Le grand test

par Clemente De Lucia et Jean-Luc Proutat, économistes chez BNP Paribas

La crise des dettes souveraines s’est aggravée au sein de l’Union économique et monétaire (UEM). Elle rattrape désormais l’Italie et l’Espagne, respectivement troisième et quatrième puissance de la zone par leur PIB (2 670 milliards d’euros à elles deux) et leur population (106 millions d’habitants). On aurait pu souhaiter meilleur sort au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro qui s’est tenu à Bruxelles, le 21 juillet 2011.

Pour la première fois, les Dix-sept ont convenu que les plus fragiles d’entre eux ne devaient pas être punis, mais aidés. Les financements communautaires porteront désormais sur le long terme (ils iront de quinze à trente ans) et seront assortis de taux d’intérêt préférentiels, ainsi que le préconise depuis longtemps le FMI (Fonds monétaire international).

Le FESF (Fonds européen de Stabilité financière) sera habilité à acheter de la dette souveraine sur le marché secondaire. Il pourra aussi, le cas échéant, aider à la recapitalisation d’établissements financiers, y compris dans les pays ne bénéficiant pas d’un programme. Le jeu communautaire est plus coopératif, les outils de la stabilité financière sont renforcés.

Mais force est de constater qu’il en faudra d’avantage. Le 3 août, les écarts de rendements supportés par l’Italie et l’Espagne atteignaient des niveaux records (supérieur à 350 points de base à 10 ans), proches de ceux qui prévalaient avant la formation de l’UEM (graphique). Les conditions de financement des deux pays impliquent un taux d’intérêt à 10 ans proche de 6%, ce qui est trop élevé en regard de leur faible taux de croissance (moins de 1% en 2011).

Certes, les dettes espagnole et italienne ayant une durée de vie relativement longue (proche de 7 ans), leur renchérissement n’a pas d’impact démesuré à court terme. Dans le cas Italien, une hausse des taux d’intérêt de marché de 200 points de base – celle qui a eu lieu depuis le début de l’année 2011 – coûte quelque 0,5 point de PIB au bout de la première année. Mais elle devient vite problématique en cas de généralisation à toute la structure de la dette. Celle-ci porte en 2011 un taux d’intérêt apparent de 4,1%, induisant pour l’Italie une charge annuelle de 75 milliards d’euros. A 6% (taux apparent), cette dernière est augmentée de 45% et atteint 112 milliards d’euros, soit 7 points de PIB. Un niveau difficilement soutenable.

Il faudrait donc parvenir à réduire les spreads de financement attachés aux dettes italienne et espagnole, les expériences grecque, portugaise et irlandaise suggérant que le plus tôt serait le mieux.

Or le FESF n’est pas encore en mesure d’intervenir directement sur le marché secondaire de la dette des États. Son changement de statut juridique, tout comme son mode opératoire précis, restent à être approuvés par les dix-sept Etats membres de l’UEM, ce qui implique une ratification par les parlements nationaux. Rien ne se fera probablement durant l’été. La BCE doit donc réactiver son programme d’achats de titres (SMP pour Securities Markets Programme).

Mis en sommeil en avril 2011, ce dernier ne couvre que 0,9% du stock de la dette publique en zone euro, un montant négligeable en regard de ceux engagés par la Banque d’Angleterre (200 milliards de livres ou 16,5% du stock de la dette) ou la Réserve fédérale des Etats-Unis (1 160 milliards de dollars ou 8,2% du stock de la dette)1.

Il existe donc des marges de manoeuvre, mais la BCE les consomme avec modération. Lors de la réunion du Conseil des gouverneurs du jeudi 4 août, le président J.C. Trichet a bien précisé que la Banque était à nouveau active sur les marchés de la dette, mais a minima et semble-t-il avec toujours beaucoup de réticence du côté allemand. Elle n’aurait à ce jour acheté que des obligations du Portugal et de l’Irlande, conditionnant à de nouvelles mesures de réduction des déficits son soutien à l’Italie et l’Espagne. S’assurer ainsi du bon emploi de ses fonds est louable, mais attendre coûte cher ….

NOTE

  1. Montant des obligations du Trésor acquises lors des opérations « d’assouplissement quantitatif » de la Banque d’Angleterre et de la Réserve fédérale (QE – quantitative easing – 1 et 2).

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