Le temps des notations

par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas

La dégradation des finances publiques dans la plupart des pays développés est au cœur des préoccupations des marchés. Si l’engagement des Etats face à la crise était nécessaire pour éviter que la récession ne se transforme en dépression, il a conduit au creusement des déficits et à une envolée des dettes publics.

Dubaï avait déjà alerté les investisseurs. L’abaissement de la notation de la Grèce de A- à BBB+ (assortie d’une perspective négative) par Fitch, conjugué à des perspectives ramenées de stables à négatives pour l’Espagne (AA+) et le Portugal (A+) par S&P (qui a aussi mis sous surveillance avec implication négative la Grèce), ont alimenté les inquiétudes, en soulignant que la dérive des dettes publiques allait constituer un obstacle à une reprise forte. En effet, en plus des coûts financiers engendrés par la dette, au-delà du soutien apporté par la reprise de l’activité, la consolidation budgétaire devra également s’appuyer sur une baisse des dépenses publiques et une hausse des recettes fiscales. Autrement dit, les marges de manœuvre sont dorénavant très limitées, voire nulles dans certains cas, pour les gouvernements qui voudraient de nouveau soutenir l’activité.

Nous avions déjà souligné que le policy mix de sortie de crise serait très délicat, et peut-être plus encore dans son versant budgétaire que dans sa composante monétaire.

Toutefois, si les écarts entre le rendement du Bund à 10 ans et celui des titres d’Etat grecs, et dans une moindre mesure irlandais, espagnols et portugais ont augmenté, le creusement des spreads est moindre que celui qui avait été enregistré au cours du premier trimestre, lorsque certains craignaient l’éclatement de l’euro. Certes, le premier trimestre 2010, moment où les levées de dette devraient être les plus massives, pourrait être difficile, mais au-delà les écarts de taux pourraient se réduire. La présentation par le gouvernement grec d’un programme crédible de consolidation budgétaire est bien sûr une étape cruciale. A cet égard, des annonces devaient être faites lundi 14 décembre, soit quelques semaines avant la présentation de la mise à jour du Programme de stabilité 2010-2013. En effet, le temps presse…Ce n’est qu’après, afin de limiter le risque d’aléa moral, que des officiels européens pourraient exprimer (plus explicitement) un certain soutien. Enfin, l’abondance actuelle de liquidité permet d’amortir les chocs. Voilà de quoi conforter les Banques centrales dans leur choix d’une sortie très prudente des mesures non conventionnelles. 

Le marché des changes est également très chahuté par les évènements récents. Le dollar a regagné du terrain contre euro au cours des derniers jours, porté par la nette décélération des pertes d’emplois aux Etats-Unis en novembre et par les inquiétudes autour des dettes souveraines. Toutefois, les conditions d’un véritable rebond du billet vert ne sont peut-être pas encore totalement réunies. Des officiels de la Fed ont déjà souligné la nécessité de maintenir des conditions monétaires accommodantes pendant une période prolongée, ce qui devrait être confirmé à l’occasion de la réunion du FOMC les 14 et 15 décembre. La Réserve fédérale attend une baisse du taux de chômage, mais estime que le marché du travail ne devrait pas se tendre au moins à court terme. En outre, les autres données et enquêtes sont plus mitigées, confortant le scénario d’une croissance modérée, inférieure au taux potentiel. Ainsi, alors qu’en novembre, les ventes de détail ont nettement progressé pour le deuxième mois consécutif, les enquêtes ISM suggéraient une progression moins vive de l’activité dans le secteur manufacturier et son repli dans le reste de l’économie. Par ailleurs, compte tenu de l’importance de l’endettement net des Etats-Unis, la fin d’année est souvent délicate pour le dollar. 

Enfin, comme l’an dernier, l’euro pourrait être soutenu par des rapatriements d’actifs de certaines banques de la zone.

Cependant, la phase actuelle est très probablement une sorte de répétition d’un rebond plus marqué du dollar qui prendra place au cours des prochains mois, ramenant l’EUR/USD vers 1,40.

A quelques mois des élections législatives, le pré-budget présenté par le gouvernement britannique ne s’attaque pas à la nécessaire consolidation des finances publiques, amplifiant donc les craintes des marchés. L’importance du déficit budgétaire ne peut que peser à terme sur le sterling et la parité EUR/GBP pourrait se diriger vers 0,95 durant la seconde moitié de 2010.

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