Moins de colombes à la Fed

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

À quelques semaines de la prochaine allocution du Président Bernanke devant le Congrès, la Réserve fédérale américaine se réunira les 25 et 26 janvier. A cette occasion, elle réactualisera ses prévisions trimestrielles pour la première fois depuis l’introduction de la deuxième vague d’assouplissement monétaire (QE2) en novembre 2010. Depuis le dernier Comité de Politique Monétaire (FOMC) de décembre, la situation économique a peu évolué. Selon le Beige Book, publié le 13 janvier, l’activité a continué de progresser modestement à travers les Etats-Unis.

Plus généralement, dans le secteur manufacturier, le commerce de détail et les services non financiers, à l’exception des transports, les conditions économiques ont été meilleures que dans l’immobilier et les services financiers. Concernant les prix, la plupart des régions ont signalé des tensions accrues sur les coûts de production mais une faible propension à répercuter celles-ci dans les prix de vente, compte tenu des pressions concurrentielles. Enfin, dans la plupart des régions, les conditions sur le marché du travail semblent s’améliorer quelque peu, sans pratiquement de tension salariale. Sur l’ensemble du territoire, l’emploi se redresse modestement, dans un ou plusieurs secteurs selon les régions.

Par ailleurs, la composition du FOMC va changer en janvier. En effet, le mandat annuel de quatre de ses membres (les présidents des Réserves de Cleveland, Boston, Saint Louis et du Kansas) arrive à échéance. Ils seront remplacés par de nouveaux présidents (ceux des Réserves de Chicago, Philadelphie, Dallas et Minneapolis), dont deux en particulier (M. Fischer de Dallas et M. Plosser de Philadelphie) sont réputés plus circonspects à l’égard du QE2 et de ses effets sur l’économie réelle et les prix que leurs prédécesseurs.

En dépit de ce changement, nous n’attendons pas de modification majeure du communiqué publié mercredi. En effet, la Réserve fédérale devrait attendre avant d’envisager de relever ses taux d’intérêt que les conditions sur le marché du travail s’améliorent significativement, avec un recul du taux de chômage sous 9% et une stabilisation des salaires qui puisse freiner le repli de l’inflation sous-jacente. Une telle décision n’interviendrait pas avant 2012.

Dans la zone euro, les ministres de l’Economie et des Finances sont parvenus, en début de semaine, à un compromis a minima concernant les modalités du renforcement du dispositif d’aide aux pays en difficulté, après 2013. Le Fonds européen de Stabilisation financière disposera de fonds supplémentaires (le montant est encore à déterminer) et aurait la possibilité d'acheter des titres de dette des pays assiégés.

Toutefois, un différend majeur demeure entre la Commission européenne (CE) et le Fonds monétaire international (FMI) d’une part et l’Allemagne, soutenue par la Finlande et les Pays-Bas, d’autre part. La CE et le FMI souhaitent que la refonte du nouveau dispositif ait lieu rapidement (d’ici le 4 février), tandis que l’Allemagne privilégie une réforme ambitieuse et en profondeur qui ne pourrait être achevée, en raison de sa plus grande complexité, avant fin mars. Dans ces conditions, les pays périphériques risquent encore de souffrir de ces atermoiements, dans un environnement où de nombreuses incertitudes demeurent. En outre, la méthodologie des nouveaux stress tests bancaires ne devrait pas être finalisée avant le mois de mars, et les résultats finaux ne seront publiés qu’au cours de l’été. Pour l’Espagne ou encore le Portugal1 sur lequel planent des rumeurs de downgrading de plus en plus fortes, le temps d’attente va sembler bien long. Le rendement à 10 ans de l’emprunt d’Etat lusitanien était retourné cette semaine sur des niveaux proches de ses plus hauts depuis plus de 15 ans.

Par ailleurs, la publication du bulletin mensuel de janvier de la Banque centrale européenne était attendue avec intérêt par les marchés financiers. En effet, à l’occasion de sa réunion du 13 janvier, M. Trichet s’était montré plus inquiet qu’à l’ordinaire concernant l’évolution des prix. Rappelons que, pour la première fois depuis plus de deux ans, l’inflation avait dépassé l’objectif de la Banque centrale (proche mais en deçà de 2%) en décembre dernier et s’est inscrite à 2,2%. Le bulletin confirme les récents propos du Président. Le niveau élevé de l’inflation provient principalement des prix de l’énergie, tandis que la stabilité des prix demeure assurée à moyen terme. Mais l’inflation n’en réclame pas moins une surveillance très étroite.

Pour la BCE, il est crucial de surveiller l’éventuelle survenue d’effets de second tour, la progression des coûts salariaux poussant alors l’inflation sous-jacente à la hausse. Pour l’heure, il n’en est rien. Les pressions sur les salaires demeurent modestes, en ligne avec la faiblesse des conditions sur le marché du travail. Dans ce contexte, et compte tenu des tensions persistantes dans les pays périphériques de la zone, la BCE ne devrait que très progressivement lever ses mesures non conventionnelles. De plus, elle maintiendrait ses taux directeurs inchangés tout au long de l’année.

NOTES

1 Moody’sasignaléquelacapacitéd’empruntd’unEtatétaitunedes préoccupations majeures de l’agence au moment de la revue du rating d’un pays, ajoutant qu’à l’aune de ce critère il y aurait probablement downgrading de la dette souveraine portugaise d’ici trois mois

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