par Olivier Raingeard, Directeur des investissements chez Neuflize OBC
Les développements géopolitiques spectaculaires constatés dans le cadre du conflit russo-ukrainien mettent en lumière les limites du secteur de la Défense européenne et illustrent les fragilités de l’Union.
Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne – encore lui ! –, dans sa partie dédiée aux politiques sectorielles, consacre un chapitre à la défense. Les insuffisances sont clairement exposées :
Les dépenses publiques de défense des Etats-Unis sont trois fois plus importantes que celles de l’Union européenne. Seuls 10 États membres y consacrent plus de 2% de leur PIB.Le secteur de la défense est confronté à des difficultés de financement privé, en particulier les petites et moyennes entreprises.Le paysage industriel de la défense européenne est fragmenté, en raison d’une coordination insuffisante qui alimente le manque de standardisation des produits.Le degré de dépendance internationale est très élevé : « sur un total de 75 milliards € dépensés par les États membres entre juin 2022 et juin 2023, 78% ont été attribués à des fournisseurs localisés hors de l’Union européenne, dont 63% sont basés aux Etats-Unis ».L’investissement dans la recherche et développement est limité. L’Union européenne a dépensé 10.7 milliards € en 2022 ; le budget américain de la défense y a consacré 140 milliards $ en 2023.La gouvernance du secteur de la défense au niveau de l’Union européenne est « faible et fragmentée ». Ces insuffisances raisonnent avec celles constatées pour le secteur technologique, où « l’Union européenne dépend de pays tiers à 80% pour ses produits, services, infrastructures et propriétés intellectuelles digitales ». Les causes de cette dépendance sont identifiées : insuffisance d’investissements privés et inefficience des investissements publics en R&D ; fragmentation de l’écosystème européen d’innovation ; insuffisance d’excellence académique ; sous-développement du système financier ou encore régulation complexe et/ou fragmentée. Le rapport détaille les solutions pour renforcer le secteur de la défense européen : au-delà des 500 milliards € d’investissements nécessaires pour la prochaine décennie, l’Union européenne doit, entre autres, mettre en œuvre la stratégie industrielle de défense européenne, harmoniser et standardiser les équipements, améliorer les accès aux financements, introduire un principe de préférence européenne renforcé. « L’Europe doit réagir dans un monde moins stable géopolitiquement, où les dépendances deviennent des vulnérabilités et où elle ne peut plus compter sur les autres pour sa sécurité » (rapport Draghi, septembre 2024). Dans cette perspectives, la réduction des dépendances excessives et la sécurité constituent le 3ème pilier de la Boussole pour la compétitivité de la Commission européenne, annoncée en début d’année.
