vote rapide par les parlements européens des mesures présentées en juillet et la grogne de plus en plus importante vis-à-vis de la Grèce (qui ne respectait pas ses engagements en termes de consolidation budgétaire) ont continué à fragiliser un marché qui n’en avait pas besoin. Ceci s’est traduit donc dans un premier temps, par une remontée très rapide des rendements périphériques après le bref répit offert par la BCE et, dans un second temps, par un début de contagion aux pays du cœur. Cette dernière s’effectua notamment via le système bancaire européen, dont les niveaux de capitalisation ont rapidement été considéré comme insuffisants par le FMI (ceci ne faisant qu’aggraver la situation). Deux pays du cœur ont été alors rapidement mis sous pression: la France du fait d’une situation de ses finances publiques moins favorable et d’une exposition importante de ses banques aux dettes périphériques et l’Autriche compte tenu de son exposition aux pays d’Europe de l’Est. Il faut dire qu’un second tabou était tombé quelques semaines auparavant quand S&P décidait d’abaisser la note des Etats-Unis à AA+ début août. Par cette annonce, les agences rendaient alors un downgrading d’un voire plusieurs pays AAA de la zone Euro nettement plus vraisemblable. S’en suivit alors une ouverture marquée de tous les spreads obligataires européens, y compris au sein du cœur de la zone Euro ou la France et les Pays-Bas finirent par traiter à respectivement 200pb et 80pb de l’Allemagne sur la maturité 10 ans. L’Espagne et l’Italie, en première ligne depuis la mise sous assistance du Portugal en mai, ont alors vu leurs rendements obligataires atteindre des niveaux que de nombreux analystes jugeaient comme insoutenables (jusqu’à 7,25% pour les BTP 10 ans début novembre). Simultanément, la crise s’aggravait un peu plus en Grèce et en Italie, notamment sur le plan politique où George Papandréou et Silvio Berlusconi paraissaient de plus en plus isolés. Malgré le sommet du 21 juillet, la Troïka finit par réaliser que la Grèce ne pourrait honorer ses engagements et suspendit donc le versement des tranches d’aide.

Une réponse peut être insuffisante

Toujours avec un coup de retard et conformément à leurs habitudes, les pays européens ont proposé un nouveau sommet de la dernière chance, celui du 26-27 octobre. C’est alors un troisième tabou qui a été brisé : celui de la sortie éventuelle d’un pays de la zone Euro (même si, juridiquement, un tel événement est impossible). Et dans la continuité du sommet du 21 juillet, les pays membres ont décidé :

  • de renforcer une énième fois l’EFSF en démultipliant sa capacité de financement (via un système de garantie ou la création des SPV), toujours en quête de crédibilité auprès des investisseurs et n’ayant pu faire son retour sur le marché primaire ;
  • d’augmenter à 50% le niveau de haircut sur les titres grecs afin de ramener le niveau d’endettement du pays à 120% d’ici 2020.

Malheureusement, à la différence des précédents sommets, celui du mois d’octobre n’a pas permis de réduire les tensions sur l’obligataire. Le Premier Ministre grec a par ailleurs nourri certaines inquiétudes des investisseurs en proposant le 31 octobre un referendum sur le plan présenté quelques jours auparavant. Le rôle des banques n’a pas non plus été négligeable. Contraintes de renforcer leurs fonds propres, ces dernières ont réduit fortement la taille de leur portefeuille obligataire, accentuant ainsi l’ouverture des spreads et le sell-off sur les dettes périphériques (notamment l’Italie). Heureusement, l’Europe a réussi à retrouver un certain « ordre » sur le plan politique, notamment suite aux différents changements de gouvernements en Italie, Grèce et Espagne. Pour pallier sa relative passivité sur le marché secondaire et soutenir plus activement les banques, la BCE a décidé, avec Mario Draghi à sa tête, de baisser son taux directeur à 1% au mois de novembre et de renforcer sa politique non conventionnelle. Toujours dans la réaction, les pays européens se sont réunis une dernière fois début décembre pour apporter une demi-réponse au marché en proposant une modification des Traités européens, la mise en place de prêts bilatéraux entre les pays de la zone et le FMI (via les banques centrales) et en avançant la date d’activation de l’ESM à la mi-2012. En plus d’une repentification par le bas de nombreuses courbes souveraines (surtout AAA), ces événements ont permis une reconvergence des rendements obligataires européens sur la fin d’année sans pour autant écarter des menaces de downgradings toujours plus importantes (mise sous creditwatch de 15 pays de la zone Euro par S&P le 5 décembre). Ainsi, la France est revenue à près de 100pb de l’Allemagne sur la zone 10 ans et l’Espagne est repassée sous les 350pb. Seule l’Italie n’a profité que modérément de cette relative amélioration sur la fin d’année avec un spread contre Bund qui s’est maintenu au-dessus des 450pb. 2011 s’achève finalement sur une note d’espoir avec un LTRO5 3 ans de la BCE qui recueille près de 500Md€ d’ordres. Sur le papier, il s’agit du seul « bazooka » que la Banque accepte d’utiliser. Fortes de ces liquidités supplémentaires, les banques européennes sont désormais à même de pouvoir soutenir les Etats. La physionomie du marché obligataire 2012 dépendra certainement de leur engagement ou non. Le mois de janvier, avec la réouverture du marché primaire, nous offrira les premiers éléments de réponse.

Obligataire souverain $ et £ : la bonne affaire…

D’une certaine façon, la crise souveraine européenne a fait des heureux. Malgré des finances publiques dans un piteux état, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont passé une année 2011 relativement calme, du moins sur le marché obligataire.

Surperformance vis-à-vis de l’Allemagne

Les deux dettes ont en effet profité du maintien d’un niveau d’aversion au risque élevé tout au long de l’année et, malgré une qualité de crédit inférieure à celle de l’Allemagne, ont même réussi à surperformer le Bund. L’évolution la plus surprenante est d’ailleurs celle des Etats-Unis. Pénalisé par des blocages politiques incessants, le pays a perdu sa note AAA au mois d’août après un downgrading de S&P. Et malgré les menaces de plus en plus pressantes des autres agences, la dette américaine s’est portée comme un charme. Et il en va de même pour les Gilts britanniques bien que les obstacles (croissance faible, déficit et inflation élevés) aient été nombreux. Ainsi, les spreads TNotes-Bund et Gilt-Bund, qui traitaient autour de +40pb début 2011, sont revenus sur des niveaux proches de 0 en fin d’année. Cette surperformance absolue n’a pas débouché sur une modification de la hiérarchie des swap spreads. Ainsi, les marges allemandes restent 30 à 40pb plus larges que les marges américaines et britanniques, ce qui paraît logique compte tenu de la qualité de crédit supérieure des titres allemands. La situation est par contre bien différente sur le marché CDS où l’Allemagne affiche une prime deux fois supérieure (102pb contre 51pb pour les Etats-Unis). Cette année paisible, les marchés obligataires des deux pays la doivent à la zone Euro dont de nombreux émetteurs AAA ont été fragilisés mais pas seulement.

Le coup de pouce des banques centrales

Le Trésor US, qui a adjugé un peu plus de 2100Md$ de Treasuries sur l’année fiscale 2011, a profité d’un soutien de taille : celui de la Fed. En plus du lancement d’un programme d’achats (Quantitative Easing QE2) pour un montant de 600Md$ au cours du premier semestre 2011, du maintien à 0-0,25% des taux Fed Funds au moins jusqu’à la mi-2013 et du réinvestissement des tombées sur son portefeuille de titres, la Banque Centrale a lancé en fin d’année l’opération Twist pour 400Md$ afin de modifier la structure de son bilan (cf. partie « Contexte macroéconomique). En capant les taux sur les maturités courtes et en soulageant le Trésor sur les maturités longues, la Fed a donc maintenu voire accentué la baisse des taux américains, permettant ainsi à ces derniers d’atteindre des plus bas historiques. Outre-Manche, bien que l’inflation ait largement surpassé son seuil des 2% (moyenne de 4,5% cette année), la Banque d’Angleterre a finalement décidé d’augmenter la taille de son programme d’achats de Gilts (l’Asset Purchase Fund) de 200Md£ à 275Md£ au mois d’octobre. Une hausse non négligeable quand on sait que le trésor britannique, sur l’exercice 2011-2012, devrait émettre près de 167Md£ de Gilts (la BoE absorbera donc 45% du total offert par le DMO).

La bénédiction des monnaies de réserve

Si les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont réussi à financer facilement leurs déficits publics en 2011, c’est aussi grâce aux flux de capitaux étrangers. Les non-résidents ont été des acheteurs nets de Treasuries et de Gilts, ce qui s’est d’ailleurs traduit par une appréciation conséquente des deux monnaies à partir du T2.

Aux Etats-Unis, les Banques Centrales étrangères ont acheté des Treasuries afin d’éviter l’appréciation de leur taux de change vis-à-vis du dollar, la principale monnaie de réserve internationale. Quand aux Gilts, ils ont attiré les investisseurs étrangers souhaitant limiter le risque « euro » dans leurs portefeuilles. Ainsi, la livre sterling s’est vue attribuer le statut de devise refuge (ce qui n’est pas plus surprenant que le cas du dollar, malgré les fondamentaux dégradés des deux économies), pendant que la BoJ et la BNS intervenaient massivement pour stopper l’appréciation excessive de leurs monnaies.

Crédit : 2008 bis repetita ?

Tout comme l’année précédente, le crédit aura été dominé par la thématique de la crise des dettes européennes en 2011, avec une corrélation des spreads de crédit à leurs pairs souverains parfois proche des 90%. Certes un certain optimisme pouvait être permis au premier semestre, avec une rigidité des spreads IG (l’iTraxx Main est resté dans une fourchette serrée de 100-110 pb sur une bonne partie du semestre), et cela malgré les risques géopolitiques survenus alors. En dépit des poussées ponctuelles d’aversion pour le risque survenues en première partie d’année, le X-Over ne termine le semestre qu’à 400 pb, soit proche de son niveau du début d’année. Mais, à l’image de la tendance sur les autres marchés risqués, l’été 2011 a marqué un tournant important dans la perception du risque. Les principaux indices ont alors entamé un écartement incisif, approchant ou dépassant même parfois les niveaux record de 2008-2009. L’iTraxx Main a ainsi atteint un plus haut annuel de 207 pb (son maximum en décembre 2008 était de l’ordre de 215 pb). Le segment des Financières est celui qui a le plus souffert, avec un iTraxx Financières Senior qui casse la barre des 350 pb (210 pb était le plus haut atteint en 2008-2009). Au final les indices iTraxx clôturent l’année avec un écartement de 68 pb, 101 pb et 318 pb pour le Main, Financières Senior et Cross-Over respectivement (à 173, 278 et 755 pb), ce dernier ayant flirté avec les 850 pb durant les pires épisodes d’aversion pour le risque. Nous analysons les événements ayant marqué les marchés du crédit cette année en différenciant les segments (principalement les Financières vs les Corporates).

Banques : d’une crise sur les portefeuilles de dettes publiques à une crise de financement

L’année passée a été rythmée par les stress tests de l’EBA, destinés à jauger l’exposition des banques au risque souverain. Même si souvent controversés, ces stress tests ont fourni des premières indications sur le contenu des portefeuilles bancaires en dettes souveraines. Après un premier volet peu concluant en juillet (car sous-estimant l’ampleur des risques associés à la détention de titres publics), d’autres estimations d’impact de la crise souveraine sur le secteur bancaire ont été effectuées au quatrième trimestre sur la base d’une exigence en capital Core Tier 1 relevée à 9%. En octobre, ces estimations révèlent un besoin de recapitalisations de 106 Md€ pour l’ensemble des banques européennes, chiffre augmenté à 114 Md€ en décembre sur la base des positions de fin septembre 2011. Si les moyens privilégiés par les banques pour atteindre cette exigence en capital restent assez hétérogènes (augmentation de l’equity capital, cession d’actifs…), les risques s’orientent vers une contraction des bilans bancaires qui durcirait le credit crunch en Zone Euro. Une telle configuration serait d’autant plus problématique étant donné le contexte de croissance faible attendue l’année prochaine.

Cette menace de crédit crunch s’est amplifiée durant le deuxième semestre avec l’explosion des coûts de financement bancaire. En l’espace de 6 mois, les spreads ont plus que doublé, tous segments confondus, allant même jusqu’à atteindre la dette senior dont les spreads sont passés de 120 pb en moyenne en juin à 241 pb fin décembre. En conséquence, les Financières ont été quasi absentes du marché primaire au second semestre, avec 52 Md€ d’émissions sur la deuxième partie d’année contre une moyenne historique de 145 Md€ sur les seconds semestres de ces dix dernières années. L’aversion pour le risque s’est même étendue aux obligations sécurisées avec des spreads covered européens qui se sont écartés de 75 pb en moyenne durant le second semestre. Si les obligations les plus affectées ont logiquement été celles de la périphérie, les spreads covered français et allemands se sont respectivement écartés de 86 pb et 26 pb sur cette période. Cette spirale infernale a ainsi conduit la BCE à rouvrir son programme d’achat de covered bonds en octobre dernier (CBPP2), cela pour un montant de 40 Md€. Bien que les opérations aient débuté en novembre, elles ont eu très peu d’impact sur les spreads covered qui sont restés orientés à l’écartement. Ainsi, à l’image des autres segments du crédit, les émissions du marché covered ont été plus sporadiques en fin d’année, souvent rythmées par des flux opportunistes dès lors qu’une fenêtre de repli de l’aversion pour le risque était identifiée (259 Md€ au total ont été émis sur le segment des covered en 2011). Cependant, les rumeurs d’extension du programme de rachat de covered bonds par la BCE l’année prochaine, ainsi que la décision de la Commission Européenne en fin d’année de réactiver le dispositif de garanties des dettes bancaires par les états (pour les dettes seniors et covered) devraient constituer, (au moins pour celles des pays core) un certain soutien au financement des banques.

Signe de l’ampleur de la problématique de financement bancaire, le recours à la BCE a considérablement augmenté en 2011. Un éventail de mesures a été déployé au second semestre afin de faciliter à la fois le financement des banques à moyen terme et la liquidité sur le marché interbancaire (introduction de 2 LTRO d’une maturité de 3 ans par la BCE, action concertée des banques centrales pour diminuer le coût de funding en dollar, voir partie Politique monétaire). Ces mesures ont contribué à contenir la tendance à l’écartement des spreads interbancaires. Dans ce sens, la crise ayant affecté les banques en 2011 diffère de celle de 2008 où le marché interbancaire était entièrement grippé et l’accès à la liquidité rendue impossible.

Corporates : Des fondamentaux encore solides

En ligne avec l’explosion de l’aversion pour le risque cet été, les spreads corporates se sont violemment écartés pour flirter avec les 180 pb en novembre (indice iBoxx Non- Financières). L’indice termine l’année à 174 pb, soit un écartement de 70% relativement aux niveaux du début d’année. Si l’impact de la crise souveraine est généralisé à l’ensemble du marché du crédit, nous faisons un point sur les fondamentaux des entreprises non-financières en 2011, celles-ci présentant des sensibilités au risque souverain plus faibles que les Financières.

En termes de ratings tout d’abord, suite aux nombreuses dégradations de notes souveraines en Zone Euro, on observe une augmentation des downgrades des corporates européens : notre ratio Upgrade/Downgrade (UD) se dégrade en particulier au T4 pour terminer l’année à -0,16 au global. Malgré ce repli logique de la qualité de crédit des corporates, techniquement influencée par celle des souverains, notre indicateur montre une situation nettement moins dégradée par rapport aux Financières, qui affichent, elles, un ratio UD de -0,9 en 2011. Aux Etats-Unis, en relatif, les dégradations de ratings corporates ont été moins importantes en 2011, notre ratio UD s’établit à +0,12 en 2011, soit un nombre plus important d’upgrades que de downgrades. Autre élément plutôt positif, la vague de downgrades ayant affecté l’Europe ne s’est pas encore soldée par une augmentation des défauts. Seuls 9 défauts sont recensés par Moody’s en Europe en 2011 contre 21 aux Etats-Unis. Les taux de défaut restent donc à des niveaux plutôt faibles : à 2,5% pour le taux de défaut HY en Europe et à 2% aux US.

Cette situation peut s’expliquer par une santé financière globalement saine chez la plupart des entreprises européennes, avec des positions en liquidités toujours importantes, constituées suite à la crise de Lehman (les ratios de Free Cash Flow/Dette nette des corporates européens restent en moyenne positifs tandis que le rapport dette/EBITDA tend plutôt à diminuer, voir Spreads & Credit, Allocation Crédit 2012, 14.12.2011). A ce titre, les émissions corporate en 2011 totalisent 132 Md€, soit un montant net de « seulement » 15 Md€ (les tombées en 2011 s’élèvent à 117 Md€), contre 57 Md€ d’émissions nettes en 2010. Certes, ce faible montant s’explique en partie par la forte aversion pour le risque au T3 qui a conduit à la quasi fermeture du marché primaire corporate sur cette période (seulement 19 Md€ ont été émis, répartis entre juillet et septembre, avec des émissions corporate nulles en août). Mais au global l’attitude plutôt prudente des émetteurs Non-Financières et ainsi le niveau d’endettement net relativement faible en 2011 constituent un facteur technique plutôt positif pour les marchés du crédit.

Seul bémol : les conditions de crédit bancaire auxquelles les corporates sont confrontées. Les enquêtes publiées par la BCE révèlent en effet un début de durcissement des conditions d’octroi de prêt des banques aux entreprises. Si un tel constat inquiète moins du côté des grandes entreprises étant donnée leur situation financière globalement saine comme vu plus haut, cela est plus inquiétant pour les PME par nature plus cycliques et dépendantes du crédit bancaire. Notre scénario intègre un crédit crunch modéré l’année prochaine; la situation financière des PME sera donc à surveiller dans un contexte de ralentissement du crédit bancaire.

Autre facteur marquant en 2011 : la forte discrimination sectorielle au sein des marchés du crédit. Ainsi, les secteurs des Media, de la Construction et de l’Energie ont connu les moindres écartements sur l’année, avec respectivement 51 pb, 69 pb et 45 pb (soit environ 50% de leur niveau du début d’année selon les indices iBoxx). Inversement, les spreads de l’Automobile et de la Technologie ont quasiment doublé pour atteindre 130 pb et 205 pb respectivement. Les secteurs des Telecom et Matières Premières subissent quant à eux des écartements relatifs en ligne aves les indices globaux, soit 79 pb et 98 pb respectivement, alors que les Biens et Services Industriels, l’Alimentaire, la Chimie et les Utilities affichent un écartement relatif légèrement plus marqué (> 70% du spread du début d’année), avec 103 pb, 43 pb, 57 pb et 78 pb respectivement.

Sur le High Yield, l’année 2011 aura été caractérisée par une certaine résistance du segment. Au global, les spreads High Yield européens (indice Merrill Lynch) s’écartent de 289 pb sur l’année, soit un écartement relatif de « seulement » 59% (contre 70% pour les Corporates IG). Cette performance relativement moins dégradée s’explique à la fois par une moindre sensibilité au risque souverain comparativement aux meilleures notations, et par des fondamentaux plutôt favorables au segment (repli des taux de défauts, amélioration du newsflow macro aux US en fin d’année…). Ce contexte aura permis aux émetteurs High Yield d’être très présents sur le marché primaire en 2011 : les émissions High Yield s’élèvent ainsi à 23 Md€ sur l’année, soit 18% des émissions corporate (un chiffre proche de celui de 2010, par opposition à une moyenne annuelle de 8% sur les années 2000-2009).

Résistance de la performance totale en 2011

La dispersion au sein des marchés du crédit, à la fois en termes de fondamentaux (financières vs non-financières, core vs périphérie) et de degrés de sensibilité au risque souverain permet à la classe d’actifs d’afficher une certaine résistance dans sa performance totale en 2011. Les dettes core bénéficieront d’un effet taux plutôt positif puisque les souverains AAA € (indice Merrill Lynch) présentent une performance totale de 7% sur l’année. Au final, les Financières affichent une performance totale de -0,5% (indice iBoxx) tandis que les Non-Financières procurent +3,9% de performance en 2011. Le High Yield € ne perd lui « que » 2,5% en total return, performance relativement honorable quand on sait que l’EuroStoxx se replie de 15% sur l’année (net return). L’arbitrage US/Europe aura également été porteur en 2011 puisque les corporate US procurent une performance totale de +9,9% sur l’année alors que le HY US reste en territoire positif pour afficher +4,4% en 2011. La dette émergente procure également une performance attractive sur l’année (+8% pour les indices EMBIG et GBI6), cela malgré les flux de capitaux sortants des zones émergentes au second semestre (décollecte nette). Ainsi, à la différence de la période post-Lehman, les marchés du crédit ont conservé dans leur ensemble des opportunités d’arbitrages profitables en 2011, cela malgré la prédominance du facteur souverain et l’explosion de l’aversion pour le risque au second semestre.

Actions: l’apprentissage de la navigation en eaux troubles

Alors que les bourses européennes et américaines avaient commencé l’année en fanfare, portées par l’optimisme d’une reprise de la croissance et d’une résolution rapide de la crise souveraine via l’EFSF, ce sont finalement la déception et l’aversion pour le risque qui auront caractérisé l’année 2011. L’accumulation des facteurs de risques a attisé la nervosité des investisseurs et déclenché des réactions disproportionnées, comme des spirales de flux vendeurs, décourageant la détention d’actions. Ainsi, à l’exception des mois de janvier et février, les mutual funds américains investis en actions domestiques ont subi une décollecte nette tout au long de l’année au profit des fonds obligataires. De manière plus générale, cette décollecte s’observe en moyenne sur l’ensemble des fonds actions développés et émergents à partir du second semestre.

Au final, si les places boursières mondiales ont globalement souffert sur l’année (-7,4% pour l’indice MSCI World), on note une nette différence entre l’Europe et les pays émergents d’une part (-18,1% et -20% respectivement pour l’Eurostoxx et l’indice MSCI EM) et les États-Unis d’autre part (+5,6% pour le Dow Jones Industrial, S&P 500 stable). L’environnement aura en effet surtout été marqué par les préoccupations sur les dettes souveraines européennes. L’absence de fédéralisme au sein de la zone euro et les difficultés des gouvernements à s’accorder sur les solutions à apporter à la crise, auront entrainé une défiance généralisée des investisseurs vis-à-vis des bourses du vieux continent. Parallèlement, la confiance est progressivement réapparue durant l’année vis-à-vis du marché américain à mesure que le spectre de la récession s’éloignait. Sur le front économique et politique, les États-Unis auront pourtant également connu leur lot de difficultés : une croissance économique inférieure au potentiel, un imbroglio politique autour du relèvement du plafond de la dette américaine ayant conduit à la perte du AAA. Cependant, les publications de résultats d’entreprises ont constitué un élément de soutien majeur, réussissant à surprendre à la hausse un consensus déjà très optimiste : la croissance attendue des bénéfices au titre de l’année 2011 a oscillé entre 15 et 16%.

Rappelons en effet que les marges et la profitabilité des entreprises américaines auront atteint des niveaux record cette année, dans le sillage du mouvement entamé depuis l’année 2010. En revanche, en Europe le consensus sur les bénéfices des entreprises s’est progressivement ajusté à la baisse, reflétant les anticipations de croissance économique. Ainsi, en fin d’année, la croissance annuelle attendue des bénéfices de l’Eurostoxx en 2011 était négative en novembre avant de rebondir légèrement en décembre (-2% puis +2%. En ce qui concerne les pays émergents, ils ont été pénalisés par un climat d’inquiétudes sur la solidité de leur croissance et par leur sensibilité au ralentissement de l’économie mondiale. Très tôt dans l’année les investisseurs ont opéré une réallocation de leurs portefeuilles en faveur des marchés développés, plusieurs sources d’incertitude émanant des zones émergentes : risque géopolitique avec le printemps arabe, risque de dérapage inflationniste avec la hausse des prix du pétrole, ou encore de ralentissement économique.

Toutefois, alors qu’au premier trimestre les craintes semblaient circonscrites à des zones économiques bien identifiées (émergents, Japon suite au séisme et au tsunami), elles se sont par la suite globalisées pour prendre une dimension parfois systémique à partir de l’été. Ce changement de perception du risque est visible à travers l’évolution de la volatilité implicite du marché actions américain, (le VIX), restée dans une fourchette basse au premier semestre (18 en moyenne) pour remonter en deuxième partie d’année (31 en moyenne), marquant même un pic à 50 au mois d’août. Dès le début du deuxième semestre, le news flow s’est en effet dégradé sur tous les fronts de part et d’autre de l’Atlantique, l’abaissement de la note des États-Unis (pour la première fois de leur histoire) ayant mis le feu aux poudres, suivi des doutes sur la croissance américaine (et donc sur la croissance mondiale) et de l’intensification du risque souverain en zone euro. Les principales bourses enregistrent au mois d’août leurs plus lourdes pertes de l’année, l’Eurostoxx cédant 12.9% et le S&P500 5.7%. Au sein de la zone euro, le DAX réalise même la plus mauvaise performance (-19,2% en août) ce qui témoigne de l’ampleur de la propagation des risques à tous les marchés actions, pays Core comme non-Core. D’un point de vue sectoriel, on retiendra l’effondrement des valeurs bancaires européennes sur l’été (sous performance de 7% vis-à-vis de l’Eurostoxx en juillet-août) en raison de leur exposition aux souverains périphériques et de rumeurs persistantes sur leur fragilité et leurs besoins de recapitalisation.

Par la suite, le marché est resté focalisé sur les développements de la crise européenne, évoluant au gré de l’enchainement des sommets au sein de la zone euro. Caractéristique générale du mouvement : si l’espoir a été de mise avant chaque réunion des dirigeants de la zone euro, l’enthousiasme des investisseurs est bien souvent retombé face à l’absence de solution claire et rapide pour résoudre la crise. L’exemple des mois d’octobre et de novembre caractérise bien ce va-et-vient des investisseurs en actions oscillant entre mode risk-on (appétit pour le risque) et mode risk-off (à la recherche de valeurs refuge). En octobre, les marchés ont rebondi suite au vote de l’ensemble des parlements européens sur l’extension de l’EFSF et aux avancées de l’accord du 26 octobre pour enrayer la crise grecque. L’Eurostoxx a ainsi progressé de 8.4%, le FTSE 100 de 8.1%, et le S&P500 de 10.6%, soit pour ce dernier la plus forte hausse sur un mois depuis 1991. Néanmoins, cette euphorie a été de courte durée puisque suivie d’une rechute des actions en novembre (-2.6% pour l’Eurostoxx, -0.7% pour le FTSE 100 et -0.5% pour le S&P500). L’annonce par le premier ministre grec, G. Papandréou, de la probable tenue d’un référendum dans le pays, puis son annulation, a notamment fait partie des éléments anxiogènes du mois.

En termes de performances géographiques, au sein de la zone euro on constate sur l’année une réduction considérable de l’écart entre pays du nord et pays périphériques, soulignant un manque de visibilité sur la zone dans son ensemble. D’une part, les indices du nord, caractérisés par une plus forte exposition à la croissance internationale, ont été affectés par les craintes de ralentissement dans les pays émergents (DAX -14,7%, AEX – 12,3%, OMX -30,1%). D’autre part, les interventions de la BCE pour redonner de la liquidité à l’Italie et à l’Espagne, via l’achat de titres souverains (SMP), ont permis d’éviter une plus forte chute des bourses de ces pays. Ainsi, l’IBEX limite ses pertes et cède 13,1% sur l’année. Quant au FTSE MIB, il enregistre -25,2%. La Grèce affiche elle la pire performance des indices européens, l’Athex reculant de 52,2% sur un an, plombé par l’effondrement de son secteur bancaire. La France se situe en milieu de peloton, le CAC40 enregistrant une performance de -17,9% sur l’année.

D’un point de vue sectoriel, l’opposition entre cycliques et non cycliques est clairement marquée en Europe sur un an, les non cycliques ayant amorti les pertes au niveau global (performance de 5,4% pour les non cycliques vs -11,8% pour les cycliques), notamment le secteur de la santé (+10% vs -10,6% de performance pour l’indice global 7 ). En revanche, aux Etats-Unis les utilities se sont particulièrement distinguées, réalisant +14,8% de performance sur l’année (alors que le marché est resté stable). La santé, l’énergie et la technologie terminent également sur une performance positive. Enfin, les larges caps sont apparues plus robustes aux chocs de diverse nature, et ont surperformé les small & mid caps à la fois en Europe et aux États-Unis.

Matières Premières : entre géopolitique, catastrophes naturelles et ralentissement macroéconomique

Au début de l’année, les émeutes qui ont touché le Moyen- Orient et l’Afrique du Nord, suscitées en partie par la hausse des prix des denrées alimentaires, ont abouti à la chute de nombreux gouvernements. Ces événements, particulièrement la perte des 1,7 Mb/j de brut libyen, ont fortement perturbé les marchés pétroliers, tirant les cours du brut jusqu’à plus de 120$/b. Alors que l’année se termine, la perspective de nouvelles tensions dans des pays tels que l’Iran reste un risque important. Dans de nombreux pays de l’OPEP, les gouvernements en place, cherchant à conforter leur pouvoir, ont fortement accru les dépenses publiques, augmentant les salaires, les transferts sociaux et les investissements dans les infrastructures. Ces décisions, s’ajoutant aux tendances démographiques à l’œuvre ont porté le prix du baril qui assure l’équilibre des budgets publics aux environs de 90$/b en 2011, et ce prix d’équilibre va poursuivre sa hausse au cours des prochaines années pour dépasser les 100$/b.

En conséquence, l’objectif de prix de l’OPEP a nettement augmenté, et on peut s’attendre à ce que les pays membres de l’organisation agissent pour soutenir les prix si le cours du Brent tombe sous les 100$/b. En l’absence du brut libyen, reconnaissant que les capacités disponibles de l’OPEP étaient insuffisantes à court terme, l’AIE a pris la décision exceptionnelle de prélever 60 millions de barils de brut et de produits pétroliers sur les stocks stratégiques, afin de tenter de limiter la hausse des cours. Cette mesure a atteint son but, laissant à l’Arabie Saoudite le temps suffisant pour mettre en service de nouvelles capacités. Elle a toutefois suscité entre les pays membres de l’OPEP et ceux de l’AIE des tensions qui pourraient s’aggraver à l’avenir, donnant une nouvelle dimension politique aux estimations de l’offre et de la demande publiées chaque mois par ces deux organismes.

En mars, la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon a fortement affecté les chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale, en raison de la pénurie de pièces détachées essentielles fabriquées au Japon, et les conséquences ont été particulièrement sérieuses dans le secteur de l’automobile et l’électronique. S’agissant de l’approvisionnement énergétique, l’arrêt progressif des capacités nucléaires japonaises au cours des mois suivant la catastrophe a réduit la production électrique tout en augmentant la demande d’énergie thermique. En conséquence, les demandes japonaises de pétrole et de gaz ont augmenté d’environ 200 kb/j et 800 000 t/mois respectivement. Alors que la dernière centrale nucléaire japonaise devrait fermer en avril, le Japon doit satisfaire dans l’urgence ses besoins énergétiques. Le Japon n’a pas été le seul pays à abandonner l’énergie nucléaire, l’Allemagne ayant décidé d’y renoncer d’ici 2022, au profit des énergies solaire et éolienne.

Dans les économies en développement, les autorités monétaires sont devenues de plus en plus strictes, la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires tirant l’inflation bien au-delà des objectifs des banques centrales. Les politiques de lutte contre l’inflation se sont traduites par des relèvements des taux d’intérêts et des mesures quantitatives telles que la hausse des ratios de réserves obligatoires et le contrôle administratif des prix de certains produits finis. Sur les marchés pétroliers, ces tendances se sont traduites par une forte contraction des marges de raffinages des compagnies chinoises et indiennes. En Chine, la hausse des cours du brut au-delà des 120$/b s’est traduite par des marges de raffinage négatives. De ce fait, les taux d’utilisation des raffineries ont fortement baissé pendant l’été. Au cours des mois suivants, cette politique de resserrement monétaire a commencé à produire ses effets, suscitant un ralentissement brutal de l’activité amplifié par l’impact de la crise européenne. Lorsque l’inflation générale a enfin commencé à baisser, les autorités monétaires des pays en développement ont opté pour une politique d’assouplissement qui devrait soutenir l’activité et donc la demande en matières premières de ces pays.

Sur le marché du pétrole, un différentiel croissant s’est développé cette année entre les cours du brut léger et celui des principaux mélanges de référence. Le brut en provenance du Canada et des gisements de schistes bitumineux en plein développement s’accumulant à un rythme non soutenable à Cushing, les cours du brut léger (dont le point de livraison se situe à Cushing) ont progressivement décroché de ceux du LLS et du Brent, le marché devant intégrer des moyens de transport plus coûteux entre Cushing et le Golfe du Mexique. Au final, les spreads de plus de 30$/b entre le WTI et le Brent n’ont pu se maintenir, les investissements réalisés dans les infrastructures de transport ferroviaire du brut menaçant de dissoudre le goulot d’étranglement de Cushing. L’annonce récente de l’inversion de l’oléoduc Seaway entre Cushing et le Golfe du Mexique d’ici la mi-2012 indique que ces spreads vont très bientôt revenir à leur niveau habituel.

Les cours des métaux de base ont commencé l’année à des niveaux élevés, après avoir beaucoup augmenté en 2009 et 2010. Au cours des premières semaines de l’année, les cours du cuivre ont dépassé les 10 000$/t en anticipation d’un fort déficit à l’échelle mondiale. Les prix sont restés élevés jusqu’à l’été, bien qu’une série de risques macro- économiques aient commencé à exercer une pression baissière au second semestre. Sur le marché du cuivre, les prix ont été tirés à la baisse, le déficit très attendu ne s’étant pas matérialisé, notamment en raison d’une période de fort déstockage en Chine qui s’est prolongée jusqu’en juillet. Pas moins de 900 000 t de cuivre ont été prélevés sur les stocks plutôt que sur la production courante, ce qui s’est traduit par des estimations très contrastées de la demande chinoise, allant de -3% à +8,5%, selon que les mesures se fondent sur la demande apparente ou sur une estimation de la demande finale. Depuis août, la demande apparente chinoise a atteint de nouveaux plus hauts, à plus de 800 000 t/mois, suggérant que la période de déstockage est désormais clairement terminée. En 2012, même si la demande chinoise devait ralentir à 5 ou 6%, l’impact sur les importations serait proche de celui d’une croissance au rythme de +12%, et le déficit mondial pourrait être plus important que prévu (300 000 t ou davantage) si une période de restockage s’annonçait.

Le marché de l’aluminium a été caractérisé cette année par le basculement du marché chinois de l’excédent à un déficit potentiel. La Chine étant confrontée aux conséquences du prix élevé des importations de charbon et autres produits énergétiques, il devient progressivement moins rentable de produire de l’aluminium affiné et des autres produits de base en aluminium. La Chine devrait donc devenir importatrice nette d’aluminium, même si cette évolution pourrait être temporairement retardée par une modification des rabais sur la TVA, en vue d’encourager la reconversion de l’industrie de l’aluminium vers les produits à plus forte valeur ajoutée. Une autre caractéristique du marché de l’aluminium en 2011 a été la difficulté de retirer du métal de certains entrepôts très densément occupés, ce qui a contribué à maintenir les primes physiques à un niveau élevé aux États-Unis, malgré l’existence de stocks d’environ 4,5 Mt dans les entrepôts du LME. En 2012, compte tenu du doublement des frais de livraison dans les grands entrepôts du LME, et de l’abondance de la production américaine de gaz bon marché qui devrait favoriser une importante production d’aluminium aux États-Unis, nous pensons que les primes physiques devraient se maintenir à un niveau élevé.

Métaux précieux

Les prix de l’or ont atteint en moyenne environ 1 700$/once en 2011, gagnant 28% par rapport à 2010. Au cours de l’année, la demande d’investissement chinoise et la demande du secteur de la bijouterie en Inde ont été, avec une réapparition des achats des banques centrales, les principaux facteurs de soutien des cours. Il est peu probable que les investisseurs indiens, qui privilégient les placements à très long terme, se détournent du métal jaune. Les achats des banques centrales devraient également perdurer, les pays en développement cherchant à diversifier leurs réserves de change, largement constituées de dollars. Les banques centrales (en quasi-totalité dans les pays en développement) ont effectué des achats nets de 236 t en 2011. S’agissant de 2012, nous nous demandons si l’or conservera sa popularité auprès des investisseurs chinois si les autorités publiques adoptent désormais une politique de soutien à la croissance.

Les cours de l’or ont atteint cette année un plus haut de 1 923$/once, les investisseurs cherchant un placement refuge lorsqu’ils ont été confrontés cet été à une crise potentielle de la dette souveraine des deux côtés de l’Atlantique. Malgré une hausse considérable, les fortes fluctuations des cours de l’or ont toutefois eu pour conséquence d’affaiblir le statut de valeur refuge du métal jaune. En septembre, les cours de l’or ont chuté de 15% en l’espace de trois jours après un relèvement des marges initiales sur le Comex. Depuis début novembre, l’or est devenu de plus en plus corrélé aux autres matières premières : ainsi, la corrélation glissante à 3 mois entre l’or et l’indice S&PGSCI s’établit actuellement à 0,8.

L’argent a démarré l’année avec une hausse prometteuse de 57% entre le 1er janvier et le 28 avril, mais en mai et en septembre, lorsque les marges initiales ont été relevées, il a perdu environ 30% en moins d’une semaine. L’industrie électronique (qui est une source essentielle de demande d’argent) a très bien commencé l’année grâce à la croissance des pays en développement. Toutefois, après le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon, la crise européenne et le resserrement progressif des conditions monétaires dans les pays en développement, la demande d’argent de l’industrie électronique a progressivement diminué. En conséquence, le prix de l’argent n’est pas parvenu à retrouver les plus hauts atteints en avril à plus de 48$/once. La demande d’investissement a également chuté, les stocks détenus par les fonds ETF physiquement adossés baissant de 1 300 t par rapport aux plus hauts d’avril. En 2012, nous ne pensons pas que l’argent puisse retrouver sa popularité auprès des investisseurs.

Début 2011, avec les restrictions sur les ventes d’automobiles dans les villes chinoises et les perspectives de durcissement monétaire dans les pays en développement, nous avions été prudents quant aux perspectives des métaux de la famille du palladium. Depuis le début de l’année, les prix du palladium et du platine ont perdu 15% et 14% respectivement. Le ralentissement du marché automobile dans les pays en développement a été particulièrement négatif pour le palladium, tandis que la demande des métaux de la famille du palladium a également faibli en raison du tremblement de terre et du tsunami au Japon, qui ont suscité une réaction en chaîne aboutissant à un freinage brutal de la production automobile au Japon et ailleurs dans le monde au T2.

Produits agricoles

Soutenus par des fondamentaux très tendus en raison de mauvaises conditions météorologiques, de stocks de début de saison très faibles et d’une forte demande, les prix des produits agricoles ont fortement augmenté entre la mi-2010 et le T1 2011 : les prix du blé ont progressé de plus de 80%, les prix du soja de 50% tandis que les prix du maïs et du sucre doublaient presque (+90%). Après ce fort rally, les prix des céréales, des oléagineux et du sucre ont subi une correction modérée depuis le T3 2011, mais se sont maintenus à des niveaux élevés pendant l’essentiel de l’année 2011.

Au cours du premier semestre, les prix des produits agricoles ont bénéficié du soutien du printemps arabe, les gouvernements de plusieurs États d’Afrique du Nord et du Moyen Orient ayant accru leurs importations de produits agricoles en vue de garantir la stabilité politique. Les prix du blé ont atteint début février un plus haut de deux ans à 8,86$/b, tandis que les cours du sucre atteignaient un plus haut de 20 ans à 35,31 USc/l dans le même temps. Les cours du maïs ont profité de fondamentaux qui n’avaient jamais été aussi tendus depuis plusieurs années : avec un ratio stocks sur consommation au plus bas depuis 1974 à l’échelle mondiale (à 12,6%), depuis 16 ans aux États-Unis (estimé à 6,7% en 2012), et une demande soutenue, notamment de la Chine, les cours du maïs ont atteint un plus haut historique en avril et s’échangent depuis aux environs de 8$/b. Les cours du soja, malgré une offre abondante, ont profité de la forte demande chinoise et ont atteint un plus haut de 2 ans à 14,5$/b fin août. Dans le même temps, le conflit politique en Côte d’Ivoire a provoqué une hausse de 32% des cours du cacao entre janvier et mars.

Les récoltes ont profité cette année de meilleures conditions météorologiques. Les pays de la mer Noire ont mis fin en juillet à l’embargo sur les exportations qui était en vigueur depuis le S2 2010, et ont augmenté en conséquence leurs exportations, notamment de blé. En Amérique du Sud, la récolte de soja a été bonne, et la production indienne de sucre s’est totalement redressée. S’ajoutant à la détérioration des perspectives économiques mondiales, ces fondamentaux moins solides ont tiré les cours des produits agricoles à la baisse depuis la fin août, débouchant sur des chutes de 20 à 30% sur l’ensemble des marchés.

FX : les valeurs refuge plébiscitées !

Au cours de l’année 2011, les devises refuge (JPY, CHF, USD) ont de nouveau enregistré les meilleures performances face à l’aggravation de la crise souveraine européenne et à la multiplication des signaux de ralentissement de la croissance mondiale. Sachant qu’ils s’apprécient de manière continue depuis le début de la crise des subprimes en 2007, le JPY et le CHF ont atteint en 2011 des niveaux de valorisation historiquement élevés en termes de taux de change effectif nominal. Cela a incité les banques centrales japonaise et suisse à réagir pour limiter l’appréciation de leur devise, et par là, les pressions déflationnistes. Cependant, ces deux banques centrales n’ont pas réagi de la même manière.

La Banque du Japon est intervenue de manière massive sur le marché des changes tout au long de l’année. Par solidarité, les grandes banques centrales sont intervenues de manière concertée pour limiter l’appréciation du yen après la catastrophe de Fukushima en mars. En revanche, la Banque du Japon est intervenue de manière unilatérale en août et en octobre. Si l’intervention concertée de mars n’aura coûté que 10Mds$, les deux autres interventions auront été respectivement de près de 60Mds et de 160Mds. Cela souligne ainsi que les interventions concertées de banques centrales sont plus efficaces. En fin d’année, l’USDJPY s’est donc stabilisé au dessus de 76 en raison des craintes de nouvelles interventions de la BOJ.

Face à l’inefficacité des interventions ponctuelles sur le marché des changes, la Banque Nationale Suisse a changé de stratégie en fin d’année en adoptant un taux pivot à 1,20 sur la parité EURCHF qu’elle a décidé de défendre quel que soit le coût en termes de liquidité. Cette stratégie s’est avérée payante puisque l’EURCHF est demeuré au-dessus de 1,20 malgré la baisse continue de l’euro. La seule crainte d’une intervention forte de la BNS a suffi pour réduire les pressions haussières sur le CHF et cela s’est même traduit par une baisse des réserves de changes. Dernièrement, la baisse des prix à la consommation en fin d’année (-0,5% en GA en novembre) a encore entretenu les craintes d’un relèvement du taux pivot de la BNS jusqu’à 1,25, voire 1,30 afin de réduire les pressions déflationnistes. Dans ce contexte, l’EURCHF s’est maintenu au-dessus de 1,23 malgré la baisse de l’euro.

Avec des marchés n’hésitant plus à anticiper la sortie d’un pays de la zone euro, voire l’explosion de la zone face à l’absence de solution viable à la crise souveraine européenne, le dollar a également joué le rôle de valeur refuge en dépit d’une politique économique ultra accommodante et d’un déficit courant toujours important. Dans un contexte de risques systémiques croissants liés à la fragilité des banques, le dollar est particulièrement favorisé sachant qu’il reste la devise la plus liquide au monde. De même, le billet vert a aussi été soutenu par la raréfaction de la liquidité dollar, les banques européennes et dans une moindre mesure asiatiques ayant le plus grand mal à se ravitailler en dollar face à la méfiance des fonds monétaires américains. En fin d’année, l’amélioration des indicateurs économiques américains témoignant d’une croissance plus ferme outre Atlantique a repoussé la nécessité d’un Quantitative Easing plus agressif que ce qui a été fait jusqu’à présent, ce qui a également été positif pour le dollar.

Contre toute attente, le GBP a également fait office de valeur refuge en 2011 malgré des fondamentaux économiques particulièrement médiocres et le renforcement de la politique quantitative de la BOE. Mais les craintes d’une éventuelle dislocation de la zone euro ont favorisé les devises plus liquides à savoir le dollar et le sterling. Dans ce contexte, le GBP est demeuré ferme contre USD et EUR. L’EURGBP testait ainsi en fin d’année le niveau de 0,84 après avoir atteint un plus haut de près de 0,91 en début d’année.

Avant de chuter en décembre jusqu’à 1,29 contre USD, l’euro a fait preuve d’une certaine résistance tout au long de l’année 2011 malgré le flot de mauvaises nouvelles, dont l’annulation d’une grande partie de la dette grecque, et surtout la contagion de la crise aux grands pays européens dont l’Italie et la France avec une menace de perte de la note AAA pour la plupart des pays européens. De fait, les sommets qui se sont succédé en 2011 ont permis de réaliser un certain nombre d’avancées mais n’ont jamais apporté une solution à la crise actuelle, qui consisterait à mettre en place les mécanismes de transferts entre les pays, nécessaires à la viabilité d’une zone monétaire hétérogène. Par ailleurs, la BCE refuse toujours le rôle de prêteur en dernier ressort qui rassurerait les investisseurs sur la solvabilité des états européens. L’euro est aussi pénalisé par des mauvaises nouvelles économiques avec une croissance négative fin 2011-début 2012 alors que la croissance américaine resterait en territoire positif. Enfin, la monnaie unique a pâti de la baisse des taux directeurs de 50pb jusqu’à 1%.

Les devises liées aux matières premières telles que l’AUD, le NZD, le CAD ainsi que les devises émergentes ont corrigé après avoir testé des plus hauts historiques au 1er semestre 2011. En particulier, l’AUDUSD était passé temporairement au-dessus de 1,10. Mais la forte hausse de l’aversion au risque, liée à l’intensification de la crise souveraine européenne et aux signaux de ralentissement de la croissance asiatique très consommatrice de matières premières, a pesé sur l’ensemble de ces devises. L’AUD a également été pénalisé par la baisse des taux directeurs de la RBA de 50pb jusqu’à 4,25%. Les autres devises « commo », NZD et CAD, ont également pâti de la prudence de leur banque centrale respective. De leur côté, les devises émergentes ont particulièrement souffert au second semestre en réaction à la hausse de l’aversion au risque et aux sorties de capitaux de ces pays. Les devises d’Europe de l’Est ont particulièrement corrigé compte tenu des liens de leurs économies avec celles de la zone euro. Pour sa part, la NOK a relativement bien résisté cette année. Même si elle corrige légèrement en termes de taux de changes effectif nominal, elle a de fait joué elle aussi un peu le rôle de valeur refuge sachant que la Suisse et le Japon ont décidé de limiter l’appréciation de leur devise. Compte tenu de fondamentaux très positifs caractérisés par un excédent de sa balance courante et budgétaire et par une des meilleures signatures AAA, la NOK a été une alternative aux devises refuges classiques d’autant que le cours du pétrole est demeuré relativement stable au dessus de 100$/b.

Dans un tel environnement, la volatilité implicite des taux de change a augmenté en ligne avec celle des actions, en particulier sur les devises « commo ». Sur l’EURUSD, la volatilité implicite 3 mois a testé au plus haut un niveau de 18% avant de revenir vers 14%, soit le niveau de début d’année.

Hedge funds : place aux stratégies défensives !

Dans l’ensemble, le bilan de l’industrie des hedge funds apparaît assez médiocre : -2,3% d’après l’indice Dow Jones Credit Suisse, -4,5%8 d’après l’indice HFRI. Ainsi, à première vue, la comparaison à la gestion traditionnelle (à travers un benchmark diversifié à volatilité comparable 30% actions, 40% obligations, 30% monétaire) ne s’avère guère flatteuse: la sous-performance de la gestion alternative atteindrait presque 5% sur l’année 2011 ! Si on considère un investissement à travers des fonds de fonds, la conclusion est encore plus décevante(-4.9% d’après l’indice HFRI). Ces chiffres rappellent à la fois les limites des indices globaux de hedge funds en termes de représentativité d’une industrie si diverse et l’importance d’une sélection de fonds opportuniste permettant une rotation des stratégies efficace. En effet, presque la moitié des stratégies a reporté une performance positive sur les 11 premiers mois de l’année.

La collecte nette devrait rester positive sur l’année : on estime qu’au 3ème trimestre 2011 les encours sous gestion ont dépassé les 2000Mds$, ce qui représente une hausse de presque 4% par rapport au niveau de fin 2010. Les investisseurs ont donc continué de considérer la gestion alternative comme une source de diversification face à la forte concentration des actifs risqués. L’investissement ne s’est cependant pas réparti de manière homogène sur l’ensemble des stratégies, mais une réelle sélection a été opérée. Les décisions d’allocations ont ainsi privilégié les stratégies d’arbitrage (Fixed Income, Equity Market Neutral, Convertible Arb) et les Global Macro au détriment des Long/Short, Merger Arb et des Distressed.

Deux thèmes très liés ont rythmé les performances de l’industrie en 2011 : 1/ une année en deux temps sur les marchés risqués avec un second semestre dominé par les craintes entourant la résolution de la crise souveraine européenne (cf partie actions); 2/ conséquence du caractère potentiellement systémique de cette crise, l’augmentation très forte de la concentration du risque au sein des actifs. Les stratégies à biais long actions / crédit, qui représentent près de la moitié des encours sous gestion au T3, ont subi la plupart du temps un directionnel négatif. Les gestions systématiques (CTAs, soit 16% de l’industrie) ont eu à faire face à un contexte de range trading où les tendances de court terme étaient souvent dictées par un newsflow politique. Enfin, la forte concentration du risque au sein des marchés a limité les opportunités d’arbitrage, notamment sur les marchés actions et crédit. Au final, ce sont les gérants Global Macro (discrétionnaires) et les Fixed Income Arbitrage qui se sont illustrés (avec respectivement 6% et 4,3% de performance sur les 11 premiers mois de l’année d’après les indices DJ CS).

Les Global Macro ont conservé leur 1ère place, mais avec une performance annuelle tout de même amputée de plus de la moitié par rapport à l’année 2010. Le picking s’est cependant avéré crucial puisqu’au-delà de ces performances moyennes, la dispersion s’est fortement accrue en 2011 : l’écart entre la performance des 25% meilleurs et des 25% moins bons performeurs dépasse 13% ! En effet, si la plupart des gérants avaient limité leur exposition aux marchés actions au profit de l’obligataire US dès le mois de juillet, les moins bons performeurs de la stratégie ont maintenu une allocation agressive (long actions émergentes / short obligataire US) qui les aura fortement pénalisés : leur performance annuelle s’établit en-deçà de -3%.

Souvent associés aux fonds Global Macro parmi les stratégies défensives, les CTAs auront plutôt déçu en 2011, affichant un repli compris entre -3,8% et -4,9%. Les gérants ont globalement maintenu un biais long actifs risqués (actions, matières premières) au premier semestre avant de rééquilibrer leurs allocations en faveur du dollar et de l’obligataire. Ils ont ainsi largement sous-performé l’industrie en novembre lors du rebond spectaculaire du marché actions (+11% pour le S&P 500) atteignant alors leur VaR à 10% avec une performance mensuelle de -5% !

Au sein de la stratégie Fixed Income Arb, les gérants qui ont réussi à neutraliser l’effet des marchés actions en privilégiant l’obligataire souverain (core ZE et US) aux dépens des corporates ont le mieux performé. La stratégie affiche seulement 3 mois de performances négatives sur les 11 premiers mois de l’année (vs 6 pour le S&P 500 et la plupart des autres stratégies) et une régularité exemplaire reflétée par la plus faible volatilité de l’industrie (2,1%). Au total, les Fixed Income Arb ont offert en 2011 le meilleur couple rendement / risque, et cela pour la 3ème année consécutive.

Tout comme en 2010, l’image des Equity Market Neutral renvoyée par les indices est très différente selon la source : -2,5% d’après l’indice HFRI, +5% d’après l’indice DJ CS. D’après notre analyse quantitative sur les performances individuelles (base TASS), les meilleurs performeurs avaient fortement réduit tout directionnel actions au cours de l’été pour ne conserver que des arbitrages de style (taille, valorisation, pays etc.) et affichent une performance moyenne de l’ordre de +13% (vs -10% pour les moins bons performeurs). Les fonds d’Event Driven se sont également comportés de manière très hétérogène cette année. Les Distressed ont été particulièrement pénalisés en août et septembre par le violent écartement des spreads de crédit qui a accompagné la chute des indices boursiers. Ils ont alors atteint leurs VaR à 5%, voire 1%. Les gérants Merger Arb reportent une performance positive de 1,5%. Les entreprises étant exceptionnellement cash rich, l’activité s’est avérée soutenue dans le secteur des fusions-acquisitions, même en légère progression par rapport à 2010 (1935 Mds$ de transactions annoncées vs 1890 Mds$ l’année dernière). Les gérants de stratégies d’arbitrage de convertible ont relativement limité les pertes, reportant des performances comprises entre -4,9% (indice HFRI) et +0,5% (DJ CS). Les manageurs les plus prudents (1er quartile de la base TASS) ont tout de même reporté des performances de 4% sur les 11 premiers mois de l’année.

Sans surprise, ce sont les gérants à biais long actions, tels que les Long/Short et les Emerging qui occupent le bas du tableau. Quelle que soit la source privilégiée, les indices Long/Short ont suivi leurs benchmark actions et affiché 5 mois de repli consécutifs, de mai à octobre, soit un drawdown de 13%, vs 16% pour le S&P 500. Avec l’accentuation de la concentration des risques, les paris tactiques des gérants Long/Short avaient peu de chances de se révéler profitables et les fonds qui ont le mieux performé sont ceux qui : i/ présentaient le beta global le plus faible, ii/ ont préféré depuis le début de l’année les actions US à leurs homologues € et iii/ ont favorisé les plus grandes capitalisations. Les fonds à thématique émergente terminent l’année dans le bas du tableau : -11% selon l’indice HFRI, -6% d’après DJ CS. On note une forte augmentation de l’exposition aux obligations émergentes au second semestre, notamment en ce qui concerne les meilleurs performeurs.

Enfin, les fonds de fonds ont souffert d’un biais actions trop marqué et reportent une performance moyenne de -4,9%. Le résultat est proche même parmi les fonds les plus défensifs (- 3,4% pour l’indice HFRI Conservative) prouvant les difficultés rencontrées par les gérants à opérer des rotations de stratégies. Comme dans le cas des single names, le taux d’attrition (sorties des bases) s’est stabilisé cette année autour de 15% mais marque une légère inflexion haussière en fin d’année. Les niveaux restent cependant bien supérieurs à ceux d’avant crise. Les fonds de fonds n’auront ainsi pas réussi à endiguer le mouvement de décollecte initié lors de la crise de 2008 : les encours sous gestion ont diminué de plus de 7% sur les 3 premiers trimestres de l’année, revenant en-deçà des niveaux de 2009.

  1. European Financial Stability Facility
  2. European Stability Mechanism
  3. ou PSI, Private Sector Involvement
  4. Net Present Value
  5. Long Term Refinancing Operation
  6. EMBI Global Composite et GBI Broad Composite
  7. L’indice global est ici le S&P Europe afin de faciliter les comparaisons sectorielles avec l’indice américain
  8. Etant donnés les délais de publication propres aux hedge funds, les performances commentées ici s’arrêtent au 30 novembre 2011.

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